Ce mercredi 19 février, la motion de censure défendue par le Parti socialiste revêtait des teintes sépia. À entendre la députée Ayda Hadizadeh accuser le gouvernement d'avoir « cédé aux passions tristes de l'extrême droite », François Bayrou de « pactiser avec l'ombre » et le Premier ministre de ne pas « dénoncer la seule submersion, la submersion nationaliste », on se croyait revenus au temps de SOS Racisme ou de la gauche plurielle.
Quelques jours plus tôt, le Parti socialiste avait sauvé la mise du gouvernement, acceptant de ne pas voter la motion de censure déposée par la France insoumise en échange de quelques maigres concessions sur le budget. La manœuvre d'Olivier Faure s'insère bien sûr dans un contexte politique : il s'agit pour le PS de poursuivre sa séparation d'avec la France insoumise, perdue dans une course à la radicalité qui mène la gauche dans le mur ; mais aussi — surtout ? — de préparer le prochain congrès du parti, en juin. On se gardera donc bien d'accuser aveuglément les socialistes de traîtrise, comme l'ont fait certains.
En revanche, il était visiblement nécessaire aux yeux des hiérarques roses de donner le change à la gauche. De se faire « pardonner » d'avoir cédé le budget au gouvernement, en déposant une motion de censure vouée à l'échec, et surtout ridicule d'indignation boursouflée : le PS a donc, le plus sérieusement du monde, proposé de renverser François Bayrou, non sur la base de mesures concrètes, mais en raison de l'emploi de l'expression « sentiment de submersion migratoire ». C'en était trop pour de si belles âmes.
Depuis la débâcle du quinquennat Hollande, les socialistes avaient pourtant entamé une réflexion féconde sur les raisons de leur échec : conversion discrète au néolibéralisme mondialisé, adhésion irréfléchie à une Union européenne construite sur des principes incompatibles avec ceux du socialisme, fuite en avant vers un progressisme bobo servant de cache-misère aux abandons sur le plan économique… Ces débats sont au coeur de la refondation de la gauche. Mais en « compensant » son compromis économique par des leçons de morale hors-sol, le Parti socialiste a montré qu'il n'avait pas encore fait s'évaporer les fantômes de la gauche morale.
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