Intéressante, la vision des GJ par la bourgeoisie consensuelle, comme étant la lie du peuple se révoltant contre l'ordre établi et à mater pour la faire rentrer dans le rang, classe dérangeante et inculte . Halimi et Rimbert y voient la conséquence d'un lent processus de destruction et de remplacement de la classe ouvrière et d'un "brouillage idéologique" des repères, par les tenants de l'ultra libéralisme dès les années 80.
C'est vrai mais pas seulement pour les raisons citées, car les 30 000 irréductibles du samedi sont loin de représenter la seule population défavorisée du pays (8.5 millions de pauvres en 2017, selon l'Insee) et ils conservent un capital de sympathie estimé à 61 % de la population (Médiapart du 4 avril 2019). D'autre part les résultats du dépouillement numérisé du Grand Débat démontrent que le niveau moyen des participants est celui de gens éduqués et politisés. Enfin, ce mouvement perdure et se cristallise en dehors de toute structure, démontrant ainsi la profondeur et l'urgence vitale de ses revendications, ce qui est nouveau.
L'analyse qu'en font la plupart des médias est en effet méprisante et hautaine, mais est le résultat, non pas d'un réflexe complotiste consensuel comme le sous entendent nos auteurs, mais de journalistes, philosophes, politiques et autres observateurs gavés individuellement de privilèges par l'oligarchie et qui ont tout simplement peur de les perdre. En outre, l'immaturité politique de nos actuels dirigeants ne fait qu'accentuer l'incitation de tous ces nantis à exprimer leur inquiétude et à raconter n'importe quoi afin de discréditer ce mouvement.
Si les GJ n'ont pas trouvé d'autre moyen de s'exprimer, c'est plus probablement parce que les corps intermédiaires, les partis politiques et les religieux se sont désengagés de leurs missions de formation, d'information, d'éducation et d'entraide, pour profiter eux aussi des miettes qui leur étaient jetées en contrepartie par cette oligarchie née de la mondialisation et de la financiarisation du début des années 80. Les "bourgeois" sont alors passés sous la coupe des très riches et le peuple est devenu un boulet chichement astreint au Smic, aux allocs et accessoirement à aller voter. Ce qu'il n'accepte plus et le fait savoir.
Aujourd'hui, les classes moyennes en ont assez de payer pour tout le monde et sont prêtes à soutenir les mouvements populaires contre les très riches de plus en plus contestés. Le prochain krach financier attendu pour les années 2020 / 2024, (plus de la moitié de la richesse mondiale est faite de dettes des Etats auprès des banques mondiales), risque de tout bouleverser et c'est ce qui fait le plus peur à nos élites et à cette bourgeoisie bêlante, car alors les GJ ne seront plus 30 000, mais des centaines de milliers, voire plus, à manifester.
Jean