dimanche 15 avril 2018

80 km/h : Néandertal contre la mobilité connectée | Contrepoints

80 km/h : Néandertal contre la mobilité connectée | Contrepoints

80 km/h : Néandertal contre la mobilité connectée

Par Laurent Meillaud.

Ainsi donc, même s'il ne semble guère convaincu par une mesure qu'il ne continuera pas si elle ne marche pas, le président Macron va quand même appliquer le 80 km/h au 1er juillet.

C'est pourtant une décision qui ne passe pas (les trois quarts des Français sont contre et ils vont manifester ce week-end), dont la justification est tout sauf scientifique (expérimentation incomplète, travaux d'aménagement impactant le résultat, argumentaire préparé pour les préfets avec des chiffres fantaisistes) et qui ne servira à rien, si ce n'est continuer à justifier un système de contrôle-sanction automatique qui sert plus à remplir les caisses de l'État qu'à sauver des vies.

On peut se demander, à l'heure de la voiture connectée et du Big Data comment un tel exploit a été rendu possible.

80 km/h : l'exploit du CNSR

Le 80 km/h est né dans un cénacle qui s'appelle le CNSR (Conseil National de Sécurité Routière), un organe dont les « experts » (ils s'y connaissent en automobile comme moi en point de croix) sont censés alimenter en idées une administration qui ne connaît qu'une méthode, la répression. Rappelons qu'elle est reliée au ministère de l'Intérieur, et non aux transports.

Le CNSR, donc, a tenté une première fois de vendre les 80 km/h à l'époque de Valls et Cazeneuve. Refus. Il a été proposé à la place une expérimentation. On connaît la suite. Le bilan est tellement indiscutable que l'argumentation pour le 80 se fonde en fait, non pas sur les tronçons testés, mais sur la baisse de la mortalité constatée lors de l'introduction des radars automatiques en 2002 (baisse de la vitesse de 7% et de la mortalité routière de 37%).

Et ce n'est malheureusement pas une blague. D'ailleurs, le Délégué interministériel à la Sécurité Routière, claironne dans la revue Préventique (N° 157 de mars 2018) que « l'abaissement de la vitesse de 90 à 80 km/h est une décision aussi importante que le déploiement des radars automatiques ». Je me demande quel parallèle on peut faire entre les deux, sachant que dans le premier cas on partait de zéro, alors qu'il y a des milliers de radars partout en France.

Une seule obsession : la vitesse

Il y a juste une obsession à propos de la vitesse. C'est d'ailleurs le seul sujet qui intéresse les associations de victimes, dont on ignore le nombre de membres (et à propos du financement desquelles on peut se poser des questions) mais qui est un lobby très puissant. Bien plus que celui de l'automobile, sur lequel tout le monde fantasme. Appelons cela la dictature des minorités, une spécialité bien française.

Vous trouvez que je les charge un peu trop ? Tous ces brillants cerveaux ont contribué à l'adoption de 80 mesures depuis 2015,  dont l'effet a été nul sur la mortalité routière. Vous connaissez l'adage, on ne change pas une équipe qui gagne….

Ce qui m'a choqué, c'est que lors de la présentation de son plan, le 9 janvier, Édouard Philippe n'a même pas mentionné le fait que l'appel d'urgence embarqué allait devenir obligatoire le 31 mars dans toute l'Europe. Une mesure qui va pourtant sauver bien des vies, elle.

La Sécurité Routière n'en parle pas non plus d'ailleurs. Pas une ligne sur son site, quand la mesure a été appliquée. Le projet SCOOP qui entre en vigueur et qui permet de tester sur 2 000 km une communication en temps réel pour alerter les automobilistes sur les dangers de la route ? Ce projet n'existe pas non plus sur le site de cette administration. Vous n'en trouverez pas de trace non plus sur le site de la Ligue contre la Violence Routière. À la place : la vitesse !

La voiture connectée, bête noire du CNSR

J'en viens à la seconde obsession, celle du smartphone au volant. Incapable de déterminer avec des chiffres scientifiques dans quelle mesure l'usage du mobile a un impact sur l'accidentologie, la Sécurité Routière multiplie à l'envi les campagnes à ce sujet. C'est la faute au portable, na ! Cette obsession est d'ailleurs visible dans les couloirs de cet organisme, où des autocollants dénonçant le téléphone sont collés sur les portes des bureaux.

Reconnaître que la voiture connectée peut sauver des vies est sans doute un crève-coeur pour tous ces grands spécialistes qui connaissent si bien l'automobile. Et pourtant, il va falloir s'y habituer. Parce que l'Europe veut rendre les infrastructures connectées. Parce que l'industrie automobile va de toute façon intégrer des liaisons sans fil (Wi-Fi ITS-G5, 5G) qui vont permettre aux véhicules de signaler mutuellement leur présence et d'échanger des données sur les accidents, les bouchons et les travaux. C'est une révolution qui nous attend !

Mais, qui en parle ? Le déploiement de ces équipements n'a donné lieu qu'à un maigre communiqué, sur le site du ministère de l'Écologie.

Demain, la communication (avec la 5G, le cloud) sera pourtant essentielle pour l'avènement du véhicule autonome. Un thème que met en avant le gouvernement, mais pour lequel une partie de l'administration freine des 4 fers. Et devinez qui n'y croit pas ? Les experts du CNSR !

L'erreur serait de croire que la voiture sera connectée aux infrastructures dans 20 ans, 30 ans, et pour les riches. Erreur. Le monde change très vite et l'innovation se répand à une vitesse étonnante. Mais cela, les « experts » qui arrivent pourtant à influencer le gouvernement ne veulent pas le croire. Ils pensent que le « zéro accident », ce sera en baissant la vitesse et en bridant les véhicules. Une telle débauche de matière grise laisse rêveur.

Comment un président qui veut faire de la France une start-up Nation peut-il accepter une Stupid administration ?

En un mot, céder face aux associations de victimes et aux « fake experts » du CNSR, c'est comme abandonner des terrains aux ZADistes. Le 80 km/h n'est pas un progrès. Il y a bien d'autres moyens de sauver des vies. Et la technologie automobile va permettre de passer un cap, en l'absence d'une politique audacieuse de formation et en l'absence aussi d'investissements dans les infrastructures.