lundi 14 mai 2018

Emmanuel Tasdechair

Benoît Hamon se pose en rival de la France insoumise à gauche

Benoît Hamon se pose en rival de la France insoumise à gauche

Benoît Hamon se pose en rival de la France insoumise à gauche

Benoît Hamon estime être, "alternativement avec Jean-Luc Mélenchon, la personnalité la plus populaire à gauche".

Benoît Hamon estime être, "alternativement avec Jean-Luc Mélenchon, la personnalité la plus populaire à gauche". - ISA HARSIN/SIPA

Dans une interview à "Libération", l'ancien candidat socialiste à la présidentielle affirme que Jean-Luc Mélenchon a "décliné la responsabilité" de "rassembler la gauche", privilégiant une "stratégie populiste". Le fondateur du mouvement Génération.s cherche à s'imposer comme le nouveau chef de file de la gauche.

Voilà un nouvel épisode qui ne va pas améliorer les relations - déjà tumultueuses - entre Benoît Hamon et la France insoumise. Le leader du mouvement Génération.s, qu'il a fondé après son départ du Parti socialiste, a donné ce dimanche 13 mai une interview à Libération. Et dès ses premiers mots, on sent chez le candidat malheureux à la dernière élection présidentielle (6,36% des voix au premier tour) une volonté de se distinguer clairement de Jean-Luc Mélenchon. "A l'issue de la présidentielle, il y avait une personne qui se trouvait en situation de rassembler la gauche, qui par le suffrage universel avait la légitimité et l'autorité pour le faire, argue Benoît Hamon en parlant de celui qui lui a siphonné une bonne partie de son électorat en avril 2017. Mais il a décliné cette responsabilité. Il me semble que parmi les dirigeants de son mouvement, ils sont une majorité à penser que la conquête du pouvoir ne passera pas par le rassemblement de la gauche mais par une stratégie populiste. Je respecte ce choix."

Il est ici fait référence à un débat récurrent au sein de la France insoumise, entre ceux qui souhaitent former une "union de la gauche" traditionnelle et d'autres qui préfèrent abandonner le clivage droite-gauche et toutes les références qui y sont associées pour faire des Insoumis le parti du peuple. Considérant que Jean-Luc Mélenchon a opté pour la deuxième option, Benoît Hamon l'utilise comme argument pour "assumer" cette "responsabilité du rassemblement", et se prévaloir du leadership sur la gauche dont il estime être, "alternativement avec Jean-Luc Mélenchon, la personnalité la plus populaire".

Ce faisant, le fondateur de Génération.s se pose en opposition avec Emmanuel Macron qui avait théorisé l'effacement du clivage droite-gauche ; un positionnement que Hamon qualifie d'"imposture", jugeant que la politique du président relève de "la droite libérale et conservatrice". L'ancien socialiste se livre aussi à une forme d'autocritique, confiant non sans humour qu'"on ne peut pas gagner une présidentielle dans la France de la Ve République en faisant une campagne de Premier ministre suédois". Un exercice d'introspection tout de même limité, puisqu'il affirme également qu'il ne retrancherait rien de son programme présidentiel de 2017...

La fracture sur l'Europe

Et lorsqu'il donne la définition de "sa gauche", on mesure tout ce qui sépare Benoît Hamon de la France insoumise. Lorsque Benoît Hamon évoque la nécessité de "lever des passions positives", il cite spontanément "la question écologique, les migrants ou l'Europe". Et c'est sur ce dernier thème que les fractures sont les plus fortes : "Comme homme de gauche, je reste un internationaliste et je pense que la coopération entre les peuples, c'est mieux que la compétition tous azimuts. Donc l'idéal européen reste le mien", affirme Benoît Hamon. Même s'il affirme, comme les Insoumis, qu'il souhaite rompre avec le "libéralisme pro-business" qui a cours dans l'Union européenne, son projet de "Printemps européen" est bien loin de la remise en cause radicale de l'UE portée par la FI. L'alliance entre Hamon et Mélenchon évoquée durant la présidentielle devrait donc rester à jamais une chimère.

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CAC 40 : les dividendes de la discorde - Le Point

CAC 40 : les dividendes de la discorde - Le Point

CAC 40 : les dividendes de la discorde

D'après une étude d'Oxfam, la France serait championne d'Europe de la redistribution des bénéfices vers les actionnaires. Décryptage.

Salle de Bourse montrant l'incide CAC 40, l'incide boursier parisien (illustration).

Salle de Bourse montrant l'incide CAC 40, l'incide boursier parisien (illustration).

© HAMILTON/REA

Qui prend place dans des salons scintillants de grands hôtels, qui s'installe dans d'anonymes grandes salles de pavillons parisiens : le rituel est annuel. Nous y sommes. C'est la saison des assemblées générales ordinaires, qui, grosso modo, se déroule d'avril à juin. C'est une époque que les actionnaires, petits ou gros, de groupes du CAC 40 traversent avec fébrilité, car d'une AG à l'autre, ils valident le montant des dividendes versés, c'est-à-dire de la part du bénéfice qu'il leur revient.

Entre deux résolutions à étudier, avant d'assister à ces grands raouts très réglementés, ces actionnaires potasseront-ils également la dernière étude Oxfam France en partenariat avec le Basic (Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne) qui vient de paraître, intitulée « Des profits sans partage » (1) ? Pas sûr qu'ils apprécient…

L'ONG Oxfam, très engagée contre la pauvreté et les inégalités, a décortiqué les résultats des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2016, pour mettre en avant l'évolution du partage des bénéfices entre actionnaires, dirigeants et salariés. Et elle en est convaincue, « la répartition inégale des richesses s'organise d'abord là où elle se crée : au sein des entreprises ». Sa conclusion est sans appel : « Les choix économiques des entreprises du CAC 40 nourrissent une véritable spirale des inégalités. »

L'État-actionnaire bien servi

D'après l'étude, depuis 2009, ces grands groupes auraient versé 407 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires. Sur 100 euros de bénéfices, 67,4 euros seraient revenus aux actionnaires sous forme de dividende, 27,3 pour les réinvestissements et 5,3 pour les salariés. La France serait ainsi « le plus gros payeur de dividendes d'Europe continentale », tandis que dans les années 2000, les entreprises tricolores versaient deux fois moins de dividendes par rapport à leurs bénéfices.

Sur le podium des entreprises les plus généreuses avec leurs actionnaires, on trouve au sommet Total (43,5 milliards d'euros redistribués), Sanofi (37,9 milliards) et Engie (27,6 milliards). Cette dernière, dont l'État détenait 24,2 % du capital fin septembre, a versé depuis 2009 des dividendes trois fois supérieurs à ses bénéfices, mais assume. « L'objectif principal du groupe en termes de sa structure financière est de maximiser sa valeur pour les actionnaires », répond-elle.

De manière globale, les dividendes dans les entreprises où l'État est actionnaire (il détient 3 % du CAC) s'élevaient à 86 % des bénéfices, contre 67 % en moyenne pour l'ensemble CAC 40, en 2016. Il y a aussi le cas d'entreprises ne dégageant aucun bénéfice, mais versant des dividendes à leurs actionnaires, comme Arcelor.

Le dividende n'est pas l'ennemi de l'investissement

Selon Oxfam France, tout cela profiterait essentiellement aux hyper-riches, dont le patrimoine est composé de 90 % d'actifs financiers, et se ferait au détriment de l'investissement et des salariés. Il est souligné le changement de structure de l'actionnariat du CAC 40, plus internationalisé et avec une montée en puissance des hedge funds ou des fonds de gestion active, dont les fortes exigences en termes de rendement ne sont un secret pour personne.

Cette étude nourrit l'idée qu'il faudrait mieux investir à la place de distribuer des dividendes. Mais tout n'est pas aussi simple. Bien au contraire. La situation n'est pas figée et n'est pas centrée sur une entreprise. Chacune d'elle a son propre niveau de maturité, qui implique un besoin différent d'investissement ; chacune a traversé la crise avec plus ou moins de difficultés. Investir, donc, pour quoi faire ? Dans du matériel, de l'immatériel ? Surtout une fois leurs dividendes en leur possession, que font les actionnaires ? Agissent-ils comme des rentiers ? Beaucoup d'entre eux choisissent de réinjecter leurs liquidités en achetant de nouvelles actions sur le marché. Ou, parfois, tel l'État avec EDF par exemple, ils assument directement des investissements dans du physique. Bref, le dividende n'est pas l'ennemi de l'investissement. D'ailleurs, il progresse en France, même dans les rangs du CAC 40, d'après des données du site spécialisé Vernimmen.net.

Concepts difficilement comparables

Oxfam France ne s'arrête pas là. En faveur d'une plus forte redistribution vers les salariés, l'ONG ose une comparaison, qui fera bondir plus d'un économiste : selon elle, si les entreprises avaient maintenu leur niveau de redistribution de 2009, chaque salarié du CAC 40 aurait pu être augmenté de 2 000 euros par an sur la période 2009-2016 ! Quant à ceux de Sanofi, plus particulièrement, ils auraient pu percevoir 13 267 euros de plus par an... Oxfam France exagère la réalité, en mettant en parallèle des concepts – dividendes et rémunération – difficilement comparables. Soit...

Malgré ses exemples parfois caricaturaux et sa méthodologie remise en cause par plusieurs entreprises du CAC 40, cette étude pose la question de la redistribution des bénéfices des entreprises. Doit-on remodeler le système pour les flécher davantage vers les caisses d'impôt, les poches des salariés, des dispositifs de recherche et développement, laisser le marché s'autoréguler, etc. ? Chez nous, le gouvernement planche sur le Pacte – Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises –, qui comprend entre autres un volet consacré à l'épargne salariale – intéressement, participation, etc. Le calendrier de cette réforme n'est pas encore connu. 

(1) L'analyse se concentre sur les 30 entreprises qui ont appartenu à l'indice CAC 40 de 2009 à 2016, auquel se rajoute le groupe PSA qui a été intégré à l'échantillon bien qu'il soit sorti de l'indice CAC 40 pendant 3 années entre 2009 et 2016. 
Pour 2016, l'étude a porté sur l'ensemble des 40 entreprises du CAC 40.

La rémunération des dirigeants dans le viseur

Autre cible de l'étude d'Oxfam France : les dirigeants et leur rémunération – salaire, valorisation de leurs options et actions, rémunération variable, et celle liée au cours de la Bourse. L'ONG a également évalué le salaire moyen dans les sociétés du CAC 40. Et elle les compare. La rémunération des PDG a crû de 46 % depuis 2009, quand les bénéfices du CAC ont augmenté de 61 %. En 2016, les PDG du CAC 40 ont gagné 119 fois plus que la moyenne de leurs salariés à travers le monde – en 2009, cet écart s'élevait à 96.

Réforme de la sncf : le document qui sème le trouble - Le Parisien

Réforme de la sncf : le document qui sème le trouble - Le Parisien

Réforme de la SNCF : le document qui sème le trouble

Alors que la 9e séquence de grève commence ce dimanche, une note de travail interne que nous avons consultée ouvre une brèche pour une possible privatisation de l'entreprise. La SNCF et le ministère des Transports démentent.

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Selon le document que nous avons pu consulter, la SNCF souhaite déposer un amendement pour filialiser l'activité des trains régionaux, les TER.

A quoi joue la direction de la SNCF ? Dans le compte rendu interne d'une réunion de travail qui s'est tenue le 4 mai entre des cadres de la compagnie et le cabinet du ministère des Transports, que nous avons pu consulter, on apprend que la compagnie ferroviaire a demandé au gouvernement de limiter l'incessibilité des titres de l'entreprise publique à la seule holding. Une petite phrase qui fait l'effet d'une bombe.

LIRE AUSSI >Grève SNCF : 50 % des TGV et Transilien dimanche, deux TER sur cinq

« Si seule la holding est protégée, rien n'empêchera la direction de céder ou d'ouvrir le capital de SNCF Mobilités (qui gère les trains) ou de SNCF Réseau (qui gère l'infrastructure), s'agace Fabien Villedieu, délégué syndicat de SUD Rail. Concrètement, cette demande ouvre la voie à une privatisation de l'entreprise publique alors que depuis des semaines le gouvernement et la direction nous répètent en chœur que cette réforme ferroviaire n'est pas la privatisation de la SNCF. »

Les responsables syndicaux « tombent de l'armoire »

En effet, vendredi, dans une interview accordée à notre journal, Guillaume Pepy, président du directoire de la SNCF, avait répété : « il n'y a pas UN élément dans la réforme qui rend possible une privatisation totale ou partielle de la SNCF. C'est même l'inverse ». Contactés, plusieurs responsables syndicaux, qui participaient encore aux négociations sur les amendements, vendredi, au ministère des Transports, n'en reviennent pas. « Je tombe de l'armoire, confie l'un d'eux.

Cette possibilité était l'une de nos craintes. Mais comme nous avons eu quelques garanties, nous pensions qu'elle était écartée ». Même consternation chez cet autre syndicaliste : « Si c'est cette vision-là qui l'emporte auprès du gouvernement, ça ne va pas très bien se passer avec nous ».

La SNCF et le ministère invoquent un document de travail

Du côté de la compagnie comme du gouvernement, on coupe court à tout début de polémique. « Il n'y a pas de sujet, balaient d'un revers de main le ministère des Transports et la compagnie ferroviaire. C'est une réunion de travail. Notre position n'a pas changé. L'incessibilité des titres de la SNCF concerne aussi bien la holding que SNCF Mobilité et Réseau ».

La filialisation des TER en question

Reste que dans ce compte rendu de six pages, on apprend également que l'entreprise publique souhaite déposer un amendement pour filialiser l'activité des trains régionaux, les TER. « Cela impliquerait que les cheminots de TER ne seraient plus aux conditions sociales de la SNCF », s'étrangle Fabien Villedieu.

Là aussi, l'entreprise publique dément : « Le but technique de la réunion était que la rédaction (NDLR : de la loi) n'ait pas pour effet d'empêcher ce que la SNCF fait actuellement : avoir des filiales lorsqu'un marché a un caractère spécifique et l'exige, comme un marché transfrontalier. En aucun cas, cela ne concerne les marchés régionaux de TER ».

Un rapport sur les lignes les moins fréquentées

Par ailleurs, le ministère des Transports n'est pas en reste. Le compte rendu détaille les amendements qu'il pourrait déposer. Ainsi, la gestion des gares serait confiée à une filiale détenue par SNCF Réseau ; la date d'ouverture à la concurrence en Ile-de-France, prévue en 2033, serait avancée d'un an ; enfin, pour les petites lignes un amendement prévoit un rapport gouvernemental sur l'état du réseau et les lignes les moins circulées.

« Quoi de mieux qu'un rapport pour justifier la fermeture de ces lignes », prédit Fabien Villedieu. « C'est une réunion de travail, répète le ministère des Transports. Tout cela n'est pas arbitré ». Bref, un document bien troublant. « Cela montre qu'il faudra rester vigilant jusqu'au vote de la loi au Sénat début juin », prévient un syndicaliste.