lundi 14 mai 2018

CAC 40 : les dividendes de la discorde - Le Point

CAC 40 : les dividendes de la discorde - Le Point

CAC 40 : les dividendes de la discorde

D'après une étude d'Oxfam, la France serait championne d'Europe de la redistribution des bénéfices vers les actionnaires. Décryptage.

Salle de Bourse montrant l'incide CAC 40, l'incide boursier parisien (illustration).

Salle de Bourse montrant l'incide CAC 40, l'incide boursier parisien (illustration).

© HAMILTON/REA

Qui prend place dans des salons scintillants de grands hôtels, qui s'installe dans d'anonymes grandes salles de pavillons parisiens : le rituel est annuel. Nous y sommes. C'est la saison des assemblées générales ordinaires, qui, grosso modo, se déroule d'avril à juin. C'est une époque que les actionnaires, petits ou gros, de groupes du CAC 40 traversent avec fébrilité, car d'une AG à l'autre, ils valident le montant des dividendes versés, c'est-à-dire de la part du bénéfice qu'il leur revient.

Entre deux résolutions à étudier, avant d'assister à ces grands raouts très réglementés, ces actionnaires potasseront-ils également la dernière étude Oxfam France en partenariat avec le Basic (Bureau d'analyse sociétale pour une information citoyenne) qui vient de paraître, intitulée « Des profits sans partage » (1) ? Pas sûr qu'ils apprécient…

L'ONG Oxfam, très engagée contre la pauvreté et les inégalités, a décortiqué les résultats des entreprises du CAC 40 entre 2009 et 2016, pour mettre en avant l'évolution du partage des bénéfices entre actionnaires, dirigeants et salariés. Et elle en est convaincue, « la répartition inégale des richesses s'organise d'abord là où elle se crée : au sein des entreprises ». Sa conclusion est sans appel : « Les choix économiques des entreprises du CAC 40 nourrissent une véritable spirale des inégalités. »

L'État-actionnaire bien servi

D'après l'étude, depuis 2009, ces grands groupes auraient versé 407 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires. Sur 100 euros de bénéfices, 67,4 euros seraient revenus aux actionnaires sous forme de dividende, 27,3 pour les réinvestissements et 5,3 pour les salariés. La France serait ainsi « le plus gros payeur de dividendes d'Europe continentale », tandis que dans les années 2000, les entreprises tricolores versaient deux fois moins de dividendes par rapport à leurs bénéfices.

Sur le podium des entreprises les plus généreuses avec leurs actionnaires, on trouve au sommet Total (43,5 milliards d'euros redistribués), Sanofi (37,9 milliards) et Engie (27,6 milliards). Cette dernière, dont l'État détenait 24,2 % du capital fin septembre, a versé depuis 2009 des dividendes trois fois supérieurs à ses bénéfices, mais assume. « L'objectif principal du groupe en termes de sa structure financière est de maximiser sa valeur pour les actionnaires », répond-elle.

De manière globale, les dividendes dans les entreprises où l'État est actionnaire (il détient 3 % du CAC) s'élevaient à 86 % des bénéfices, contre 67 % en moyenne pour l'ensemble CAC 40, en 2016. Il y a aussi le cas d'entreprises ne dégageant aucun bénéfice, mais versant des dividendes à leurs actionnaires, comme Arcelor.

Le dividende n'est pas l'ennemi de l'investissement

Selon Oxfam France, tout cela profiterait essentiellement aux hyper-riches, dont le patrimoine est composé de 90 % d'actifs financiers, et se ferait au détriment de l'investissement et des salariés. Il est souligné le changement de structure de l'actionnariat du CAC 40, plus internationalisé et avec une montée en puissance des hedge funds ou des fonds de gestion active, dont les fortes exigences en termes de rendement ne sont un secret pour personne.

Cette étude nourrit l'idée qu'il faudrait mieux investir à la place de distribuer des dividendes. Mais tout n'est pas aussi simple. Bien au contraire. La situation n'est pas figée et n'est pas centrée sur une entreprise. Chacune d'elle a son propre niveau de maturité, qui implique un besoin différent d'investissement ; chacune a traversé la crise avec plus ou moins de difficultés. Investir, donc, pour quoi faire ? Dans du matériel, de l'immatériel ? Surtout une fois leurs dividendes en leur possession, que font les actionnaires ? Agissent-ils comme des rentiers ? Beaucoup d'entre eux choisissent de réinjecter leurs liquidités en achetant de nouvelles actions sur le marché. Ou, parfois, tel l'État avec EDF par exemple, ils assument directement des investissements dans du physique. Bref, le dividende n'est pas l'ennemi de l'investissement. D'ailleurs, il progresse en France, même dans les rangs du CAC 40, d'après des données du site spécialisé Vernimmen.net.

Concepts difficilement comparables

Oxfam France ne s'arrête pas là. En faveur d'une plus forte redistribution vers les salariés, l'ONG ose une comparaison, qui fera bondir plus d'un économiste : selon elle, si les entreprises avaient maintenu leur niveau de redistribution de 2009, chaque salarié du CAC 40 aurait pu être augmenté de 2 000 euros par an sur la période 2009-2016 ! Quant à ceux de Sanofi, plus particulièrement, ils auraient pu percevoir 13 267 euros de plus par an... Oxfam France exagère la réalité, en mettant en parallèle des concepts – dividendes et rémunération – difficilement comparables. Soit...

Malgré ses exemples parfois caricaturaux et sa méthodologie remise en cause par plusieurs entreprises du CAC 40, cette étude pose la question de la redistribution des bénéfices des entreprises. Doit-on remodeler le système pour les flécher davantage vers les caisses d'impôt, les poches des salariés, des dispositifs de recherche et développement, laisser le marché s'autoréguler, etc. ? Chez nous, le gouvernement planche sur le Pacte – Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises –, qui comprend entre autres un volet consacré à l'épargne salariale – intéressement, participation, etc. Le calendrier de cette réforme n'est pas encore connu. 

(1) L'analyse se concentre sur les 30 entreprises qui ont appartenu à l'indice CAC 40 de 2009 à 2016, auquel se rajoute le groupe PSA qui a été intégré à l'échantillon bien qu'il soit sorti de l'indice CAC 40 pendant 3 années entre 2009 et 2016. 
Pour 2016, l'étude a porté sur l'ensemble des 40 entreprises du CAC 40.

La rémunération des dirigeants dans le viseur

Autre cible de l'étude d'Oxfam France : les dirigeants et leur rémunération – salaire, valorisation de leurs options et actions, rémunération variable, et celle liée au cours de la Bourse. L'ONG a également évalué le salaire moyen dans les sociétés du CAC 40. Et elle les compare. La rémunération des PDG a crû de 46 % depuis 2009, quand les bénéfices du CAC ont augmenté de 61 %. En 2016, les PDG du CAC 40 ont gagné 119 fois plus que la moyenne de leurs salariés à travers le monde – en 2009, cet écart s'élevait à 96.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le CAC 40 et les dividendes.
L'oreille de TATU.

https://youtu.be/ZK4UBKbc9R8

La France est championne du monde... de distribution de dividendes et d'évasion fiscale...
Ah, la «théorie du ruissellement», une fable qui fera long feu, surtout chez les mieux lotis!