Réunis, le mardi 12 février 2013 sous l'égide de l'Assemblée des départements de France, les conseils généraux séduits par le manifeste des nouvelles ruralités veulent avoir voix au chapitre lors de l'examen du projet de loi de décentralisation.
« On arrête de raser les murs et on redresse la tête ! » : ainsi, le président (PCF) du conseil général de l'Allier, Jean-Paul Dufreigne résume le credo des conseils généraux à prédominance rurale. Alors que les régions et les métropoles se taillent la part du lion dans l'avant-projet de loi de décentralisation, ces départements s'organisent en « groupe d'influence ».
A l'origine de ce mini-lobby, quatre présidents de territoires du nord du Massif Central : Jean-Paul Dufreigne, Alain Rafesthain (PS., Creuse), Jean-Jacques Lozach (PS., Creuse) et Patrice Joly (PS., Nièvre). Issus de « régions administratives différentes », ils ont publié un manifeste des « nouvelles ruralités » le 12 juillet 2012. Le quatuor y promeut « des bassins de vie à échelle humaine, favorisant une vie plus simple et des rapports humains apaisés ».
Services « planchers »
Son mot d'ordre ? « Luttons contre la double peine ! » « Déréglementation et libéralisation de certains services publics ou d'intérêt général ont souvent transformé un accès universel gratuit en une dépense publique contrainte de compenser. C'est inéquitable, alors même que les opérateurs réalisent gratuitement les infrastructures nécessaires dans les grandes aires urbaines (réseau de fibre optique par exemple) », cinglent ces édiles arrimés à gauche. Tous militent pour « le principe de services planchers, véritable bouclier rural indispensable au maintien de la vie de proximité ».
C'est, à leurs yeux, la condition sine qua non pour relancer l'économie de leur territoire, c'est-à-dire notamment favoriser « la structuration de filières (agroalimentaire, industrie, biotechnologies, économie verte…) ».
Financement pérenne de l'APA
Un discours qui porte. 14 autres conseils généraux se sont montrés intéressés par l'initiative des « quatre mousquetaires de la ruralité », ainsi que les a baptisés le président de l'Assemblée des départements de France, Claudy Lebreton (PS). Tous se sont retrouvés au siège de l'ADF, ce 12 février.
A l'issue de leur réunion de travail, Claudy Lebreton a souligné « le désir d'aller vivre dans les territoires ruraux » qui se manifeste « depuis la fin du siècle dernier ». « Ces départements qui sont assez organisés, portent de l'urbanité tout en assurant l'harmonie entre l'homme et la nature », a vanté le président du conseil général des Côtes d'Armor.
Jean-Paul Dufreigne, le pionnier de l'Allier, pose un préalable à l'acte III de la décentralisation : le financement pérenne des allocations de solidarité. « Nos territoires sont plus impactés que d'autres par la hausse du nombre de bénéficiaires l'allocation personnalisée d'autonomie du fait du vieillissement de la population », a-t-il rappelé.
Stratégie d'influence
Pour Jean-Jacques Lozach, son collègue de la Creuse, on a assez « écrit, parlé et colloqué ». « Un mouvement d'impatience » gagne les campagnes. Loin de se poser en ennemis des métropoles européennes dessinées par le gouvernement, les porte-voix des « nouvelles ruralités » se font, avant tout, les chantres de l'équilibre des territoires.
Depuis la rentrée, ils ont pris leur bâton de pèlerin. Le 12 septembre, ils sont allés à la rencontre de la ministre en charge de la Décentralisation, Marylise Lebranchu. Fin janvier, ils ont pris la route de l'Elysée. Bernard Combes, maire (PS) de Tulle et conseiller « relation avec les élus » de François Hollande les a reçus. « L'ancien président du conseil général de la Corrèze doit avoir des schémas de pensée proche des nôtres », jaugent les patrons de départements. Les inventeurs du concept de nouvelles ruralités remettront en septembre un rapport à l'ADF. Un moment idéal pour eux : c'est à la rentrée 2013 que devrait débuter la deuxième lecture du projet de loi de décentralisation.
Jean-Baptiste Forray