Rien n'a changé depuis la IVème République. On comparait, alors, les radicaux aux radis : « Rouges à l'extérieur, blancs à l'intérieur et tout près de l'assiette au beurre. » Leur chef actuel, Jean-Michel Baylet possède toujours un solide appétit. Il l'a prouvé, en obtenant, le 17 octobre, la préservation de la moitié des conseils généraux en l'échange du maintien des radicaux de gauche au Gouvernement.

L'histoire repasse les plats. Pouvoir exécutif faible, marchandage entre partis et politiques publiques réduites aux apparences : tous les ingrédients de la IVème République sont de retour. L'affaire de la vraie-fausse suppression du conseil général le démontre pleinement.

Tout démarre au printemps. François Hollande tranche dans le vif. « Le conseil général a vécu. » Sa formule fait florès. L'institution bicentenaire, en conclut-on, sera effacée de la Constitution. Il n'y aura plus de scrutin cantonal. Paris tient, enfin, sa réforme de structure. Bruxelles et Berlin relâchent un peu la bride.

Patatras, un mois plus tard... Dans une tribune publiée dans la presse quotidienne régionale, le Président fait machine arrière. Plus question de couper tout de suite la tête des élus départementaux. « L'objectif doit être une révision constitutionnelle prévoyant la suppression du conseil général en 2020. » François Hollande repousse son grand dessein à l'après-présidentielle de 2017. Autant dire aux calendes grecques.

Réforme virtuelle - L'instauration des super-régions mise à part, sa réforme territoriale devient surtout virtuelle. Le régime des faux-semblants peut triompher. Et, avec lui, l'un de ses virtuoses, le président du parti radical de gauche (PRG), Jean-Michel Baylet. Surgie des tréfonds de la IVème République, sa formation entre dans la mêlée. Malgré son score microscopique à la primaire citoyenne de 2011 (0,64 %), son chef a de solides arguments à faire valoir. Il dispose d'un groupe à l'Assemblée et au Sénat. Le patron de La Dépêche du Midi colle au discours social-libéral de Manuel Valls. Il est le dernier allié du PS.

Après avoir, en vain, fait des pieds et des mains pour décrocher un gros maroquin lors du remaniement de fin août, Jean-Michel Baylet change de registre. Il menace, début octobre, de faire démissionner ses trois représentants au Gouvernement s'il n'obtient le maintien de la majorité des conseils généraux.

Entre ces deux dates, un drame national. Malgré sa mainmise sur l'unique quotidien local et le conseil général du Tarn-et-Garonne, Jean-Michel Baylet ne parvient pas à conserver son fauteuil de sénateur. Un revers cuisant pour l'héritier radical-cassoulet, dont la famille règne sur le département depuis près d'un siècle. Le chef a été défait dans son fief ! Avec la complicité, s'insurge-t-il, des socialistes. Sur le mode « Arrêtez moi, ou je fais un malheur ! », Jean-Michel Baylet fait les gros yeux. Certains observateurs parlent de comique de répétition. Ce n'est pas la première fois, relèvent-ils, que le leader radical menace de retirer ses représentants du conseil des ministres.

Troc politicien - Au siège du plus vieux parti de France, on jure que l'heure est grave. Jean-Michel Baylet doit absolument se refaire une santé. Plus que jamais, il se pose en champion des conseils généraux. Ceux-ci, faut-il le rappeler, ne sont pas menacés avant 2020. L'objectif présidentiel d'une suppression à cet horizon a même été abandonné. Fin août, Manuel Valls a indiqué qu'ils seraient supprimés uniquement sur le territoire des métropoles. Ailleurs, ils seraient transformés en fédérations d'intercommunalités. Et là, où cela ne serait pas possible, les conseils généraux seraient maintenus en l'état.

Un cas de figure, qui, selon les exégètes de Matignon, concernerait 10 à 15 départements. Le Tarn-et-Garonne ferait-il partie du lot ? Au secrétariat d'Etat à la réforme territoriale, on réfléchit à des critères pour le faire entrer dans cette case.

Mais Jean-Michel Baylet possède un plus gros appétit. Rien n'a changé depuis la IVème République. On comparait, à l'époque, les radicaux aux radis : « Rouges à l'extérieur, blancs à l'intérieur et tout près de l'assiette au beurre.  » Dans son « projet de protocole d'accord de gouvernement entre le Parti radical de gauche et le Parti socialiste », le PRG réclame que « les conseils départementaux soient conservés dans les 54 départements dans lesquels plus de la moitié des communes ont une densité de population inférieure à 40 habitants au km2 au sens du commissariat général à l'égalité des territoires. »

Le 17 octobre, Manuel Valls répond à cette requête dans une longue lettre de sept pages. Entre la promesse d'une loi sur la fin de vie, la mise à l'étude d'une mission interministérielle sur la laïcité et la commande d'un rapport consacré à la retenue à la source de l'impôt, le Premier ministre s'attaque au plat de résistance. Oui, il s'engage à « pérenniser au moins la moitié des actuels conseils départementaux ». Résultat : après des journées d'insoutenable suspense, les radicaux restent au gouvernement. Certains diront, qu'avec ce troc, Manuel Valls s'est vendu pour un plat de lentilles. A moins que, finalement, sa promesse ne mange pas de pain…

Jean-Baptiste Forray