samedi 30 juin 2018

Quand philanthropie rime avec supercherie | Le Club de Mediapart

Quand philanthropie rime avec supercherie | Le Club de Mediapart

Quand philanthropie rime avec supercherie

Un vice-président du Medef joue les philanthropes tout en taxant de « supercherie » la fiscalité des entreprises. Un patron d'une agence de notation, ultra-libéral par excellence, joue un « rôle social » en banlieue. Et un Américain millionnaire cache des billets dans la rue. La philanthropie serait-elle une supercherie, sachant allier la pitié (et donc le mépris), le narcissisme du philanthrope et, surtout, le silence absolue sur les raisons de sa fortune.

Un vice-président du Medef joue les philanthropes tout en taxant de « supercherie » la fiscalité des entreprises. Un patron d'une agence de notation, ultra-libéral par excellence, joue un « rôle social » en banlieue. Et un Américain millionnaire cache des billets dans la rue. La philanthropie serait-elle une supercherie, sachant allier la pitié (et donc le mépris), le narcissisme du philanthrope et, surtout, le silence absolue sur les raisons de sa fortune.

Araok

Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef, a déclaré début juin que « la baisse annoncée de la fiscalité des entreprises est une supercherie complète ». D'autres patrons de l'industrie lui emboîtent le pas, prétendant que finalement les mesures prises par le gouvernement compensent à peine les hausses d'impôts de ces dernières années, y compris sous Nicolas Sarkozy.

L'ancien commando marine n'y va pas de main morte. Il se plaint de la situation économique de la France et constate que «  la France est toujours sur surveillance renforcée pour déficit excessif ». L'objectif à peine dissimulé est le suivant : plus on accusera le gouvernement de ne pas en faire assez pour le patronat, plus ce gouvernement lâchera du lest.  Pourtant, des dirigeants d'entreprises s'étonnent de ce jusqu'au-boutisme : certains ont reçu leur chèque du CICE cinq jours après avoir déposé leur dossier. Et la moyenne est de 17 jours. Tous ne considèrent pas qu'il faille forcément accabler un gouvernement qui sert à ce point leurs intérêts.

Le ministre des finances ne s'y est pas trompé quand il rétorque à de Bézieux qu'« il ne faut pas vouloir jouer au plus fin trop longtemps. Il y a des petits jeux qui sont contraires à l'intérêt général, il y a des petits jeux préjudiciables aux entreprises elles-mêmes ». Effectivement c'est un jeu, une petite tactique. Car 10 milliards d'euros seront versés cette année aux entreprises, 20 Mds en 2016, et, en ajoutant les 10 Mds d'allègements de cotisations sociales, l'économie pour les entreprises atteindra 30 Mds en 2017. Une peccadille ?

La supercherie c'est Roux de Bézieux lui-même : ce dirigeant du patronat était en bonne place pour prendre la tête du Medef l'an dernier (il était majoritaire au conseil exécutif), finalement à la dernière minute, à la surprise générale, il se désiste au profit de Pierre Gattaz, pour être seulement son adjoint, sans que la véritable raison de ce recul ne soit donnée.

Pourtant, il avait pris les moyens pour sa campagne électorale en vue de la direction du Medef, jusqu'à obtenir de la Fondation de France, supposée indépendante, qu'elle publie à l'époque un encadré publicitaire dans la presse vantant les mérites de Madame Roux de Bézieux, qui anime la Fondation de Monsieur, Araok (« en avant ! », en breton), grâce à la vente de sa start-up The Phone House. La Fondation de France se gardait bien de préciser que le repreneur américain avait aussitôt fermé la boîte et licencié les 1200 employés. Bonjour la philanthropie !

Sur le plateau de l'émission Mots croisés, de France 2 le 29 avril 2013 il avait reconnu gagner 300 000 € par an, avant impôts. Il réclamait moins de fiscalité, déjà, surtout pour pouvoir jouer le généreux avec sa fondation (dont les sommes qu'il lui consacre sont déductibles en partie de son impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur la fortune). Pas bête.

 Araok.jpg

Ajoutons que la Fondation Araok prend en charge des projets très éclectiques : un peu au Niger, et beaucoup pour la Fondation Saint-Matthieu, qui, reconnue d'utilité publique grâce à Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, en février 2010, collecte des fonds, en contournant la loi de séparation de l'Église et de l'État, pour financer directement l'Enseignement Catholique (donc M. Roux de Bézieux se permet de soutenir l'école catholique non pas avec ses propres fonds mais en partie avec les deniers publics, du fait de ses déductions fiscales).

La Fondation sollicite tous les Roux de Bézieux potentiels à verser leur obole jusqu'à 50 000 €, leur assurant, s'ils sont assujettis à l'ISF, de récupérer 75 % de cette somme ! A noter en passant que le secrétariat général de l'Enseignement Catholique fut en pointe dans la lutte contre le mariage pour tous. Notre PDG, dirigeant du Medef, contribuait ainsi, à sa manière, à ce combat : c'est son droit, mais pas avec des fonds retirés au secteur public. C'est le même homme qui gémit sur la fiscalité et qui manœuvre pour lui échapper, sous couvert de générosité.

Araok verse également sa contribution à JES-Franklin, un fonds qui dit soutenir toutes les actions visant « à promouvoir l'égalité des chances et la promotion sociale de la jeunesse défavorisée » mais qui, en fait, apporte son concours financier à des « établissements jésuites ou catholiques dans le monde » (ce « jésuite ou catholique » est étrange mais c'est ce que disent les documents de JES-Franklin). Et aussi une communauté religieuse de Garges-lès-Gonesse, et également à RCF (Radios chrétiennes francophones) pour aider à son développement mais aussi pour sensibiliser les auditeurs « sur les exclus » : ouf, la morale est sauve. Mais imagine-t-on un grand patron financer de la sorte des organisations musulmanes sinon islamistes ? Quel tollé immédiat cela provoquerait, à juste titre.

Agence de notation : Culture et diversité

De son côté, Marc Ladreit de Lacharrière, fils d'une grande famille, financier qui a fait l'ENA tout en essayant de ne pas passer pour un énarque, jouant à l' « aristo self made man » a fondé une société Fimalac (Financière Marc Ladreit de Lacharrière), qui gère, entre autres, l'agence de notation Fitch (troisième agence internationale après Standard and Poors et Modys). Donc cet homme, qui est producteur de Johnny Halliday, de Vanessa Paradis, de Stromae, de Julien Doré, qui possède quatre Zénith, des casinos, les hôtels du Groupe Barrière, qui est la 58ème fortune française, note tranquillement l'Etat français (AA+) et bien d'autres états. C'est fort, non ?

Tout de même, il a fondé l'association Agir contre l'exclusion, jadis, avec Martine Aubry, et a créé une Fondation Culture et Diversité. Dans une interview donnée aux Echos (24 février), interrogé pour savoir si on va « vers un modèle de philanthropie privée à l'anglo-saxonne », le patron de Fimalac répond : « Il n'y a pas encore cette culture là en France contrairement aux Etats Unis, peuple d'immigrés qui a à cœur de rendre à la terre qui l'a accueilli. Pour moi un entrepreneur qui réussit, n'a pas comme seule responsabilité de développer son chiffre d'affaires, ses résultats et de veiller au bien-être de ses collaborateurs. Il a un rôle social, doit mettre ses compétences au service de la cité. Nous devons tout faire pour que les fondations se multiplient. »

Trappes.jpg Finale du trophée d'improvisation culture et diversité, en présence du Président François Hollande, du philanthrope Marc Ladreit de Lacharrière, de la ministre de la culture Aurélie Filippetti et de Djamel Debbouze [Photo site de l'Elysée]

Cette fondation a permis à 17000 jeunes des collèges de ZEP de pouvoir bénéficier de formation artistique. Il soutient le travail que fait Djamel Debbouze dans l'improvisation théâtrale, et récemment il a assisté aux côtés de François Hollande, venu à l'improviste, et de Djamel, à une représentation à Trappes.

C'est beau la philanthropie : bien sûr, on va me dire que cette générosité est préférable à l'attitude de certains patrons ou milliardaires goujats, qui font preuve d'un cynisme à toute épreuve, qui considèrent que chacun est responsable de sa destinée, et que ceux qui sont rejetés hors de la route l'ont bien cherché. Certes, mais je ne peux m'empêcher de trouver cocasse cette proximité entre ce Président qui disait avoir la « Finance » pour ennemie et ce PDG qui, dans une interview du Monde (23 octobre 2012) prenait la défense des investisseurs (« certains investisseurs gèrent des portefeuilles supérieurs au PIB de la France. Ils savent ce qu'ils font »), déclamait que « l'économie de marché est la seule connue pour sortir un pays de la pauvreté. Voyez les anciens pays communistes et la Chine. », accusait les pouvoirs publics d'être responsables de la crise des subprimes (moyen de dédouaner les agences de notation qui n'ont rien, ou rien voulu voir), et, enfin, qui reprochait à la puissance publique de trop dépenser (alors qu'une partie de la dette est justement due à la crise financière et aux exactions des banques).

Un article de Libération (28 octobre 2012) disait que c'était « un prédateur » et citait un observateur qui le connaît bien : « c'est homme de coups qui n'hésite jamais à prendre sa plus-value. En cela, il ressemble un peu à Vincent Bolloré. Il est totalement adapté à l'état actuel de la finance ». Et néanmoins philanthrope ! Dont le bénéfice net de2013 a progressé de 52 % (lerevenu.com). Confirmation que la crise est sélective : bien que financière, elle sait obligeamment épargner les financiers. Etonnant, non ?

Hidden Cash

Pour conclure, on ne peut négliger ce millionnaire américain, Jason Busi, qui dissémine des dollars dans les lieux publics, avec une sorte de jeu de piste pour permettre de les rechercher. On a vu des Américains courir aussi vite que possible pour arriver les premiers et empocher cet argent gratuit. Ceux qui trouvent les liasses de billets postent ensuite leur photo sur un compte Twitter. Il menace d'importer cette course à l'argent caché dans les capitales européennes dont Paris.

Et nos médias de parler d'un millionnaire altruiste. Il serait donc lui aussi un philanthrope ? Il paraît qu'il a été ému par une adolescente qui a versé sa petite larme en trouvant 200 dollars, qu'évidemment elle a décidé de remettre à sa grand-mère. L'histoire ne fonctionnerait pas si on ne pouvait pas un peu pleurer dans les chaumières. Il est vraisemblable qu'il soit cynique (un peu dans la lignée d'On n'achève bien les chevaux). Il se délecte peut-être à la vue de tous ces gens qui se défoncent pour quelques billets. Mais aussi on peut y voir la caricature parfaite de la philanthropie : la pitié, comme forme absolue du mépris, le narcissisme du généreux donateur, le silence total sur les sources de la fortune.

Billet n°123 

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr

 [Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L'ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, Social en question]


Pourquoi les automobilistes français freinent-ils des quatre fers dès qu'on leur parle de limitation de vitesse ?

Pourquoi les automobilistes français freinent-ils des quatre fers dès qu'on leur parle de limitation de vitesse ?

Pourquoi les automobilistes français freinent-ils des quatre fers dès qu'on leur parle de limitation de vitesse ?

La limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, qui entre en vigueur le 1er juillet, suscite une forte opposition chez une bonne partie des automobilistes et chez certains élus locaux. Pour comprendre cette fronde, franceinfo a interrogé le sociologue Jean-Marie Renouard. 

A Thionville (Moselle), sur une portion de route où la vitesse est limitée à 80 km/h, le 31 janvier 2018. 
A Thionville (Moselle), sur une portion de route où la vitesse est limitée à 80 km/h, le 31 janvier 2018.  (PIERRE HECKLER / MAXPPP)

"Des questionnements, des interrogations, des critiques, peut-être même à certains égards des agacements, voire de la colère." Même s'il affiche sa fermeté sur le sujet, le Premier ministre, Edouard Philippe, a bien conscience des réticences, voire plus, d'une bonne partie des automobilistes au sujet de la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires. 

C'est peu dire que la mesure, qui entre en vigueur le dimanche 1er juillet, est impopulaire. Des manifestations de protestation sont organisées partout dans l'Hexagone et les Français étaient 76%, début avril, à s'opposer à l'abaissement de la limitation de vitesse, selon le baromètre annuel AXA Prévention sur le comportement des Français au volant. Une constante quand on se souvient de l'opposition soulevée par d'autres mesures pour la sécurité routière, comme le port de la ceinture obligatoire (1973) ou la généralisation des radars automatiques (2003). Pourquoi ces mesures, destinées selon les gouvernements successifs à sauver des vies sur la route, ont autant de mal à être acceptées ? Franceinfo a posé la question à Jean-Marie Renouard, sociologue et auteur de l'ouvrage As du volant et chauffards : sociologie de la circulation routière (éd. L'Harmattan, 2000).

Franceinfo : Pourquoi la décision du gouvernement d'abaisser la limite de la vitesse à 80 km/h suscite-t-elle tant d'opposition ?

Jean-Marie Renouard : Il y a plusieurs niveaux de compréhension à la colère contre cette mesure. L'abaissement de la vitesse de 90 à 80 km/h concerne le réseau secondaire. De facto, les autoroutes, les villes et leurs agglomérations ne sont pas concernées. Les élus des zones rurales (députés, maires et sénateurs) sont donc montés au front pour exprimer leur mécontentement. Or, depuis un certain temps, ces élus se plaignent d'un Etat trop centralisateur qui ne prend pas en compte leur avis. 

Cette réduction de la vitesse est l'occasion de mettre en scène le conflit entre la ville et la campagne, entre les élites urbaines et le peuple des périphéries. On s'élève contre ce qui est décidé "d'en haut". Ce conflit se joue aussi sur des questions écologiques : la ville ne veut plus de voitures, elle privilégie les transports en commun, la marche à pied ou le vélo... Or, lorsqu'on habite loin des grands centres périphériques, la voiture est indispensable. Les transports en commun ne sont pas ou peu organisés. Certaines familles ont besoin de deux voitures, il faut transporter ses enfants à l'école, pour leurs activités de loisirs, faire ses courses car il n'y a plus de magasins à proximité... Il y a donc un effet d'accumulation derrière ce mécontentement.

Il y a aussi une colère directement liée à l'objet même de la mesure, c'est-à-dire la réduction de la vitesse... 

On sait tous que si on passe de 90 à 80 km/h, il y aura peut-être moins d'accidents, mais surtout qu'ils seront moins violents. Toutefois, ce genre de décisions suscitent toujours une certaine résistance chez les automobilistes, qui reprochent souvent au Code de la route de ne pas tenir compte des situations particulières. 

Les automobilistes ont l'impression que ces règles sont décidées par des technocrates, des ingénieurs de la sécurité routière qui ne se déplacent pas en voiture.

Les usagers de la route font une distinction entre vitesse légale et vitesse 'normale'.Jean-Marie Renouard, sociologue à franceinfo

La vitesse légale est indiquée par le Code de la route, mais ce n'est pas la seule information prise en compte par les automobilistes. La vitesse "normale", quant à elle, est adoptée après qu'ils aient apprécié la situation (topographie des lieux, état de la chaussée, météo, fréquentation de la route...).

Avec cette vitesse "normale", les automobilistes se permettent-ils d'enfreindre les limitations de vitesse ?

Sur une route déserte, en ligne droite, on considère parfois que l'on peut s'affranchir des limitations de vitesse. En revanche, sur une route limitée à 50 km/h, où des piétons et des cyclistes partagent la chaussée, l'automobiliste s'adapte et ralentit. Dans ce cas, la règle des 50 km/h est légale, mais pas "normale".

Tous les automobilistes font cette distinction et interprètent les situations pour adapter leur conduite. Ils considèrent donc qu'en matière de vitesse, il faut leur laisser une certaine marge d'appréciation. Plus que le feu rouge ou le stop, qui sont des règles respectées, la vitesse est quelque chose que l'on adapte.

De nombreuses décisions en matière de sécurité routière (port de la ceinture, alcool au volant, vitesse...) ont suscité des protestations par le passé, avant d'être complètement intégrées. Comment l'expliquez-vous ? 

Les messages de la sécurité routière se heurtent à un paradoxe. La conduite automobile est à la fois un comportement individuel dans un espace qui est vécu comme privatif – la voiture où l'on ferait "ce que l'on veut" – mais qui se déroule collectivement dans l'espace public. De telle sorte que tout le monde échange. C'est une forme de tension permanente entre activité collective, la conduite sur les routes, et espace que l'on considère de liberté, le véhicule personnel. 

Toutefois, le cas de l'alcool au volant est intéressant. Quand on conduit, on communique avec les autres usagers de la route (automobilistes, deux-roues, piétons) : chacun envoie des informations sur son comportement et on en recueille également. Untel roule trop vite, circule au milieu de la route, est malhabile dans sa manœuvre, etc. En fonction de ces paramètres, on s'adapte en prenant ses distances par exemple, ou en renforçant son attention. En revanche, on ignore si celui que l'on croise a bu. Cette crainte, liée au manque d'informations sur ce danger potentiel représenté par les autres automobilistes, a permis un changement notable de comportement. On peut aussi citer un exemple : lorsqu'on est seul, sur une autoroute, en pleine nuit, un automobiliste s'attend à en croiser un autre. Il y a bien une conscience de l'autre.

C'est un paradoxe : nous sommes des automobilistes, mais aussi des piétons et des usagers de deux-roues. Nous avons donc la capacité à nous mettre à la place de l'autre et à le comprendre.Jean-Marie Renouard, sociologueà franceinfo

La vitesse, en particulier, est également souvent associée à la liberté... 

Cela prolonge ce paradoxe entre activité individuelle et collective. Certes, on peut prendre du plaisir à rouler vite mais si, dans un souci de liberté, on abolissait toutes les limitations de vitesse, ce serait le chaos, tout le monde aurait peur et protesterait. Les règles sont donc nécessaires et d'ailleurs, tout le monde est finalement d'accord pour qu'il y ait des limitations.

Il y a un cas intéressant de "liberté restreinte" par les règles : le port obligatoire de la ceinture, qui a suscité une vive opposition en 1973. Contrairement à la vitesse ou à l'alcool, si on ne la met pas, on ne porte pas de tort à l'autre. Mais cela a finalement été adopté petit à petit car les gens se sont dit : "On ne sait jamais, si j'ai un accident, si on me rentre dedans, avec cette ceinture, je suis mieux protégé."

Pensez-vous que l'abaissement de la vitesse limite de 90 à 80 km/h sera respecté ? 

Pour y arriver, il faut des contrôles via les gendarmes sur les routes ou avec les radars. Le législateur s'attend toujours à ce que la norme ait un effet pédagogique. Avec les précédentes limitations de vitesse, on a pu constater une baisse moyenne des vitesses pratiquées par les automobilistes. 

Toutefois, les conducteurs savent très bien qu'à chaque fois qu'ils n'ont pas respecté une règle (marquer un stop, franchir une ligne blanche, rouler trop vite, griller un feu rouge...), cela n'a pas forcément provoqué un accident. Il n'y a pas d'automaticité dans l'effet négatif. C'est toute la difficulté pour le message de la sécurité routière, qui communique sur le fait que si on respecte les règles du Code, on ne provoque pas d'accident.

Toutes ces mesures prises pour améliorer la politique de sécurité routière depuis quarante ans ont-elles été efficaces ? 

En 1972, il y avait 18 000 décès par an sur les routes en France. Nous sommes aujourd'hui passés sous les 4 000 morts. C'est donc un énorme succès. Cela est dû aux mesures de sécurité routière, principalement à l'aggravation des sanctions concernant l'alcool au volant. 

Mais on peut également citer l'amélioration des infrastructures routières. La signalisation est désormais compréhensible par tout le monde, les voitures sont bien sécurisées (carrosserie, composition des matériaux, système anti-dérapant, airbags...). Sans parler de la formation à la conduite, qui fait que les automobilistes sont plus habiles aujourd'hui. C'est donc un phénomène global qui a entraîné cette baisse, mais on peut encore faire un peu mieux.

VERNISSAGE

Le projet de territoire d’Alès Agglomération est adopté à l’unanimité - Ales.fr

Le projet de territoire d'Alès Agglomération est adopté à l'unanimité - Ales.fr

Le projet de territoire d'Alès Agglomération est adopté à l'unanimité

Ce 28 juin, les 113 élus communautaires ont voté à l'unanimité le nouveau projet de territoire qui définit les priorités de ces dix prochaines années pour développer Alès Agglomération.

Contrepoints | Journal libéral d’actualité en ligne | Contrepoints

https://www.contrepoints.org/2018/06/30/319299-lagriculture-bio-masque-mal-le-clientelisme-vert

vendredi 29 juin 2018

Le favori à la présidence du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, ne connaît pas... le montant du Smic

Le favori à la présidence du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, ne connaît pas... le montant du Smic

Le favori à la présidence du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, ne connaît pas... le montant du Smic

Il est le grand favori pour succéder à Pierre Gattaz à la tête du Medef et devenir le patron des patrons. Pourtant, Geoffroy Roux de Bézieux n'est pas vraiment au point sur les fondamentaux. Invité de la matinale de RTL ce vendredi 29 juin, l'ex-vice-président en charge de la fiscalité et du numérique du syndicat s'est essayé, d'un ton très assuré, à une estimation du montant du Smic. Selon lui, son montant mensuel net est actuellement de 1.280 euros... Or, malgré une hausse en janvier, celui-ci est actuellement de 1.170,69 euros. Soit une différence de 110 euros par mois.

Le candidat à la tête du Medef était alors interrogé sur la proposition de Guillaume Peltier, l'un des vice-président de LR, d'augmenter le Smic de 20%. Une hérésie à ses yeux : "Je crois que ce n'est pas sérieux !", lance-t-il à Elisabeth Martichoux, qui lui pose ensuite la question du montant du Smic horaire. "En horaire, je ne sais pas, avoue-t-il, avant de se lancer. En mensuel, 1.280 net, quelque chose comme ça..."

100€ de différence

Quelque chose comme ça ? Raté. Le "juste prix" étant donc de 1.170 euros depuis janvier contre 1.149 l'année passée. Le montant du Smic horaire net, lui, est établi à 7,72 euros. Une erreur loin d'être anecdotique. Pour un salarié au Smic, 110 euros de moins sur sa fiche de paie représentent un manque à gagner annuel de 1.320 euros.

Notons qu'une prochaine hausse doit avoir lieu en octobre avec une nouvelle baisse des charges. Le Smic horaire devra alors s'établir à 7.83 euros net, soit 1.188 euros mensuels. On ne parvient toujours pas aux 1.280€ de Geoffroy Roux de Bézieux.

Sur RTL, celui qui est aussi le créateur du groupe de gastronomie haut de gamme Notus enchaîne, déjà un peu moins sûr de son chiffre : "Bien sûr, c'est difficile de vivre avec 1.200, surtout quand on est dans une grande métropole en région parisienne. Mais le problème, c'est quoi ? C'est le coût des charges sociales. 1.200 et des brouettes, ça coûte presque 1.800 à l'entreprise, c'est ça le sujet."

Geoffroy Roux de Bézieux espère remplacer Pierre Gattaz à la tête de principale organisation patronale française. Un personnage qui s'était, lui aussi, illustrer sur ce sujet. En 2016, sur France Inter, il avait déclaré que la France détenait le Smic le plus coûteux d'Europe. Là aussi, c'était faux. Au moment de cette déclaration, l'Irlande, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg proposaient des salaires minimums plus élevés...

Son successeur doit être désigné le 3 juillet prochain par le vote des 566 délégués de l'assemblée permanente issus des fédérations professionnelles et des Medef territoriaux. Mais le conseil exécutif vient de rendre un avis qui laisse entrevoir l'issue du scrutin. Geoffroy Roux de Bézieux, déjà candidat en 2013, a recueilli 22 voix, caracolant en tête, loin devant son principal concurrent Alexandre Saubot, ex-patron de la puissante fédération de la métallurgie et de l'industrie UIMM.

GARD Manifestations devant les gares en soutien aux cheminots - Objectif Gard

GARD Manifestations devant les gares en soutien aux cheminots - Objectif Gard

GARD Manifestations devant les gares en soutien aux cheminots

Manifestation devant la gare d'Alès. Photo Tony Duret / Objectif Gard

Ce jeudi matin, à Alès, Nîmes et Bagnols-sur-Cèze, les syndicats se sont rassemblés devant les gares pour soutenir la cause des cheminots. Une manifestation inter-régionale de plus grande ampleur se tenait à partir de 13h30 à Montpellier. 

À Alès, une grosse centaine de personnes, des membres de la FSU, de la CGT ou de FO, des retraités et même des maires comme celui de Cendras, Sylvain André, se sont réunis devant la gare. Parmi les manifestants, Alain Martin, le représentant local de la CGT, a rappelé qu'il était "contre l'ensemble de cette politique gouvernementale, contre cet ensemble de mesures qui ont pour but de casser tous les acquis". Il a enfin promis que "ce n'est pas parce que les beaux jours arrivent, que le mouvement va s'arrêter".

Ce midi, devant la gare de Bagnols (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

À Bagnols, une bonne soixantaine de manifestants avait répondu à l'appel à la mi-journée devant la gare de Bagnols, lieu plus symbolique qu'autre chose, la ville ne voyant plus passer de trains de voyageurs depuis quatre décennies... En la circonstance, le secrétaire de l'union locale Bagnols de la CGT, Patrick Lescure, offrira une prise de parole plutôt généraliste, dénonçant notamment la modernité revendiquée par l'exécutif : « en termes de modernité, nous avons eu droit à un remixage des idées de Miss Maggie (Margaret Thatcher, ndlr), à savoir tout pour les riches. » Au cours de cette dernière manifestation de l'été, Patrick Lescure affirmera que « les attaques contre les plus faibles font monter d'immenses colères » avant de promettre que « nous nous retrouverons, celles et ceux qui manifestent ne lâcheront rien. »

Environ 150 personnes s'étaient mobilisées devant la gare de Nîmes (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

À Nîmes, l'appel intersyndical a été entendu par les représentants de la CGT, surnuméraires, mais aussi par ceux de Sud solidaires, de FO, de la FSU et de la seule formation politique présente, Ensemble-Front de gauche. Pour autant, cette énième manifestation n'a pas rameuté les foules puisque devant la gare de Nîmes les protestataires n'étaient pas très nombreux (moins de deux cents) et plutôt fatalistes quant à l'impact du rendez-vous.

"Je n'attends rien de cette énième manifestation. Je suis venue par solidarité, lâchait Nathalie Colpi de FO. J'attends septembre et ce qui va se passer à ce moment là. On verra comment ça tourne et on prendra les initiatives qui s'imposent". Pour Sud solidaires, Aïcha Terbeche se montrait beaucoup déterminée et radicale : " Depuis le début nous appelons à la grève générale.Même si il n'y a pas beaucoup de monde ici, je pense qu'il y aura plus de monde à Montpellier car l'appel à la manifestation est régional. Pour ma part je vais rester à Nîmes car il est aussi important de manifester notre solidarité avec les cheminots nîmois".

Un commando de choc et de charme pour FO (Photo : Philippe Gavillet de Peney/Objectif Gard)

Porte-parole de la CGT, Gilles Besson soulignait quant à lui que cette journée de protestation était "un appel inter-professionnel à lutter contre la casse sociale, les mesures d'austérité et les contre-réformes du gouvernement Macron". Après que le contingent de cheminots grévistes a plus tard pris... le train pour rejoindre Montpellier, les manifestants restants ont pique-niqué devant le parvis de la gare avant de se déplacer d'une centaine de mètres vers 14 heures pour faire entendre leur colère devant la préfecture du Gard (où ils n'avaient pas demandé audience) via un klaxon de TGV. Le tout dans l'indifférence quasi générale des usagers. Aujourd'hui, à Nîmes, c'était les trains passent et la caravane aboie...

Tony Duret( à Alès), Thierry Allard (à Bagnols/Cèze) et Philippe Gavillet de Peney (à Nîmes)

Limitation à 80 km/h : les départements en première ligne

Limitation à 80 km/h : les départements en première ligne

Limitation à 80 km/h : les départements en première ligne

Vivement décriée par une partie des élus locaux, la vitesse limitée à 80 kilomètres par heure – et non plus 90 – sur les routes à double sens sans séparateur central prend effet ce dimanche 1er juillet. Ce sont 400 000 kilomètres de routes qui sont concernés, dont 98 % gérés par les départements et 2 % par l'Etat.

« Nous avons sondé une quinzaine de départements à la mi-juin et tous étaient dans le bon timing pour mettre en œuvre la mesure au 1er juillet, relate Anne-Marie Herbourg, présidente de l'ADTECH [Association des directeurs techniques des métropoles, des départements et des régions], ou au plus tard le 2 juillet – le 1er tombant un dimanche. » Et ce, en dépit des réticences fortes d'un certain nombre d'élus départementaux. Dans les faits, les panneaux à changer ne sont pas forcément nombreux et les situations sont très variées d'un département à l'autre : par exemple, 418 panneaux à changer dans le Nord, aucun dans le Gers !

Encore des zones à 90 km/h

Autre mission réalisée par les services départementaux : l'identification des zones restant à 90 kilomètres/heure. En effet, le décret du 17 juin concède une exception : « La vitesse sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation est relevée, sur ces seules voies, à 90 kilomètres/heure ». Il s'agit de sections à trois voies, dont deux dans le même sens, qui permettent les dépassements.

Ainsi, en Côte-d'Or, il faut changer une douzaine de panneaux, et en implanter environ 80 sur ces fameuses sections à trois voies. « Il est illogique que l'on puisse rouler à 90 kilomètres/heure dans un sens, et à 80 dans l'autre, commente le président du département, François Sauvadet. La mesure est peu lisible, et pas du tout acceptée par les usagers ! » Cet élu avait été à l'initiative d'un courrier envoyé à Edouard Philippe en mars et signé par une trentaine de présidents de départements. En Côte-d'Or, la pose de 92 panneaux coûte 18 700 euros, que le département doit avancer. « Au niveau national, 11 000 panneaux ont dû être changés, pour un coût compris entre 6 et 12 millions d'euros », estime Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière. L'Etat remboursera les départements le 1er janvier 2020.

Panneaux aux frontières

Un cas particulier se pose : celui des départements frontaliers. Des panneaux de grand format sont apposés aux frontières pour indiquer la limitation de vitesse sur les routes de France. Par exemple, « en Moselle, nous avons 23 grands panneaux aux frontières avec le Luxembourg et l'Allemagne, témoigne Anne-Marie Herbourg, qui est aussi directrice générale adjointe chargée du patrimoine et de l'aménagement des territoires dans ce département. Faut-il les changer ou simplement corriger la vitesse indiquée ? L'Etat ne nous a pas encore répondu ».

Et après ? Une « revoyure » pourrait avoir lieu dans deux ans, a indiqué le Premier ministre, si la mesure ne s'avère pas efficace pour réduire la mortalité routière.

Focus

Pas de perte de temps significative

La vitesse a un impact direct sur la mortalité routière : « 1 % de vitesse en moins engendre une baisse de 4 % de la mortalité », a martelé le délégué interministériel à la sécurité routière fin juin. A 90 km/h, il faut 13 mètres de plus qu'à 80 km/h pour s'arrêter face à un obstacle. Le gouvernement table sur une baisse du nombre annuel de tués sur les routes, de 350 à 400 (sur 3 684 tués en 2017). Autre argument, directement destiné à ceux qui fustigent une mesure qui va faire perdre du temps aux habitants du monde rural : un test réalisé au centre d'essais de Mortefontaine (Oise) montre que, sur un circuit de 40 kilomètres comportant des virages, un véhicule à 80 km/h a seulement une minute et 30 secondes de retard par rapport à un véhicule qui roule à 90 km/h. La perte de temps n'est donc pas significative.

jeudi 28 juin 2018

Syrie : la société Lafarge mise en examen, notamment pour complicité de crimes contre l'humanité

Syrie : la société Lafarge mise en examen, notamment pour complicité de crimes contre l'humanité

Syrie : la société Lafarge mise en examen, notamment pour complicité de crimes contre l'humanité

L'entreprise est poursuivie pour violation d'un embargo, mise en danger de la vie d'autrui, financement d'une entreprise terroriste et complicité de crimes contre l'humanité.

(THOMAS SAMSON / AFP)

Convoquée jeudi 28 juin en tant que personne morale, la société Lafarge a été mise en examen dans l'affaire de financement de terrorisme présumé en Syrie, a appris franceinfo de source judiciaire. Lafarge SA est poursuivie des chefs de violation d'un embargo, mise en danger de la vie d'autrui, financement d'une entreprise terroriste et complicité de crimes contre l'humanité.

Cette mise en examen est conforme aux réquisitions du parquet. La personne morale mise en examen a été placée sous contrôle judiciaire, comportant une obligation de cautionnement.

Des fonds versés à des groupes armés dont l'organisation Etat islamique

Lafarge SA, la holding actionnaire de la filiale syrienne, était convoquée jeudi devant les juges d'instruction. Lafarge a reconnu avoir versé 13 millions d'euros à des groupes armés, dont l'organisation État islamique, pour faire tourner son usine de Jalabiya (Syrie) en pleine guerre, et au moins jusqu'à sa prise par le groupe terroriste en septembre 2014.

Les juges n'excluent pas que les fonds versés par le cimentier à Daech aient pu financer les attentats de 2015 à Paris. En janvier dernier, les magistrats ont accepté que l'association Life for Paris, qui regroupe des victimes du 13 Novembre et leurs proches, soit partie civile dans ce dossier.

Les communes et habitants peuvent refuser les compteurs communicants Linky et Gazpar

http://refus.linky.gazpar.free.fr/

Next-up vidéos : Big Data des compteurs connectés Linky : découvrez les principes de la captation des données personnelles des Citoyens Consommateurs

https://videos2.next-up.org/Linky_Big_Data_Onzo.html

L'article à lire pour comprendre pourquoi les pays de l'Union européenne n'arrivent pas à s'entendre sur la question migratoire

L'article à lire pour comprendre pourquoi les pays de l'Union européenne n'arrivent pas à s'entendre sur la question migratoire

L'article à lire pour comprendre pourquoi les pays de l'Union européenne n'arrivent pas à s'entendre sur la question migratoire

Les Vingt-Huit se réunissent jeudi et vendredi lors d'un Conseil européen afin d'aborder, entre autres, l'épineuse question de l'immigration en Europe. Depuis deux semaines, les tensions n'ont cessé de croître entre les Etats membres. Franceinfo vous explique pourquoi.

Après avoir traversé la Méditerranée, des migrants font la queue au port de Motril en Espagne, le 22 juin 2018.
Après avoir traversé la Méditerranée, des migrants font la queue au port de Motril en Espagne, le 22 juin 2018. (JON NAZCA / REUTERS)

De l'odyssée de l'Aquarius au blocage d'autres navires en Méditerranée, l'Union européenne se déchire depuis deux semaines autour de la question des migrants. Avant le sommet des Vingt-Huit, prévu jeudi 28 et vendredi 29 juin à Bruxelles, le commissaire européen aux Migrations a estimé que "le projet européen" était "en danger". Dimanche 24 juin, la tenue d'un mini-sommet d'urgence entre les dirigeants de 16 pays de l'UE n'a pas permis d'apaiser les tensions et aucune stratégie commune n'est ressortie de la réunion. Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi aucun consensus ne se dégage-t-il ? Franceinfo vous aide à comprendre pourquoi l'Europe se divise sur l'immigration.

Pourquoi une nouvelle réunion de l'UE ? Il n'y en avait pas déjà eu une dimanche ?

Il y a bien eu un "mini-sommet" de crise à Bruxelles, le 24 juin, organisé à la dernière minute par la Commission européenne. Cette réunion a réuni 16 pays, dont la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, l'Autriche et Malte, afin de rechercher des "solutions européennes" sur l'accueil des migrants. Les quatre pays du groupe dit de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) n'ont pas participé à la réunion, refusant toute négociation avec les autres Etats, notamment le projet de quotas de répartition des réfugiés voulu par Angela Merkel.

De son côté, l'Italie a plaidé pour une plus grande solidarité des pays membres et a présenté une liste de propositions, comme la création de "centres de protection internationaux" dans les pays en transit, sans convaincre ses partenaires.

A l'issue de cette réunion, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé qu'aucune "solution à 28" ne serait possible et a envisagé des accords "bilatéraux ou trilatéraux".

Elle a démarré quand, cette "crise" ?

La question migratoire est revenue au cœur des débats après le refus de l'Italie de laisser accoster le navire humanitaire Aquarius sur ses côtes, le 10 juin. Le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini, chef de la formation d'extrême droite la Ligue, a annoncé la fermeture de ses ports, entraînant le blocage du navire entre Malte et l'Italie. Après quatre jours de tergiversations au sein de l'UE, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a finalement proposé à l'Aquarius de jeter l'ancre dans le port de Valence pour que les migrants à bord soient pris en charge.

Bien que critiqué pour son inaction, Emmanuel Macron a dénoncé la "part de cynisme et d'irresponsabilité du gouvernement italien". Ce à quoi Rome a répliqué en fustigeant les "leçons hypocrites" de Paris. Au sein de l'UE, le ton est une nouvelle fois monté d'un cran entre les partisans d'une ligne dure et unilatérale et les défenseurs d'une "approche européenne et coordonnée".

A cette situation s'ajoute l'impossibilité pour les Etats d'établir "une politique migratoire commune, analyse le spécialiste des migrations internationales François Gemenne. Depuis vingt-cinq ans, c'est la logique du chacun pour soi qui a prévalu." Cette logique s'explique en partie parce que "chaque Etat membre a toujours eu seul la responsabilité de ses frontières extérieures", précise Marine De Haas, spécialiste des questions européennes à La Cimade, association de soutien politique aux migrants, réfugiés et déplacés. 

On n'a pas du tout de politique migratoire en Europe, on a 28 politiques migratoires.François Gemenneà franceinfo

Toutefois, les Etats collaborent via l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ex-Frontex), créée pour coordonner les politiques de gestion des frontières des Etats membres.

Mais les pays européens n'avaient donc rien fait jusqu'ici ?

Si. En mars 2016, l'Union européenne a passé un arrangement avec la Turquie pour que tous les migrants irréguliers (qui ne demandent pas l'asile ou ont été déboutés) qui ont traversé la Turquie vers l'UE soient renvoyés en Turquie, résume le site Touteleurope. Le coût de ces opérations est pris en charge par l'UE et Ankara reçoit une compensation de 3 miliards d'euros par an.

Conséquence : cet arrangement a participé à la diminution du nombre d'arrivées de migrants en Europe. Ils étaient "1,01 million en 2015" et "172 000 l'année dernière à passer par la Méditerranée, précise Matthieu Tardis, chercheur à l'Ifri (Institut français des relations internationales), citant des chiffres du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiésPour l'Italie, la baisse a été de 80% depuis le début de l'année, avec seulement 16 000 arrivants au total."

Un homme marche au milieu de gilets de sauvetage laissés par des migrants, après leur traversée de la mer Egée et leur arrivée sur l\'île grecque de Lesbos (Grèce), le 27 novembre 2015.
Un homme marche au milieu de gilets de sauvetage laissés par des migrants, après leur traversée de la mer Egée et leur arrivée sur l'île grecque de Lesbos (Grèce), le 27 novembre 2015. (HALIT ONUR SANDAL / NURPHOTO)

Cette politique "externalisée" de contrôle des frontières n'a toutefois pas stoppé l'immigration et n'a fait que "déplacer le problème", estime François Gemenne. "D'autres routes migratoires se sont ouvertes, ou se sont réactivées. Il y a un passage beaucoup plus important par la Libye, par exemple." "Les migrants font appel à des réseaux criminels et on retrouve plus de morts et de disparus aux frontières", renchérit Marine De Haas.

Pourquoi les regards sont-ils concentrés aujourd'hui sur l'Italie ?

Parce que la position prise par le gouvernement italien est inédite. En décidant de fermer ses ports aux bateaux des ONG, "l'Italie est allée à l'encontre du consensus européen établi jusque-là, estime Ferruccio Pastore, directeur du Forum international et européen de recherche sur l'immigration (FIERI) de Turin. Jusqu'à présent, l'Italie assurait l'accueil humanitaire des migrants mais, le 1er juin, l'extrême droite a fait son entrée au gouvernement.

Le nouveau ministre de l'Intérieur Matteo Salvini est partisan d'une ligne anti-immigration et souhaite installer en Libye des centres d'accueil et d'identification, afin de "bloquer la migration", a-t-il plaidé lors d'un déplacement dans la capitale libyenne, mardi 25 juin.

De plus, l'Italie estime qu'elle a déjà beaucoup participé à l'accueil des migrants, sans le soutien de ses partenaires. En 2013, le naufrage d'une embarcation au large de l'île italienne de Lampedusa provoque la mort de 360 migrants et choque l'opinion publique italienne. L'Italie réagit en lançant l'opération "Mare Nostrum", un dispositif de sauvetage d'envergure. Elle permet de sauver 150 000 personnes en un an, soit 400 par jour, détaille Le Monde. L'opération coûte 9 millions d'euros à l'Italie mais s'arrête en 2014. Elle est remplacée par l'opération "Triton" menée par l'Agence européenne de garde-frontières (ex-Frontex). Dotée de moins de moyens, c'est une mission de surveillance et non plus de sauvetage.

Que répond la France face à cela ?

"Ça change toutes les 24 heures, analyse le chercheur François Gemenne. La France essaie de trouver un compromis, pour le moment, entre une posture plutôt humaniste, qui est la posture d'Angela Merkel, et la ligne dure de l'Autriche et de l'Italie, mais c'est surtout une position qui n'assume pas vraiment de responsabilités." 

En 2016, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidentielle, était pourtant plus affirmé sur la question : "Les réfugiés qui risquent leur vie pour des raisons politiques sont des héros", disait-il, cité par Europe 1. En avril, le projet de loi asile-immigration, jugé "dure", "inefficace" et "prématuré", y compris au sein de la majorité, a marqué un durcissement de la politique migratoire d'Emmanuel Macron. Le président s'est justifié en paraphrasant Michel Rocard, affirmant que la France ne pouvait pas "prendre toute la misère du monde."

Pour le moment, Paris a émis quelques propositions, comme l'instauration de sanctions financières envers les pays de l'UE qui refuseraient d'accueillir les migrants ou la mise en place de "centres fermés sur le sol européen dès le débarquement", dans lesquels les migrants attendraient l'examen de leur cas, essentiellement en Italie mais aussi en Espagne. 

Et l'Allemagne ?

Pour le moment, "Angela Merkel assume sa position, reprend François Gemenne. La chancelière est toujours d'accord pour que les migrants puissent demander l'asile sur le sol européen, y compris en Allemagne". Cependant, elle fait face à une crise politique nationale inédite, l'empêchant de mener son projet à bien. 

Angela Merkel a été sommée par ses alliés de l'Union chrétienne-sociale (CSU) de refouler aux frontières tout candidat à l'asile, explique Le FigaroLa CSU fait partie du gouvernement de "grande coalition" avec l'Union chrétienne-démocrate (CDU, parti de la chancelière) et le Parti social-démocrate (SPD). Son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, président du CSU, a exigé qu'elle trouve un accord européen les 28 et 29 juin, sans quoi il appliquerait cette mesure de refoulement dès juillet. Par ce coup de force, la CSU espère ainsi contrer la menace de l'extrême droite lors des élections régionales d'octobre en Bavière, dans laquelle elle détient la majorité absolue.

En 2015, Angela Merkel a décidé d'ouvrir son pays aux migrants, permettant l'arrivée en Allemagne de plus d'un million et demi de personnes. Une décision remise en cause par le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), arrivé troisième aux élections législatives en septembre dernier, pour la première fois de son histoire.

Il n'y a donc aucun point d'accord pour le moment ?

Un point de convergence perdure malgré tout : empêcher les arrivées de migrants sur le continent. L'une des idées principales est la création de "plateformes régionales de débarquement" dans différents pays, y compris hors UE, pour que les migrants secourus en mer puissent être pris en charge hors du territoire européen. Le but est d'éviter les bras de fer diplomatiques à chaque débarquement après une opération de secours avec les pays d'Afrique du Nord et d'insister sur le fait que monter dans un bateau ne garantirait plus une arrivée en Europe.

Pour certains pays, ces plateformes pourraient être crées en Tunisie ou en Albanie. Pour d'autres, comme l'Italie, elles pourraient être installées à la frontière sud de la Libye. Une mesure critiquée par certaines associations : "Nous, on appelle ça de l'externalisation. C'est la première fois qu'on évoque vraiment l'idée d'intercepter les gens en mer et de les ramener vers le sud de la Méditerranée. Or, le non-refoulement d'un réfugié est garanti par la Convention de Genève", dénonce Marine De Haas. 

Au final, que peut-on attendre de ce Conseil ?

Les avis sont unanimes : les Etats membres de l'Union européenne ne prendront pas de décision radicale lors du Conseil européen. "Je pense qu'il n'y aura pas de position commune, anticipe François Gemenne. S'il y en a une, ce sera pour accentuer la fermeture des frontières, renforcer les moyens de l'agence Frontex pour la surveillance des frontières."

Les pays membres pourraient adopter des positions au cas par cas, directement d'Etat à Etat. C'est ce qu'a évoqué Angela Merkel lors du mini-sommet de dimanche dernier. L'Allemagne pourrait par exemple discuter seule à seule avec l'Italie du nombre de réfugiés que Berlin renverrait à Rome.

Je n'ai pas pu tout lire. C'est possible de me faire un petit résumé ?

Le refus par l'Italie d'accueillir l'Aquarius dans ses ports, le 10 juin, a relancé le débat entre les pays européens sur la question migratoire. Cette décision inédite a été prise par le ministre de l'Intérieur italien Matteo Salvini, président du parti d'extrême droite la Ligue, et partisan d'une ligne anti-immigration très stricte. En réponse, Emmanuel Macron a dénoncé un "nationalisme qui renaît", entraînant une passe d'armes avec l'Italie. Ces échanges sont symptomatiques de l'absence de politique commune en matière d'immigration qui prévaut depuis vingt-cinq ans. 

De son côté, Angela Merkel s'est trouvée dans l'impossibilité de s'imposer, malmenée dans sa coalition par son ministre de l'Intérieur Horst Seehofer, partisan d'un durcissement de la politique migratoire allemande. C'est dans ce contexte que s'ouvre un Conseil européen, jeudi 28 juin à Bruxelles, dont l'un des objectifs est de trouver une solution pérenne au problème. Mais Angela Merkel a d'ores et déjà prévenu que cette réunion "n'apporterait pas encore de solution globale" et que "des accords bilatéraux ou trilatéraux" pourraient être passés.

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Nicolas Lellouche

Journaliste