Les départements refusent de signer les contrats Etat-collectivités
A quelques jours de la clôture des signatures des contrats financiers Etat-collectivités, les départements rejoignent les régions dans le camp des réfractaires. Lors de leur assemblée générale (AG) mercredi 20 juin, 77 % des présidents des départements ont rejeté ce qu'ils considèrent comme « des lettres de cadrage plutôt que des pactes financiers » selon le président de l'ADF, Dominique Bussereau.
Le président (LR) du conseil départemental de Charente-Maritime a fait voter, quelques jours avant cette AG, une motion dans ce sens par son exécutif, à l'instar de François Sauvadet (UDI), président du conseil départemental de la Côte-d'Or ou André Viola (PS), président de l'Aude : « rares sont les départements qui signeront ce texte inacceptable qui est une atteinte à la décentralisation », s'insurge ce dernier.
Bataille plus politique que financière
Même si cette opposition est plus politique que financière – la majorité des départements seraient en capacité de limiter la hausse de leurs dépenses à 1,2 % – c'est surtout la méthode adoptée par le gouvernement qui choque : « les dépenses obligatoires du fait des décisions de l'Etat représentent plus de 50 % du total de nos dépenses, et les dépenses sociales augmentent plus vite que le plafonnement de 1,2 %. Mais il n'y a aucune marge de manœuvre. Dans ces conditions, c'est intenable », s'agace François Sauvadet. « Même dans les rangs de l'administration, on reconnaît que ces contrats n'ont pas été bien géré politiquement », assure Dominique Bussereau, qui attend que « les préfets se réveillent » avant d'encourager les départements à signer.
Les exécutifs départementaux mettent en garde le gouvernement sur les conséquences de ce blocage dans les budgets des départements et particulièrement sur leur niveau d'investissement dont le rebond est espéré par la Banque postale dans sa dernière note de conjoncture, après 8 ans de repli, passant de plus de 14 milliards d'euros en 2009 à environ 9 milliards en 2017.
Blocages à tous les étages
Ce refus pourrait provoquer d'autres blocages, notamment sur le financement des allocations individuelles de solidarité. Les départements ont rejeté hier la proposition de la mission Richard-Bur de renforcer le système de péréquation horizontale dont le fonds est actuellement porté à 1,2 milliard d'euros, abondé à 90 % par les DMTO. La mission entendait ainsi récupérer 350 millions auprès des départements dont le marché immobilier est le plus dynamique, tandis que l'Etat aurait participé à hauteur de 300 millions.
Si ce dernier a confirmé pérenniser pour deux ans un fonds d'urgence de 200 millions auquel s'ajouterait 50 millions du Fapi (fonds d'appui aux politiques d'insertion), l'ADF, estimant que le rapport Richard-Bur « n'est pas une table de loi », a préféré s'entendre sur une péréquation horizontale abondée par des ressources nouvelles, promises par Matignon.
Le Premier ministre a en effet « lâché » fin mai devant les départements, une hausse de 0,2 % du plafonnement des DMTO, actuellement de 4,5 %. Et ce, contre l'avis de la mission Richard-Bur qui dénonçait dans ses conclusions une taxe dont le taux « est déjà l'un des plus hauts d'Europe ». Si tous les départements l'appliquent, cette manne pourrait atteindre 490 millions d'euros, qui seraient donc répartis « selon des critères qui doivent être retravaillés » entre les départements ruraux et urbains les plus en difficulté. L'ADF évalue le nombre de bénéficiaires à environ « une cinquantaine ».
Fin du déplafonnement des DMTO ?
Or, la position dure des départements sur les contrats financiers pourrait compromettre cette hausse de taux. Selon Le Monde, « compte tenu de la position prise par les départements », la porte de la hausse des DMTO ouverte par Matignon « s'est refermée ». A cette annonce, l'ADF a réagi rapidement :
Ce revirement va mettre en grave difficulté de nombreux départements, ruraux et urbains, qui seront privés des ressources de l'Etat et de la péréquation intra-départementale. La relation de confiance entre l'Etat et les collectivités sort très abîmée de cet épisode, fâcheux et condamnable.
L'association promet une réaction commune avec Régions de France et l'Association des maires de France.
Si l'ADF refuse de renforcer son fonds de péréquation et si le gouvernement ne veut plus déplafonner le taux des DMTO de 0,2 %, le financement des restes à charges issus des AIS – évalués à 9 milliards – est toujours à trouver. Pire, bien que le gouvernement accepte le principe d'un fonds d'urgence de 250 millions d'euros en 2019, « rien n'est prévu pour 2018 », s'inquiète André Viola. De plus, la demande de provisionner les DMTO pour atténuer les effets de cycle du marché immobilier reste en attente, tandis que la proposition de rendre les investissements sociaux éligibles au FCTVA a été écartée par le gouvernement.
Le blocage est donc total, alors que chacun a tout à perdre. Les départements risqueraient d'être dépouillés de toute aide financière supplémentaire pour financer les AIS en 2018. De son côté, le gouvernement aurait du mal à imposer une réforme fiscale qui repose avant tout sur le transfert de la fiscalité départementale. La partie est donc loin d'être finie.
Focus
« La réforme fiscale ne nous concerne pas ! »
Tous les dispositifs imaginés par la mission Richard-Bur, le CFL ou le Cese reposent sur un principe commun : prendre peu ou prou des ressources fiscales aux départements pour compenser la suppression de la taxe d'habitation. Or les départements refusent d'endosser les habits de la victime collatérale : « cette réforme ne nous concerne pas. C'est au gouvernement de combler le trou qu'il a lui-même creusé », s'indigne Dominique Bussereau. L'ADF considère en effet que les départements « n'ont pas à assumer les conséquences financières de la suppression de la taxe d'habitation ». Ils entendent également garder leurs ressources propres « pour permettre l'accès aux services publics et garantir la solidarité envers les plus fragiles ».
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