La ministre de la Culture (et du patrimoine) épinglée pour non-respect... du patrimoine, chez elle à Arles
Il arrive parfois qu'une nomination au gouvernement entraîne une nécessaire remise en ordre des petites affaires d'un futur ministre... C'est ce qui semble être arrivé à Françoise Nyssen, ministre de la Culture d'Emmanuel Macron depuis mai 2017. Le Canard enchaîné raconte dans son édition du 20 juin comment l'ancienne directrice d'Actes Sud - maison d'édition fondée par son père - et son époux, Jean-Paul Capitani, auraient agrandi la boîte au mépris des règles du patrimoine de ce secteur sauvegardé d'Arles. Sur tout un pâté de maisons, le couple possède le siège d'Actes Sud, donc, mais également une librairie, trois salles de cinéma, un restaurant, un bar, une salle d'exposition et un hammam.
La première alerte est donnée en 2011 lorsqu'une commission "pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique" vient inspecter l'ensemble et conclut, dans un procès-verbal publié par le Canard : "D'importants travaux sont en cours de réalisation dans le bâtiment. Extension de la librairie, création de nouveaux locaux (...). La commission n'a pas connaissance de procès-verbal d'autorisation de travaux ou de permis de construire concernant la partie établissement recevant du public. La direction n'est pas en mesure de présenter ces documents." De fait, Françoise Nyssen et son époux n'ont pas fait de demandes pour ces travaux dans la vieille ville d'Arles, classée patrimoine mondiale de l'humanité, où la moindre modification doit obtenir l'aval des Bâtiments de France. Aujourd'hui, Jean-Paul Capitani assure au Canard que ces travaux concernaient "la transformation de réserves et locaux annexes en surface commerciale" et qu'ils "n'exigeaient donc aucune déclaration ou autorisation préalable".
De 180 m2 à 636 m2...
Le maire communiste d'Arles, Hervé Schiavetti, indique avoir "souvent écrit à Jean-Paul pour se plaindre de ses constructions". Sans aller plus loin. Au final, la librairie sera passée de 180 m2 à 636 m2. Françoise Nyssen, elle, indique qu'elle ne peut pas répondre sur tous ces points car les biens immobiliers appartiennent à son époux ou à leur SCI commune, "dont il détient la quasi-totalité du capital et dont il est le gérant".
Un avis ignoré durant 7 ans
Autre problème soulevé par la commission : "Des risques d'incendie et de panique existant dans l'établissement (...) pouvant mettre en péril les personnes". Les conditions pour accueillir du public ne sont pas réunies, la commission donne un "avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement". Toujours interrogé par le Canard, Jean-Paul Capitani, assure que cet avis n'était que "consultatif" et que "la sécurité des personnes n'a jamais été mise en cause". De fait, durant des années, les propriétaires ont pu continuer à exploiter les lieux sans difficulté. La fermeture de ces locaux inflammables ne sera jamais ordonnée.
Reste que le couple ne devait pas se sentir tant en règle que ça. Une fois l'annonce de l'arrivée de Françoise Nyssen au gouvernement actée, la SCI s'est bien décidée, six ans après les alertes de la commission... à se mettre au norme. Le 9 novembre 2017, le maire d'Arles a reçu une demande d'autorisation de travaux, demande étudiée le 19 janvier dernier. Les membres de la commission de sécurité ont noté que les travaux concernaient "une extension de l'établissement et une régularisation de travaux effectués sans autorisation". La SCI s'est également lancée dans des travaux "d'amélioration de la sécurité incendie de l'établissement actuellement sous avis défavorable". Mieux vaut tard que jamais !
3 commentaires:
Il suffit d'avoir un strapontin ministériel pour remettre de l'ordre dans une «extension de l'établissement et une régularisation de travaux effectués sans autorisation»...
7 ans après, «mieux vaut tard que jamais» en effet!
En toute simplicité...
Françoise NYSSEN ne devrait pas être ministre de la Culture, mais de la simplification administrative!
Comme «Le Canard» l'a révélé la semaine passée, l'ancienne patronne des éditions Actes Sud et son mari, Jean-Paul CAPITANI, ont, sept ans durant, aménagé et agrandi leurs boutiques et bureaux dans le secteur sauvegardé d'Arles sans s'embarrasser des règles les plus élémentaires d'urbanisme, de sécurité et de protection du patrimoine. Et c'est à cette championne de la simplification que revient aujourd'hui la tâche ingrate de faire appliquer la loi dans toute sa rigueur.
Rude mission!
De nouveaux documents sont tombés dans le bec du Palmipède. Ils montrent comment le couple Nyssen-Capitani s'est affranchi à tours de bras (d'honneur) des multiples courriers de remontrances envoyés par la mairie d'Arles et par l'architecte des Bâtiments de France.
Après avoir courageusement rejeté, la semaine dernière, toute la responsabilité sur son époux, la ministre de la Culture a aussi simplifié sa communication, sur les conseils de Matignon et de l'Élysée (qui ne désespèrent pas de sauver le soldat Nyssen). Plus un mot dans les médias, des apparitions publiques réduites au minimum...
Il faut dire que toute intervention de la ministre en matière de patrimoine risquerait de déclencher un accès de commisération ou une avalanche de sarcasmes - voire les deux...
Être reconnu à sa juste valeur n'est jamais simple...
Le Canard Enchaîné 27/6/2018.
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