Mix énergétique 100% renouvelable en 2050 : c'est une blague ?
Publié Par Michel Gay, le 28 avril 2015 dans Énergie
L'un des rôles de l'ADEME est d'aider le gouvernement à prendre des décisions. Mais comment peut-on « aider à la décision » avec des études aussi peu sérieuses et conclusions aussi éloignées des réalités ?
Par Michel Gay.
Dans ses scénarios de production d'énergie avec un fort pourcentage d'énergies renouvelables pour 2030 et 2050, l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) omet d'indiquer les désastreuses conséquences financières et sociales de ses propositions. Elle ne souhaite probablement pas faire apparaître que la réduction, voire la disparition du parc nucléaire serait punitif pour les Français.
Pour faire correspondre en permanence la production et la consommation d'énergie « au pas horaire », elle surestime les performances des énergies renouvelables. En revanche, elle sous-estime considérablement les problèmes techniques et financiers du stockage d'énergie nécessaire pour pallier la variabilité aléatoire des productions éoliennes et photovoltaïques. L'impossibilité de construire d'immenses capacités de stockage d'électricité nécessaires au fonctionnement d'une forte proportion (50% à 100%) d'énergies renouvelables intermittentes, comme l'éolien et le solaire, apparaît comme une formalité, et son coût gigantesque est fortement minimisé.
Aveuglée par des modélisations reposant sur des hypothèses très optimistes, voire douteuses, l'ADEME fournit des solutions irréalistes. Elle prévoit1 de multiplier par… vingt l'implantation d'éoliennes en 2050, dont 5000 éoliennes en mer (63% de la production d'électricité au lieu de 3% aujourd'hui), et de multiplier par plus de… quinze la surface de panneaux solaires (17% de la production d'électricité au lieu d'environ 1% aujourd'hui).
L'application de ses scénarios impliquant une forte proportion d'énergie renouvelable éolienne et photovoltaïque pouvant aller jusqu'à 100%, pourraient avoir des suites catastrophiques pour la population française. Dans 30 ans, nos enfants seront peut-être amenés à se poser la question rituelle : « comment a-t-on pu en arriver là ? » Mais les responsables ne seront plus là pour répondre de leurs actes.
À l'aide de raisonnements douteux, l'ADEME s'efforce de démontrer ses propositions aux Français qui n'ont pas la compétence (ou le temps) pour relever ses sophismes. Son rapport « Vers un mix électrique 100% renouvelable en 2050″, fondé partiellement sur sa propre « Contribution à l'élaboration de visions énergétiques 2030-20502« , présente l'apparence du rationnel. Il constitue cependant un déni des réalités techniques, financières et industrielles. Qualifié « d'ambitieux » par ses auteurs, il n'en est pas moins trompeur.
L'un des rôles de l'ADEME est d'aider le gouvernement et les hommes politiques à prendre des décisions. Mais comment peut-on « aider à la décision » avec des études aussi peu sérieuses et conclusions aussi éloignées des réalités ?
En 2030, tandis que la population aura augmenté de 10% (68 millions d'habitants), l'ADEME prévoit une consommation d'énergie dans le bâtiment résidentiel et tertiaire (bureaux, magasins,…) en baisse de plus d'un tiers par habitant par rapport à 2010. Elle envisage cependant en parallèle une croissance soutenue du PIB3 (1,8% par an). Jamais une telle évolution divergente n'a eu lieu dans le monde.
En 2050, elle se base sur une division par deux de la consommation électrique pour l'ensemble des bâtiments. Elle annonce aussi une baisse de 20% de la mobilité individuelle, dix millions de voitures électriques, une généralisation des chauffe-eau électriques pour les particuliers, et… une consommation électrique identique à celle d'aujourd'hui (422 térawattheures). Compte-tenu des erreurs de rendements et des oublis (voir annexe) le coût de production peut être multiplié par dix !
La loi de transition énergétique a pour objectifs de réduire notre consommation d'énergie et nos émissions de gaz à effet de serre, tout en améliorant notre compétitivité économique. Remplacer l'énergie nucléaire par des renouvelables intermittentes ne correspond à aucune de ces trois priorités. En France, 90% de l'électricité est produite sans émissions de CO2, elle est une des plus compétitive d'Europe, et 90 % de la plus-value est réalisée sur le sol français grâce à nos centrales nucléaires et à nos barrages.
Au mépris des réalités physiques et financières, l'ADEME semble vouloir conduire la France dans une voie dangereuse, notamment pour la stabilité de notre réseau électrique ce qui aurait des conséquences dramatiques. Cette stratégie serait de plus dispendieuse alors que, dans le même temps, le Président de la République parle de « sérieux budgétaire » et de « pacte de compétitivité ».
Chercherait-elle à substituer une vision idéologique « verte » hasardeuse, dont le surcoût serait de plusieurs centaines de milliards d'euros, à une politique énergétique digne de ce nom pour un pays de plus de 60 millions d'habitants ?
Comment une agence étatique financée par les contribuables pour informer les citoyens et les décideurs peut-elle proposer des scénarios techniquement et économiquement aussi ineptes ? Serait-elle incompétente ? Serait-elle infiltrée par des idéologues dogmatiques préférant le chaos social que provoquerait une forte proportion d'énergies intermittentes à la poursuite du nucléaire ? Ou bien obéit-elle à une injonction de sa hiérarchie ? Mais dans quel but ?