Le Monde Moderne La crise de l’Etat de droit, l’autre versant de la crise sanitaire
"Dans la continuité de la logique qui fut invoquée après les attentats de 2015 et de la loi renseignement qui s’ensuivit, la fulgurance de la crise sanitaire actuelle vient de nouveau heurter l’essence de l’Etat de droit français, flirtant de nouveau avec les limites de certaines libertés fondamentales.
En premier lieu, force est de constater que l’état d’urgence sanitaire voté fin mars est exceptionnel non par la nature de l’urgence (nous l’avions oublié mais le monde occidental avait déjà connu au moins une autre pandémie au XXème siècle) mais par l’extraordinaire amateurisme que nous y avons opposé. Ces exceptions dont on se presse d’agiter l’autorité ne sont bien souvent qu’une impréparation due à une insuffisante anticipation de risques pourtant connus et modélisés.
Au-delà de cette tendance structurelle que l’on voit à l’œuvre depuis quelques années, les heurts spécifiques de la crise actuelle se sont cristallisés autour de la fameuse application de contact tracing Stopcovid." .../...
"Par petites touches, ce glissement techno-moralisateur risque de nous faire progressivement changer de paradigme nous menant à une société de la transparence médicale. Surgiraient alors des dispositifs de discrimination de certaines populations (poliment nommés « sélection par le risque ») qui entraveraient le droit fondamental à la libre circulation et au secret médical mais aussi le principe d’égalité des droits ou le devoir de protection des plus fragiles.
En ce sens, il nous appartient de dépasser collectivement l’opposition artificielle entre liberté et sécurité, de porter une attention particulière au risque que des idées excessives ou volatiles ne deviennent communes au nom d’urgences devenues récurrences.
Ces séquences à répétition pointent les impensés ou les mal-pensés des sociétés contemporaines et de leur arsenal juridique. Si la nature de l’Etat est en train de muter vers une forme essentiellement techno-sécuritaire alors dans le même mouvement, sa doctrine juridique doit aussi évoluer pour en demeurer le garde-fou. Le droit est une matière fondamentalement vivante, il est urgent de la repenser à l’aune des enjeux et des risques contemporains afin de réaffirmer sa primauté et son rôle en démocratie : le recours ultime à l’injuste et à l’arbitraire. Afin qu’il demeure l’une de ces institutions justes chères à Ricoeur."
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Le Monde Moderne
La crise de l’Etat de droit, l’autre versant de la crise sanitaire
"Dans la continuité de la logique qui fut invoquée après les attentats de 2015 et de la loi renseignement qui s’ensuivit, la fulgurance de la crise sanitaire actuelle vient de nouveau heurter l’essence de l’Etat de droit français, flirtant de nouveau avec les limites de certaines libertés fondamentales.
En premier lieu, force est de constater que l’état d’urgence sanitaire voté fin mars est exceptionnel non par la nature de l’urgence (nous l’avions oublié mais le monde occidental avait déjà connu au moins une autre pandémie au XXème siècle) mais par l’extraordinaire amateurisme que nous y avons opposé. Ces exceptions dont on se presse d’agiter l’autorité ne sont bien souvent qu’une impréparation due à une insuffisante anticipation de risques pourtant connus et modélisés.
Au-delà de cette tendance structurelle que l’on voit à l’œuvre depuis quelques années, les heurts spécifiques de la crise actuelle se sont cristallisés autour de la fameuse application de contact tracing Stopcovid."
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"Par petites touches, ce glissement techno-moralisateur risque de nous faire progressivement changer de paradigme nous menant à une société de la transparence médicale. Surgiraient alors des dispositifs de discrimination de certaines populations (poliment nommés « sélection par le risque ») qui entraveraient le droit fondamental à la libre circulation et au secret médical mais aussi le principe d’égalité des droits ou le devoir de protection des plus fragiles.
En ce sens, il nous appartient de dépasser collectivement l’opposition artificielle entre liberté et sécurité, de porter une attention particulière au risque que des idées excessives ou volatiles ne deviennent communes au nom d’urgences devenues récurrences.
Ces séquences à répétition pointent les impensés ou les mal-pensés des sociétés contemporaines et de leur arsenal juridique. Si la nature de l’Etat est en train de muter vers une forme essentiellement techno-sécuritaire alors dans le même mouvement, sa doctrine juridique doit aussi évoluer pour en demeurer le garde-fou. Le droit est une matière fondamentalement vivante, il est urgent de la repenser à l’aune des enjeux et des risques contemporains afin de réaffirmer sa primauté et son rôle en démocratie : le recours ultime à l’injuste et à l’arbitraire. Afin qu’il demeure l’une de ces institutions justes chères à Ricoeur."
https://www.lemondemoderne.media/
Après la crise sanitaire, la crise démocratique ?
https://www.rtl.fr/actu/politique/vote-du-plan-de-deconfinement-faure-denonce-sur-rtl-un-confinement-de-la-democratie-7800449594
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