lundi 27 avril 2020

À Wuhan, retour à l'air libre mais pas à la vie d'avant | korii.


https://korii.slate.fr/et-caetera/covid-19-pandemie-chine-wuhan-experience-deconfinement-tests-port-masque-tracage-distanciation-sociale

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Parmi les rares activités à connaître une hausse notable des ventes figurent les concessionnaires automobiles, qui réussissent à écouler certains véhicules peu coûteux, seul moyen de se déplacer sans risquer de contamination."

Vous avez dû le remarquer : avant le confinement, pas un espace de publicité sans chercher à vous vendre une bagnole...
Depuis le début de l'assignation à résidence, plus aucune pub. J'en respire mieux du coup !

Anonyme a dit…

DÉCONFINER LE DÉCONFINEMENT - PÉROLA MILMAN

« Tous les jours, nous devenons des étrangers de nous-mêmes. »


Maintenant c’est devenu normal. Les journées qui passent, à la maison, les sorties de temps en temps, à errer. A s’aérer. Les yeux sans regard, vides. Ils évitent ceux des autres masqués croisés dans les rues. Sans vie. Au loin, des bruits en écho : un ballon contre le mur, les pieds des enfants tapent le sol, lourds. Leurs voix aiguës résonnent. Et le cri de la corneille. C’est comme si la chaleur du soleil qui remonte les thermomètres vers des records pour la saison n’arrivait pas à enlever la froideur au monde. Et maintenant c’est devenu normal.
.../...

"On nous dit que nous serons libérés. Mais nous ne savons pas bien comment ça va se passer. Car finalement, est-ce que c’est vraiment bien qu’on soit libérés ? Et pourquoi, déjà, va-t-on nous libérer ? La vérité est que maintenant nous avons aussi peur. Maintenant, nous ne savons plus bien quoi penser. Maintenant c’est devenu confus. Et c’est ça d’avoir été enfermés comme nous l’avons été. C’est bien ce que ça nous fait. Ça nous fait douter, culpabiliser. C’est inévitable, ils nous ont tous un peu dressés. Et de là d’où nous sommes, captifs, on essaye, on s’aventure un peu, on se tâte, et on commence pudiquement à imaginer : comment ça sera, après ? On voit une lueur, et on ose se projeter : comment ça sera quand on sera tous masqués dans le métro ? Comment va-t-on se regarder ? On se demande, ceux qui sont parents : qu’est-ce qu’on sentira quand on embrassera nos enfants avant l’école ? Est-ce qu’on va vraiment les y envoyer ? Et on les regardera, leurs visages masqués…"
.../...

"Si on sort, ce sera peut-être un 11 mai et ce sera un lundi. Après le lundi, viendra une semaine toute entière, qui aura un mardi, un mercredi, et des noms de jours pour lesquels nous construirons un sens qui nous deviendra familier. On va aller bosser. Oui, on sait bien que c’est au travail que l’on retrouve la liberté. Et après tout ce temps…je me demande : comment sera cet instant, ce premier moment, où on se retrouvera ? Où je verrai Arne, Sara et Florent, où on se croisera au boulot ? Qu’est-ce qu’on va ressentir ? Comment va-t-on lire dans nos visages, dans nos sourires timides - imprimés dans nos yeux - nos sentiments, et tout ce que l’on a vécu, tout ce que l’on veut se dire ? Quels vestiges allons nous percevoir les uns chez les autres — sur nos peaux, en chair et en os — de ce qui s’est passé ? De ce qui sera en train de se passer ? Et on remarquera dans les plis de nos visages, en nos traits, les marques crées par nos vies séparées les uns des autres. Comme des archéologues, on devinera l’histoire cachée derrière les masques créées par la distance en suivant les traces de notre familiarité. Et on y trouvera les preuves de nos souffrances, on jalousera gentiment les joies que nous avons pu avoir. [...]"
.../...

"Oui, on s’aperçoit que “maintenant” c’était déjà devenu normal, et cela depuis longtemps. Et qu’on était déjà confinés. Mais maintenant c’est devenu assez. A bas les masques, il est temps de détruire leurs maisons, ces maisons qui nous enferment chez nous et dehors. Que nous sortions par nos pieds, et aux pas de nous tous. Que les mots que l’on dise, qu’ils construisent, et qu’ils n’aient pas peur de détruire aussi. Que l’on peuple de vérités et des questions nos yeux qui dépassent. Seul le vrai débat changera la parole, fera naître d’autres paroles, certaines que nous ne comprendrons pas encore. Et d’autres que nous ne connaissons pas encore. Seules ces paroles nous permettront d’enfin, vraiment, nous déconfiner. Et d’oublier de devenir normal."

Pérola Milman est directrice de recherches au CNRS, spécialisée dans la physique quantique.


https://lundi.am/Deconfiner-le-deconfinement-3087