lundi 6 avril 2009

Rétrospectivement, j'ai eu peur, très peur...

Dans quelle France vivons nous ? Où sont passées nos libertés?
Retrouvez ci-après le témoignage d'un enseignant de paris 8.
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Vendredi dernier, à titre de solidarité avec mes collègues enseignants de l'Université de Paris engagés, en tant que titulaires et chercheurs de l'Éducation Nationale, dans une opposition difficile à Valérie Pécresse,
j'ai décidé de tenir mon cours sur la biodiversité et l'origine de la protection des espèces et des espaces, que je donne habituellement dans les locaux du département de Géographie (où j'enseigne depuis 20 ans), dans l'espace du Jardin des Plantes (Muséum National d'Histoire Naturelle), là où fut inventée la protection de la nature.
Une façon, avec ce « cours hors les murs », de faire découvrir ces lieux aux étudiants et d'être solidaire avec la grogne actuelle mais sans les pénaliser avant leurs partiel Mardi, arrivé à 14 h30, avant les étudiants, j’ai eu la surprise de me voir interpeller dés l'entrée franchie par le chef du service de sécurité tout en constatant que les deux portes du 36 rue Geoffroy Saint Hilaire était gardées par des vigiles...
- « Monsieur Vadrot ? ».
- euh...oui
- Je suis chargé de vous signifier que l'accès du Jardin des Plantes vous est interdit
- Pourquoi ?
- Je n'ai pas à vous donner d'explication....
- Pouvez vous me remettre un papier me signifiant cette interdiction ?
- Non, les manifestations sont interdites dans le Muséum
- Il ne s'agit pas d'une manifestation, mais d'un cours en plein air,sans la moindre pancarte...
- C'est non....
Les étudiants, qui se baladent déjà dans le jardin, reviennent vers l'entrée, le lieu du rendez vous.
Le cours se fait donc, pendant une heure et demie, dans la rue, devant l'entrée du Muséum.
Un cours qui porte sur l’histoire du Muséum, l'histoire de la protection de la nature, sur Buffon.
A la fin du cours, je demande à nouveau à entrer pour effectuer une visite commentée du jardin. Nouveau refus, seuls les étudiants peuvent entrer, pas leur enseignant.
Ils entrent et, je décide de tenter ma chance par une autre grille, rue de Buffon. Où je retrouve des membres du service de sécurité qui, possédant manifestement mon signalement, comme les premiers, m'interdisent à nouveau l'entrée.
Evidemment, je finis pas le fâcher et exige, sous peine de bousculer les vigiles, la présence du Directeur de la surveillance du Jardin des Plantes.
Comme le scandale menace il finit par arriver.
D'abord parfaitement méprisant, il finit pas me réciter mon CV et le contenu de mon blog. Cela commencer à ressembler à un procès politique, avec descriptions de mes opinions, faits et gestes. D'autres enseignants du département de Géographie, dont le Directeur Olivier Archambeau, président du Club des Explorateurs, Alain Bué et Christian Weiss, insistent et menacent d'un scandale.
Le directeur de la Surveillance, qui me dit agir au nom du Directeur du Muséum (où je pensais être honorablement connu), commençant sans doute à discerner le ridicule de sa situation, finit par nous faire une proposition incroyable, du genre de celle que j'ai pu entendre autrefois, comme journaliste, en Union soviétique :
- Ecoutez, si vous me promettez de ne pas parler de politique à vos étudiants et aux autres professeurs, je vous laisse entrer et rejoindre les étudiants...
Je promets et évidemment ne tiendrais pas cette promesse, tant le propos est absurde.
J'entre donc avec l'horrible certitude que, d'ordre du directeur et probablement du ministère de l'Education Nationale, je viens de faire l'objet d’une « interdiction politique ».
Pour la première fois de mon existence, en France.
Je n'ai réalisé que plus tard, après la fin de la visite se terminant au labyrinthe du Jardin des Plantes, à quel point cet incident était extra-ordinaire et révélateur d'un glissement angoissant de notre société.
Rétrospectivement, j'ai eu peur, très peur...

CM Vadrot
.
Envoyé par' D.B.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

De recul en recul de nos libertés , si nous n'y prenons pas garde ...

Républicaine

Anonyme a dit…

C'est vrai que tout ça arrive à petites doses et dans tous les domaines ! c'est peut-être le moment de se rappeler des paroles de Martin Niemöller, pasteur protestant, arrêté en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen puis transféré en 1941 au camp de concentration de Dachau :
«Quand ils sont venus chercher les communistes,
Je n’ai rien dit,
Je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
Je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
Je n’ai pas protesté, Je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
Je n’ai pas protesté, Je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait personne pour protester.»