Je vous partage ce magnifique texte d'Olivier Clerc, fondamental et très précieux ..
envoyé par Céline Lachkar 💗
Ne nous trompons pas d'"ennemis"
Plus dangereux que le covid, le virus de la division
Dans quel camp êtes-vous ? Êtes-vous pour ou contre le vaccin ? Pour ou contre
le Pass sanitaire ? Qui sont vos alliés, et qui vos ennemis ?
Depuis bientôt un an et demi, la société se clive de plus en plus. Chaque camp
projette le diable sur l'autre. Depuis le 12 juillet, la situation est encore pire. Dans
les familles, dans les entreprises, les associations, partout, les gens commencent à se regarder de travers selon que l'autre est ou non du même bord que soi.
Un virus bien plus dangereux que le covid est en train de détruire la société sous
nos yeux : celui de la division, celui de l'étiquetage mutuel, du jugement, de la
haine et de l'exclusion.
Si nous le laissons proliférer, dans quel monde allons-nous vivre demain ?
Allons-nous laisser la société se couper en deux, avec une ligne de partage qui
traversera chaque famille, chaque ville ou village, chaque commerce, chaque
parti, chaque association ?
Un tel clivage ne peut avoir aucun gagnant. Peu importe le camp qui
l'emporterait, ce serait l'esprit de division qui aurait triomphé et qui, demain,
créerait de nouvelles lignes de fractures et poursuivrait sans fin le morcellement
ainsi amorcé. Jusqu'à ce que tout le tissu social ne soit plus qu'un champ de ruines.
L'unité, seul remède à la division – que certains responsables politiques
invoquent sans vraiment savoir de quoi ils parlent – ne peut exister qu'entre
personnes ayant des convictions, des croyances, des pratiques différentes, mais
sachant néanmoins se respecter mutuellement et vivre ensemble. Lorsque ces
différences ne sont plus tolérées, comme actuellement, ce n'est pas l'unité qui
règne, mais l'uniformité qui en est l'exact contraire, puisqu'elle détruit la diversité
indispensable au vivant.
Si nous voulons trouver de véritables "ennemis" à combattre, mais cette fois
pour rester unis et ne pas nous tromper de cibles, en voici quelques-uns, dont vous
constaterez qu'aucun n'est une personne ni un groupe d'individus :
- L'esprit binaire vient en tête de liste, bien sûr, car il nous conduit à réduire
la complexité des choses, des gens et des problèmes à des dualités simplistes,
pour/contre, gentil/méchant, bon/mauvais, qu'on répartit en camps adverses.
C'est lui qui donne naissance à l'esprit de division.
- La peur vient en second, qui a envahi la société depuis un an et demi : sa
vibration émotionnelle toxique empêche de penser correctement, sans compter
qu'elle empoisonne nos cellules et affaiblit notre immunité.
- Le besoin d'avoir raison suit juste après : la conviction d'être seuls
détenteurs d'une vérité, sans accorder le moindre crédit à qui pense différemment.
Le mental humain étant capable de justifier toutes les croyances, sans exception,
les plus pertinentes comme les plus fausses, avoir raison ne prouve jamais qu'on
soit dans le vrai. La vérité est plus vaste qu'aucun raisonnement.
- L'étiquetage qui parasite depuis un an le journalisme : étiqueter quelqu'un
(complotiste, rassuriste, alarmiste…) permet de disqualifier cette personne sans
même s'intéresser à ce qui motive son point de vue. Une fois étiquetée, elle en
perd d'ailleurs son statut de personne à part entière : elle est réduite à une opinion,
forcément erronée.
La diabolisation du camp adverse, qui en découle naturellement : si
l'autre ne pense pas comme moi, c'est qu'il est mauvais, qu'il a tort, qu'il est
nuisible à moi-même et aux autres. Rapidement, on ne le voit plus vraiment
comme un être humain d'ailleurs, plutôt comme un monstre, un ennemi à
neutraliser.
- La conviction de faire ce qui est bon pour les autres, déjà dénoncée
autrefois par Alice Miller1 dans son fameux livre C'est pour ton bien. Un proverbe
touareg enseigne avec sagesse que « Ce qu'on fait pour les autres, sans les autres,
c'est contre les autres ». Autrement dit, le « bien commun » ne peut résulter que
d'un cheminement collectif.
- L'exclusion, qui est la conséquence logique de tout ce qui précède. Celui de
l'autre bord a tort, il est mauvais, d'ailleurs il ou elle est …… (choisir son étiquette).
Je sais mieux que lui ce qui est bon pour lui. Et s'il ne veut pas s'y plier, il ne reste
qu'à l'exclure. Il ou elle l'aura bien cherché.
On pourrait certainement en trouver d'autres, mais nos véritables "ennemis"
sont là, ils sont en nous. Il s'agit d'attitudes, de comportements que chacun de nous
est susceptible d'arborer, quel que soit son camp, et qui sont une véritable
gangrène pour le corps social que nous formons ensemble.
Ces "ennemis"-là – ces
poisons-là devrait-on dire – nous ne pouvons les guérir qu'avec ces antidotes à
(re)découvrir que sont :
- Le dialogue, et en particulier la capacité à converser en bonne intelligence
avec ceux et celles qui pensent autrement que nous, à nous ouvrir à leurs sources
d'information, à leur expérience personnelle, leur parcours de vie, à tout ce qui
les conduit à avoir aujourd'hui telle opinion, différente de la nôtre.
- La capacité à se remettre en question, à accepter que nul ne détient
toute la vérité, la volonté d'aller examiner d'autres points de vue que le sien. Voire,
celle de reconnaître que l'on avait en partie tort…
- L'acceptation de la complexité, car le monde n'est pas binaire,
noir/blanc. Aucun problème ne peut se résumer à des 0 et des 1 : il y a d'infinies
combinaisons, d'infinies nuances de gris.
- L'esprit d'inclusion, enfin, car l'autre, quelles que soient les opinions qu'il
cultive, est un être humain comme moi, possédant les mêmes besoins
fondamentaux, les mêmes aspirations essentielles, quelqu'un de bien moins
différent de moi que nos idées ou croyances divergentes ne le laissent supposer en
apparence.
Alors, qu'allons-nous combattre, au final ?
D'illusoires ennemis extérieurs, qui sont en réalité nos frères et sœurs en
humanité, quitte à imposer à notre société l'une des divisions les plus profondes et
les plus lourdes de conséquences de son histoire ? Allons-nous laisser apparaître
une guerre civile, des émeutes un peu partout, ou encore une nouvelle guerre de
religion, opposant cette fois des croyances médicales à d'autres ?
Ou allons-nous plutôt nous occuper de nos propres ennemis intérieurs, nos
peurs, nos vieux réflexes claniques, nos jugements, nos rejets ?
Surtout : quelle société nos choix vont-ils produire demain ?
Une société coupée en deux, déchirée d'un bout à l'autre par une fracture
traversant toutes les couches sociales, les catégories professionnelles, les
appartenances ? Un tissu social en lambeaux, traversé par la peur, le ressentiment,
la haine, la honte ?
Ou une société aspirant à l'unité malgré ses différences et ses désaccords,
recherchant ensemble, dans la diversité et le pluralisme retrouvés, des solutions
aux défis actuels, sans exclure ni rejeter personne ?
Nous sommes à un tournant majeur de notre histoire. Ne nous méprenons pas
sur ce qui est réellement en jeu ici, bien au-delà de seules questions sanitaires (ou
politiques). C'est de notre avenir commun dont il est véritablement question, de
la manière dont nous allons choisir notre façon de vivre ensemble, les uns avec (ou
contre) les autres.
Certaines décisions ne sont pas de notre ressort, elles sont dans les mains de
ceux qui nous dirigent, pour le meilleur ou pour le pire.
D'autres, en revanche, ne dépendent que de nous, individuellement et
collectivement. Personne ne peut nous contraindre à étiqueter, à juger, à rejeter,
à haïr ou à exclure. Personne. Tous et toutes nous pouvons faire le choix du
dialogue, de la rencontre, de l'ouverture à celles et ceux qui pensent autrement,
qui ont d'autres convictions, d'autres pratiques. Nous pouvons refuser la division,
refuser l'exclusion, être solidaires les uns des autres, par delà nos opinions
divergentes.
Il n'y a pas des vaccinés d'un côté et des non-vaccinés de l'autre. Il y a seulement
des êtres humains, hommes, femmes et enfants, qui aspirent tous à vivre en bonne
intelligence les uns avec les autres, à cultiver et préserver leur santé, grâce à la
multitude de médecines et thérapies complémentaires qui existent pour cela, et à
affronter ensemble, dans le respect de leur diversité, les défis majeurs que nous
présente notre époque. Nous n'y parviendrons qu'ensemble, tous ensemble, en
nous appuyant sur la multitude de connaissances et d'expériences disponibles,
dans toute leur richesse et leur complémentarité, sans plus en exclure aucune.
— Olivier Clerc
Envoyé de mon iPad