"Ce député, élu depuis 2014, se présente comme l’héritier politique du mouvement de 2019 pour davantage de justice sociale dans le pays le plus inégalitaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Agé de 35 ans, l’âge minimum pour se présenter, l’ex-leader d’un mouvement étudiant en 2011 n’était pas attendu dans le sprint final il y a quelques mois seulement.
« Il est possible de faire un Chili plus humain, plus digne, plus égalitaire », avait-il déclaré après avoir voté dans sa ville natale de Punta Arenas, dans l’extrême sud, sur le détroit de Magellan.
Dans un pays gouverné par le centre droit et le centre gauche depuis la fin de la dictature il y a 31 ans, Gabriel Boric entend promouvoir une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches à son programme de meilleur accès à la santé, à l’éducation et à la création d’un nouveau système de retraite, aujourd’hui entièrement privé.
De Cuba à l’Argentine, en passant par le Mexique, le Nicaragua, le Venezuela et le Pérou, les gouvernements de gauche d’Amérique latine ont exprimé leur satisfaction à la victoire de M. Boric. L’ancien président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva (Parti des travailleurs, gauche), que les sondages donnent vainqueur de la présidentielle en 2022 dans un éventuel duel avec le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, s’est dit « heureux d’une nouvelle victoire d’un candidat démocratique et progressiste dans notre Amérique latine, pour la construction d’un avenir meilleur pour tous ». La victoire de M. Boric a aussi été saluée par des présidents de droite et de centre-droit dans la région, comme le Colombien Ivan Duque, l’Equatorien Guillermo Lasso ou l’Uruguayen Luis Lacalle Pou.
Le leader de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a, lui, salué, dimanche soir sur Twitter, d’un « vive Boric, nouveau président du Chili » la victoire du candidat de la gauche chilienne."
"Après deux ans de situation insurrectionnelle, une page semble progressivement se tourner au Chili. Aussi il nous paraît important de tenter un décryptage à chaud, au-delà de l’aspect symbolique de cette victoire électorale, par les perspectives qui s’ouvrent dans ce pays du Sud Global, le plus riche d’Amérique latine. Rappelons que le Chili a été l’un des pays sur lesquels s’est expérimenté le néolibéralisme et l’impérialisme américain sous sa forme la plus brutale par la doctrine des Chicago Boys. Cette élection est probablement la date politique la plus importante depuis la fin de la dictature en 1990 et sûrement l’une des plus marquantes depuis l’assassinat de Salvador Allende et le putsh soutenu par la CIA de Septembre 1973." .../...
"Le 4 Juillet 2021, le pays mettait un terme à la constitution mise en place par l’ancien dictateur Augusto Pinochet, inchangée jusqu’à présent.
Représentée par 155 personnes, cette constituante paritaire garantissait aussi une place réservée et permanente aux minorités indigènes pour la première fois dans l’histoire du Chili. Très majoritairement composée de personnalités indépendantes aux idées de gauche avec des profils divers (professeurs, avocats, femmes au foyer, militants écologistes…). Aucun parti politique n’a obtenu le tiers nécessaire pour y siéger en tant que groupe parlementaire pour y opposer un véto. L’abstention y est assez importante, y compris dans le camp révolutionnaire. Cependant toute la base électorale des appareils politiques de droite comme de gauche s’étaient mobilisés et n’ont pas réussi à former un groupe.
La droite alliée à l’extrême droite n’a pas pu maintenir l’ancienne constitution libérale et les partis de gauche se retrouvent en minorité, face à une gauche indépendante globalement plus radicale et issue de la société civile.
Cinq mois plus tard, c’est finalement un ancien porte-parole des mouvements étudiants qui remporte la présidentielle à seulement 35 ans. Alors oui, ce n’est pas encore le municipalisme libertaire appliquée à l’échelle nationale, mais cela reste deux victoires consécutives de taille après deux ans de luttes.
Ce soulèvement a permis de mettre fin à la constitution en place depuis la dictature, de redonner une conscience politique massive y compris sur sa propre histoire liée à l’indigénisme, en particulier chez les jeunes. Il aura réussi à renverser le bipartisme incarné par la droite pinochiste faussement plus acceptable et le centre-gauche représentée notamment par Michelle Bachelet qui estimait en 2006 que le processus démocratique était terminé.
Néanmoins, sans relativiser la tournure historique du résultat de cette élection, il nous paraît très important de souligner que globalement, le camp révolutionnaire semble rester plutôt sceptique et ne se résigne probablement pas à se contenter de cette victoire par les urnes.
Si le sentiment de satisfaction est logiquement fort dans l’immédiat, c’est maintenant que tout commence. La gauche va être confrontée à ses propres limites en tant que réformiste et on se doute qu’elle devra faire des concessions dans le rapport de force qui l’oppose de fait au poids de la bourgeoisie et de l’impérialisme américain qui doit être inquiet de la situation.
De plus, la radicalisation de la droite qui a choisi un gouvernement ouvertement fasciste qui rappelle Bolsonaro et dont le score dépasse les 45% demeure inquiétante.
Dans tous les cas, la lutte paye. Espérons que ce processus révolutionnaire s’affirme sur la durée par tous les moyens possibles sur le sol chilien et continue d’inspirer le reste du monde.
Le Chili a été berceau du néolibéralisme, nous lui souhaitons d’en devenir le tombeau."
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"Ce député, élu depuis 2014, se présente comme l’héritier politique du mouvement de 2019 pour davantage de justice sociale dans le pays le plus inégalitaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Agé de 35 ans, l’âge minimum pour se présenter, l’ex-leader d’un mouvement étudiant en 2011 n’était pas attendu dans le sprint final il y a quelques mois seulement.
« Il est possible de faire un Chili plus humain, plus digne, plus égalitaire », avait-il déclaré après avoir voté dans sa ville natale de Punta Arenas, dans l’extrême sud, sur le détroit de Magellan.
Dans un pays gouverné par le centre droit et le centre gauche depuis la fin de la dictature il y a 31 ans, Gabriel Boric entend promouvoir une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches à son programme de meilleur accès à la santé, à l’éducation et à la création d’un nouveau système de retraite, aujourd’hui entièrement privé.
De Cuba à l’Argentine, en passant par le Mexique, le Nicaragua, le Venezuela et le Pérou, les gouvernements de gauche d’Amérique latine ont exprimé leur satisfaction à la victoire de M. Boric. L’ancien président du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva (Parti des travailleurs, gauche), que les sondages donnent vainqueur de la présidentielle en 2022 dans un éventuel duel avec le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, s’est dit « heureux d’une nouvelle victoire d’un candidat démocratique et progressiste dans notre Amérique latine, pour la construction d’un avenir meilleur pour tous ». La victoire de M. Boric a aussi été saluée par des présidents de droite et de centre-droit dans la région, comme le Colombien Ivan Duque, l’Equatorien Guillermo Lasso ou l’Uruguayen Luis Lacalle Pou.
Le leader de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, a, lui, salué, dimanche soir sur Twitter, d’un « vive Boric, nouveau président du Chili » la victoire du candidat de la gauche chilienne."
https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/20/chili-le-candidat-de-la-gauche-gabriel-boric-remporte-l-election-presidentielle_6106732_3210.html
"Après deux ans de situation insurrectionnelle, une page semble progressivement se tourner au Chili. Aussi il nous paraît important de tenter un décryptage à chaud, au-delà de l’aspect symbolique de cette victoire électorale, par les perspectives qui s’ouvrent dans ce pays du Sud Global, le plus riche d’Amérique latine. Rappelons que le Chili a été l’un des pays sur lesquels s’est expérimenté le néolibéralisme et l’impérialisme américain sous sa forme la plus brutale par la doctrine des Chicago Boys. Cette élection est probablement la date politique la plus importante depuis la fin de la dictature en 1990 et sûrement l’une des plus marquantes depuis l’assassinat de Salvador Allende et le putsh soutenu par la CIA de Septembre 1973."
.../...
"Le 4 Juillet 2021, le pays mettait un terme à la constitution mise en place par l’ancien dictateur Augusto Pinochet, inchangée jusqu’à présent.
Représentée par 155 personnes, cette constituante paritaire garantissait aussi une place réservée et permanente aux minorités indigènes pour la première fois dans l’histoire du Chili. Très majoritairement composée de personnalités indépendantes aux idées de gauche avec des profils divers (professeurs, avocats, femmes au foyer, militants écologistes…). Aucun parti politique n’a obtenu le tiers nécessaire pour y siéger en tant que groupe parlementaire pour y opposer un véto. L’abstention y est assez importante, y compris dans le camp révolutionnaire. Cependant toute la base électorale des appareils politiques de droite comme de gauche s’étaient mobilisés et n’ont pas réussi à former un groupe.
La droite alliée à l’extrême droite n’a pas pu maintenir l’ancienne constitution libérale et les partis de gauche se retrouvent en minorité, face à une gauche indépendante globalement plus radicale et issue de la société civile.
Cinq mois plus tard, c’est finalement un ancien porte-parole des mouvements étudiants qui remporte la présidentielle à seulement 35 ans. Alors oui, ce n’est pas encore le municipalisme libertaire appliquée à l’échelle nationale, mais cela reste deux victoires consécutives de taille après deux ans de luttes.
Ce soulèvement a permis de mettre fin à la constitution en place depuis la dictature, de redonner une conscience politique massive y compris sur sa propre histoire liée à l’indigénisme, en particulier chez les jeunes. Il aura réussi à renverser le bipartisme incarné par la droite pinochiste faussement plus acceptable et le centre-gauche représentée notamment par Michelle Bachelet qui estimait en 2006 que le processus démocratique était terminé.
Néanmoins, sans relativiser la tournure historique du résultat de cette élection, il nous paraît très important de souligner que globalement, le camp révolutionnaire semble rester plutôt sceptique et ne se résigne probablement pas à se contenter de cette victoire par les urnes.
Si le sentiment de satisfaction est logiquement fort dans l’immédiat, c’est maintenant que tout commence. La gauche va être confrontée à ses propres limites en tant que réformiste et on se doute qu’elle devra faire des concessions dans le rapport de force qui l’oppose de fait au poids de la bourgeoisie et de l’impérialisme américain qui doit être inquiet de la situation.
De plus, la radicalisation de la droite qui a choisi un gouvernement ouvertement fasciste qui rappelle Bolsonaro et dont le score dépasse les 45% demeure inquiétante.
Dans tous les cas, la lutte paye. Espérons que ce processus révolutionnaire s’affirme sur la durée par tous les moyens possibles sur le sol chilien et continue d’inspirer le reste du monde.
Le Chili a été berceau du néolibéralisme, nous lui souhaitons d’en devenir le tombeau."
https://cerveauxnondisponibles.net/2021/12/20/chili-apres-deux-ans-de-lutte-une-victoire-plus-que-symbolique/
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