jeudi 24 mai 2018

Dépenses sociales : les départements dans une situation précaire

Dépenses sociales : les départements dans une situation précaire

Dépenses sociales : les départements dans une situation précaire

L'Observatoire national de l'action sociale (Odas) présentait ce 23 mai son étude annuelle sur les dépenses départementales d'action sociale. Pour l'année 2017, l'organisme met en garde contre « un effritement inquiétant des marges de manœuvre ».

Et pourtant, à première vue, la situation ne s'est pas réellement dégradée. Entre 2016 et 2017, la dépense sociale des conseils départementaux n'a augmenté « que » de 1,6 %, passant de 36,8 milliards d'euros à 37,4 milliards. La charge nette, c'est-à-dire la somme qui reste à payer par les territoires après les abondements de l'Etat et de la CNSA, n'a connu qu'une hausse de 1,7 % (de 28,7 à 29,2 milliards).

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La situation reste néanmoins très inquiétante, selon Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'Odas, car cette « apparente stabilité des chiffres » se base sur des données très conjoncturelles. En effet, le nombre de bénéficiaires du RSA a légèrement diminué et, le marché immobilier ayant été dynamique en 2017, la plupart des départements ont vu les DMTO augmenter. Mais ces deux indicateurs pourraient se retourner rapidement…

Sans oublier que, malgré des efforts importants, notamment sur les dépenses de personnels, une augmentation de 1,6 % reste supérieure à la limite de 1,2 %. Cette dernière s'appliquera pourtant aux départements dès 2018 dans le cadre de la contractualisation financière actuellement discutée entre les départements et l'Etat.

Grandes tendances

Au niveau de la répartition, les dépenses sociales n'ont pas évolué en 2017 :

  • pour l'insertion, la dépense est de 10,3 milliards (10,2 en 2016 ; +1,1 %)
  • pour les personnes handicapées, elle est de 7,5 milliards (7,2 ; +2,7 %)
  • pour les personnes âgées dépendantes, 7 milliards (6,9 ; +2,4 %)
  • pour la protection de l'enfance, 7,4 milliards (7,3 ; +1,4 %)

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Amélioration sur le plan du RSA

Comme en 2016, le nombre de bénéficiaires du RSA a légèrement baissé en 2017 : 11 000 allocataires en moins, mais un peu plus de 1,6 million de ménages touchent néanmoins le minima social. Et malgré cette baisse, le coût pour les départements est en augmentation du fait de la revalorisation de l'allocation.

Pour parvenir à continuer à payer la prestation, les conseils départementaux poursuivent la diminution de leurs dépenses d'aide à l'insertion. « Elles représentent environ 7 % des dépenses totales d'insertion, contre 20 % à l'époque du RMI », regrette Claudine Padieu, directrice scientifique de l'Odas.

Or, ces politiques sont souvent les seules à permettre une sortie du dispositif pour les allocataires… et donc à entraîner une baisse de la dépense pour les départements.

Handicap : la PCH toujours en augmentation

C'est le domaine dans lequel la dépense nette augmente le plus, comme les années précédentes. « Pendant longtemps, la hausse était due à la création de places d'hébergement », explique Claudine Padieu. Or les constructions d'établissement sont beaucoup moins importantes aujourd'hui.

L'augmentation est majoritairement causée par la PCH. 268 000 personnes touchent désormais cette allocation et l'augmentation continue de ce chiffre interroge l'Odas. « Pourquoi, 10 ans après sa création, la montée en charge de la PCH est-elle toujours aussi importante ? Le vieillissement des personnes handicapées, qui vivent plus longtemps, n'explique pas suffisamment la question », se demande la spécialiste.

Personnes âgées : la loi ASV se met en place

Si la dépense nette pour les personnes âgées dépendantes a augmenté de 2,4 %, la charge nette n'a, elle, progressé que de 1,5 %, grâce aux subventions plus importantes de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). L'adoption de la loi d'Adaptation de la société au vieillissement, en décembre 2015, a débloqué des crédits pour revaloriser l'APA à domicile.

« Les départements ont immédiatement appliqué la réforme », indique Claudine Padieu. Ainsi, un an après la mise en place de la réforme, le nombre de bénéficiaires de l'APA et le montant moyen de l'allocation ont augmenté en 2017.

Le droit au répit pour les aidants, créé par la loi ASV, met lui plus de temps à se mettre en place. Des crédits débloqués par la CNSA en 2016 et non utilisés ont été déduits des sommes dues par la Caisse en 2017. Ainsi, selon l'Odas, les apports de la CNSA, une fois la montée en charge de la loi effective, devraient diminuer pour retrouver la proportion dans les dépenses d'avant la réforme, soit environ 31 % contre 37 % en 2016 et 2017.

Protection de l'enfance : l'inquiétante modération de la croissance des dépenses

L'augmentation de la dépense nette des départements en matière de protection de l'enfance se borne en 2017 à 1,4 %. Cette hausse limitée est à noter : le nombre de jeunes migrants se présentant comme mineurs – et donc devant être faire l'objet d'une mesure d'urgence de la part des conseils départementaux – est en hausse, tout comme celui des mineurs placés (8 600 en plus en 2017 dont 8 500 MNA).

Pour stabiliser la dépense globale, les départements ont donc rogné ailleurs… D'abord sur les conditions d'accueils des jeunes migrants. « Leur mise à l'abri passe par des hébergements en hôtels, sans véritable encadrement, détaille la directrice scientifique de l'Odas. Parfois, cette situation se prolonge au-delà de la mise à l'abri, certains jeunes reconnus mineurs restent à l'hôtel. »

Autre dépense réduite à la portion congrue : le soutien aux jeunes majeurs. Le nombre de « contrats jeunes majeurs », qui permettent à des jeunes d'être aidés par les départements jusqu'à leurs 21 ans, s'est considérablement réduit ces dernières années. « Et les contrats signés sont de plus en plus courts », souligne Claudine Padieu. Pour les MNA, ces contrats ne durent ainsi souvent que les quelques mois qu'il leur faut pour obtenir des papiers avant de prendre fin.

Enfin, les dépenses de prévention diminuent encore en 2017 : -3 % pour les techniciens de l'intervention sociale et familiale, -10 % pour la prévention spécialisée, -8 % pour les aides financières et -23 % pour les fonds d'aide aux jeunes.

Il est néanmoins à noter que sur l'accueil des jeunes migrants, contrairement au financement des AIS, l'Etat et les départements sont arrivés à un accord : l'Etat prendra mieux en charge la mise à l'abri et l'évaluation de l'âge des jeunes.

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