Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, zones franches, exonération de la taxe foncière, facilités comptables, niches et allègements en tous genre: au fil des décennies, les pouvoirs publics ont taillé un environnement fiscal et réglementaire sur mesure pour le patronat, sans aucune contrepartie. L'État-providence fonctionne donc très bien... pour les entreprises.
Il y a plus de cinquante ans, commentant la réduction de moitié de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, le patron des patrons de l'époque lâchait : «Les carottes n'intéressent pas le patronat.» Depuis, les chefs d'entreprise n'ont cessé d'en croquer par pleins paniers, jusqu'au dernier président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Pierre GATTAZ, fanfaronnant en 2015 qu'en échange de quelques bottes supplémentaires (le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, CICE) on allait créer un million d'emplois. Les carottes ont été livrées. Pas les emplois.
La rhétorique est bien rodée. Un : ne jamais reconnaître avoir bénéficié d'un avantage fiscal, sinon du bout des lèvres et comme une maigre compensation, avant de demander une réduction beaucoup plus importante. Deux : toujours se plaindre des «charges» écrasantes pesant sur les entreprises. Ce discours patronal porte ses fruits : les mesures fiscales favorables s'accumulent... sur le dos de la collectivité.
Seul impôt direct pour les sociétés de capitaux, l'impôt sur les sociétés (IS) est censé taxer annuellement le bénéfice, c'est-à-dire l'enrichissement net d'un exercice sur l'autre, au taux officiel de 33,33% [Depuis le 1er janvier 2018, le taux est ramené à 28% pour des bénéfices inférieurs ou égaux à 500.000 euros. À cette disposition s'ajoutera en 2019 la baisse du taux à 31% au-delà de 500.000 euros]. En réalité, une chimère... Tout d'abord, les règles ainsi que les pratiques comptables et fiscales permettent aux entreprises de minimiser le bénéfice imposable, qui n'a que de lointains rapports avec les profits réels. Ensuite, les politiques des gouvernements successifs ont accordé aux sociétés des allègements, dispersés dans un grand nombre de niches, censés les inciter à adopter tel ou tel comportement ou à améliorer leur compétitivité. De plus, les entreprises jouent le rôle d'auxiliaires du fisc, en tant que collectrices d'impôts et de cotisations sociales dont elles tirent quelques avantages. Enfin, tandis que les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficient d'un taux réduit à 15%, les pratiques d'optimisation et d'évasion fiscales permettent aux grands groupes de fixer eux-mêmes le montant de l'impôt qu'ils consentent à payer. Le bénéfice fiscal s'établit comme la différence entre les profits réalisés et les charges déductibles. En minimisant plus ou moins légalement le montant des profits déclarés et en gonflant celui des charges, l'entreprise peut ramener l'assiette de l'impôt à la dimension d'une soucoupe. Si on laisse de côté les pratiques frauduleuses de fausses factures et de ventes sans facture, deux postes de charges offrent en particulier de nombreuses possibilités : les provisions et les frais généraux.[...]
Partie de l'article du journaliste Christian de Brie paru dans «LE MONDE diplomatique» de février 2018. Une version de ce texte vient de paraître dans l'ouvrage collectif "Toujours plus pour les riches. Manifeste pour une fiscalité juste" et coordonné par l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (Attac), Les Liens qui libèrent, Paris.
2 commentaires:
UN FAVORITISME FISCAL QUE RIEN NE JUSTIFIE.
«LE FLÉAU DE L'ASSISTANAT.»
Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, zones franches, exonération de la taxe foncière, facilités comptables, niches et allègements en tous genre: au fil des décennies, les pouvoirs publics ont taillé un environnement fiscal et réglementaire sur mesure pour le patronat, sans aucune contrepartie. L'État-providence fonctionne donc très bien... pour les entreprises.
Il y a plus de cinquante ans, commentant la réduction de moitié de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, le patron des patrons de l'époque lâchait : «Les carottes n'intéressent pas le patronat.»
Depuis, les chefs d'entreprise n'ont cessé d'en croquer par pleins paniers, jusqu'au dernier président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. Pierre GATTAZ, fanfaronnant en 2015 qu'en échange de quelques bottes supplémentaires (le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, CICE) on allait créer un million d'emplois. Les carottes ont été livrées. Pas les emplois.
La rhétorique est bien rodée.
Un : ne jamais reconnaître avoir bénéficié d'un avantage fiscal, sinon du bout des lèvres et comme une maigre compensation, avant de demander une réduction beaucoup plus importante.
Deux : toujours se plaindre des «charges» écrasantes pesant sur les entreprises. Ce discours patronal porte ses fruits : les mesures fiscales favorables s'accumulent... sur le dos de la collectivité.
Seul impôt direct pour les sociétés de capitaux, l'impôt sur les sociétés (IS) est censé taxer annuellement le bénéfice, c'est-à-dire l'enrichissement net d'un exercice sur l'autre, au taux officiel de 33,33% [Depuis le 1er janvier 2018, le taux est ramené à 28% pour des bénéfices inférieurs ou égaux à 500.000 euros. À cette disposition s'ajoutera en 2019 la baisse du taux à 31% au-delà de 500.000 euros]. En réalité, une chimère...
Tout d'abord, les règles ainsi que les pratiques comptables et fiscales permettent aux entreprises de minimiser le bénéfice imposable, qui n'a que de lointains rapports avec les profits réels. Ensuite, les politiques des gouvernements successifs ont accordé aux sociétés des allègements, dispersés dans un grand nombre de niches, censés les inciter à adopter tel ou tel comportement ou à améliorer leur compétitivité. De plus, les entreprises jouent le rôle d'auxiliaires du fisc, en tant que collectrices d'impôts et de cotisations sociales dont elles tirent quelques avantages. Enfin, tandis que les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficient d'un taux réduit à 15%, les pratiques d'optimisation et d'évasion fiscales permettent aux grands groupes de fixer eux-mêmes le montant de l'impôt qu'ils consentent à payer. Le bénéfice fiscal s'établit comme la différence entre les profits réalisés et les charges déductibles. En minimisant plus ou moins légalement le montant des profits déclarés et en gonflant celui des charges, l'entreprise peut ramener l'assiette de l'impôt à la dimension d'une soucoupe. Si on laisse de côté les pratiques frauduleuses de fausses factures et de ventes sans facture, deux postes de charges offrent en particulier de nombreuses possibilités : les provisions et les frais généraux.[...]
Partie de l'article du journaliste Christian de Brie paru dans «LE MONDE diplomatique» de février 2018.
Une version de ce texte vient de paraître dans l'ouvrage collectif "Toujours plus pour les riches. Manifeste pour une fiscalité juste" et coordonné par l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (Attac), Les Liens qui libèrent, Paris.
Excellent exposé de la situation par Christian de Brie, 12h11...
Jamais rassasiés le patronat, véritable "cancer" de l'assistanat.
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