"Aucune voix off, mais des scènes incroyables, ordinaires ou terribles, dans une ambiance de neige qui recouvre alors Wuhan. On y voit un couple rentrer à Wuhan juste avant la quarantaine, contrôlé dans une ambiance de désert onirique par des gardes ou policiers qui se débrouillent encore avec des thermomètres défectueux enregistrant des 32 ou 34°. « C'est l'hiver », tente de plaisanter le conducteur contrôlé, qui a en fait 36. Le sourire s'étrangle quand on entre dans un hôpital où la caméra saisit avec beaucoup de pudeur les extrêmes difficultés d'un vieil homme à respirer. Le souffle de la vie qui lutte jusqu'au bout.
Le film est un journal de bord du 23 janvier au 8 avril, date du déconfinement dans une ville qui a vu arriver des travailleurs de toute la région pour construire des hôpitaux de fortune et qui se retrouvent ensuite à ne plus savoir du tout s'ils ont le droit de rentrer chez eux. Scènes lunaires de demandes d'informations sans réponses par des héros anonymes du quotidien qui se heurtent à une administration aussi désemparée qu'eux. On traite l'urgence, pas l'humain. On a rarement été autant saisi par l'abandon et l'isolement généré par la terreur de la maladie, même si les efforts quasi-militaires de la ville pour s'adapter au virus impressionnent aussi.
La froideur glaçante de ces images filmées souvent avec beaucoup de poésie dégage une dimension universelle. Des parents appelés en file indienne par dizaines qui doivent se lever quand « le défunt a une carte commençant par 422 111 et 405 115 », ce funérarium industriel où les cendres des victimes sont récupérées comme dans un énorme supermarché par les proches. « Ce n'est pas possible que quelqu'un disparaisse comme ça, en silence », enrage un fils qui ne peut récupérer l'urne de son père. Ce sont les collègues de travail de ce dernier, d'une froideur administrative inhumaine, qui semblent en être les dépositaires. Kafka à Wuhan." (...)
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On traite l'urgence, pas l'humain
"Aucune voix off, mais des scènes incroyables, ordinaires ou terribles, dans une ambiance de neige qui recouvre alors Wuhan. On y voit un couple rentrer à Wuhan juste avant la quarantaine, contrôlé dans une ambiance de désert onirique par des gardes ou policiers qui se débrouillent encore avec des thermomètres défectueux enregistrant des 32 ou 34°. « C'est l'hiver », tente de plaisanter le conducteur contrôlé, qui a en fait 36. Le sourire s'étrangle quand on entre dans un hôpital où la caméra saisit avec beaucoup de pudeur les extrêmes difficultés d'un vieil homme à respirer. Le souffle de la vie qui lutte jusqu'au bout.
Le film est un journal de bord du 23 janvier au 8 avril, date du déconfinement dans une ville qui a vu arriver des travailleurs de toute la région pour construire des hôpitaux de fortune et qui se retrouvent ensuite à ne plus savoir du tout s'ils ont le droit de rentrer chez eux. Scènes lunaires de demandes d'informations sans réponses par des héros anonymes du quotidien qui se heurtent à une administration aussi désemparée qu'eux. On traite l'urgence, pas l'humain. On a rarement été autant saisi par l'abandon et l'isolement généré par la terreur de la maladie, même si les efforts quasi-militaires de la ville pour s'adapter au virus impressionnent aussi.
La froideur glaçante de ces images filmées souvent avec beaucoup de poésie dégage une dimension universelle. Des parents appelés en file indienne par dizaines qui doivent se lever quand « le défunt a une carte commençant par 422 111 et 405 115 », ce funérarium industriel où les cendres des victimes sont récupérées comme dans un énorme supermarché par les proches. « Ce n'est pas possible que quelqu'un disparaisse comme ça, en silence », enrage un fils qui ne peut récupérer l'urne de son père. Ce sont les collègues de travail de ce dernier, d'une froideur administrative inhumaine, qui semblent en être les dépositaires. Kafka à Wuhan."
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https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/coronation-ils-ont-filme-le-debut-de-la-pandemie-a-wuhan-18-03-2021-8428999.php
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