mardi 24 novembre 2020

« Sécurité globale » : l’Assemblée nationale vote pour la Technopolice




« Sécurité globale » : l'Assemblée nationale vote pour la Technopolice

L'Assemblée nationale vient de voter la proposition de loi de « Sécurité Globale ». Déposée le 20 octobre dernier, elle a donc été examinée en commission des lois, débattue en séance publique puis votée en à peine un mois, alors que l'agenda parlementaire était déjà surchargé. Outre le caractère liberticide de plusieurs de ses dispositions, le gouvernement et sa majorité viennent de faire adopter un texte très certainement inconstitutionnel. Espérons que le Sénat saura se montrer à la hauteur des enjeux et refusera cette nouvelle atteinte à nos libertés.


Nous avons dès le début alerté sur plusieurs dispositions particulièrement dangereuses de ce texte. L'article 21, qui autorise la transmission en direct des images filmées par les caméras-piétons de la police et de la gendarmerie à un centre de commandement – et qui facilite ainsi leur analyse automatisée, comme la reconnaissance faciale. L'article 22, qui autorise la police à surveiller nos villes, nos rues et nos manifestations avec des drones. L'article 24, évidemment, qui nous interdit de dénoncer les violences policières.

Le passage-éclair en commission des lois nous a effrayé encore un peu plus. Nous avons relaté l'ambiance lugubre et fuyante des débats entre des rapporteur·euses aux ordres des syndicats de police, et des député·es de l'opposition insulté·es et méprisé·es. Le texte y a été étoffé de nouvelles dispositions pour que la police puisse avoir plus facilement accès aux caméras dans nos halls d'immeubles et pour étendre, encore un peu, le nombre de personnes pouvant visionner les images de la voie publique (on en parlait ici).


Nous avons ensuite suivi, mot par mot, les débats en séance publique. Ceux-ci, comme l'attention médiatique, étaient particulièrement concentrés sur l'article 24 et ses conséquences sur la liberté de la presse. À l'issue des débats, cet article n'a d'ailleurs en aucun cas été arrangé mais, au contraire, aggravé, s'étendant à la police municipale. L'article 22, majeur pourtant, a été lui débattu vendredi en pleine nuit et voté à 1h du matin, alors que le ministre de l'intérieur ne prenait même plus la peine de répondre aux parlementaires.

Il est particulièrement difficile de voir un texte qui aura autant de conséquences sur nos libertés être voté aussi vite et dans des conditions aussi déplorables. Quand on le lit à la lumière du livre blanc de la sécurité intérieure et du schéma national de maintien de l'ordre publiés récemment, on comprend que ce texte veut faire entrer la surveillance dans une nouvelle ère : celle de la multiplication des dispositifs de captations d'images (caméras fixes, caméras sur les uniformes, caméras dans le ciel), de leur croisement afin de couvrir toutes nos villes (espaces publics ou privés) et de leur analyse massive par des algorithmes, avec en tête la reconnaissance faciale.


Si en 2019, grâce au fichier TAJ, il y a déjà eu plus de 375 000 traitements de reconnaissance faciale faits par la police en France, combien y en aura-t-il en 2021 quand chaque coin de rue sera filmé et analysé en direct ? Comment croire en l'intérêt d'un encadrement quand un tel pouvoir de surveillance est donné aux gouvernants ? Comment faire confiance à la majorité parlementaire et au gouvernement qui nous assure que la reconnaissance faciale sur les images des drones et caméras-piétons ne sera pas permise par ce texte – ce qui est juridiquement faux –, alors même que tous les amendements visant à écarter explicitement cette possibilité ont été rejetés ?


Ce texte, que vient donc d'adopter l'Assemblée nationale, c'est celui de la Technopolice
. Celle que nous dénonçons depuis deux ans : une dystopie préparée par ceux qui prétendent nous gouverner, la mise sous coupe réglée de nos villes pour en faire une vaste entreprise de surveillance.

La prochaine étape se jouera au Sénat, pas avant janvier si l'on en croit son calendrier. Nous en sommes réduits à espérer que celui-ci prenne son rôle au sérieux et vienne rappeler à la majorité présidentielle les bases du respect des libertés et de nos droits. Il faudra en tous cas, et quoiqu'il arrive, maintenir la pression sur nos institutions pour que ce texte disparaisse, ne revienne jamais, et que la voix des citoyens et citoyennes – mobilisé·es massivement – soient entendue.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Sécurité globale : vous mettez la France en cage !
JEAN-LUC MÉLENCHON



https://youtu.be/Q5cajKqWUuE



Intervention de Jean-Luc Mélenchon le 24 novembre 2020 contre la proposition de loi « sécurité globale ».

« Président, collègues, ministres, alerte ! Alerte ! Après 22 lois soi-disant sur la sécurité sans que personne n’en ait jamais fait le bilan en 30 ans, à présent vous en rajoutez 7 en l'espace de 3 ans. 7 lois en l’espace de 3 ans. Et le but est maintenant assez clair : un régime autoritaire se met en place dont le but est de contrôler tout le monde, tout le temps, partout. Sans aucune restriction à ce droit de se mêler de la vie de chacun à tout instant.

D’une loi d'initiative parlementaire vous avez tiré le moyen de faire une cage électronique dans laquelle vous voulez enfermer la France. Une cage dans laquelle en permanence, par les caméras piétons, les drones, la reconnaissance faciale, l’interconnexion des caméras de vidéosurveillance privées dans les parking et les halls d’immeubles, s’ajoute une interdiction de plus : l’interdiction de regarder, c’est-à-dire l'interdiction de filmer pour permettre qu’on voit.

La dangerosité d’une telle disposition, vous en avez rendu compte vous-même, monsieur le ministre, ce matin, car vous avez dit : « les images que j’ai vues cette nuit m’ont choqué, c’est pourquoi je demande un rapport de l'Inspection Générale de la Police Nationale». Donc vous voyez que les images sont très utiles pour réprimer les abus de pouvoir et vous voyez que la première des libertés dont les citoyens ont à jouir c’est celle de pouvoir contrôler ceux qui exercent l’autorité.

Reculez monsieur le ministre ! Arrêtez tout ça ! À quel abîme roule la France de cette manière ? D’autres présidents, d’autres gouvernements avant vous ont reculé. Qui pourtant se sentaient sûrs de leur bon droit. [...]"

"La répression des gilets jaunes avait déjà été condamnée par le haut commissaire aux droits de l’homme de l’ONU dont on a parlé tout à l’heure, par le Conseil de l’Europe, par le Parlement européen. Plusieurs institutions internationales auxquelles vous vous référez si souvent se sont exprimées sur cette loi. [...]"

"J’ajoute enfin que ce samedi, et au fil des navettes qui vont offrir le passage de cette loi du Sénat à l'Assemblée et vice-versa, renoncez à la violence. Renoncez au système du nassage qui donne lieu à chaque fois à des débordements incroyables de violence dans le pays et dans les rues. Reprenez le tour tranquille des gardiens de la paix. Il est temps qu’il y ait une reprise en main de la police républicaine, parce que comme vous ne tenez pas la police, vous ne tenez plus que par elle et elle vous tient. Elle vous tient! C’est elle qui vous dicte ce qu’il faudrait faire. Et de qui parle t-on ? De deux syndicats de factieux qui n’hésitent pas une seule fois à insulter les parlementaires, à menacer et à assiéger les sièges et même les sièges de télévision.

Le moment venu, après ces manifestations, si le peuple Français le veut, nous appliquerons une stratégie de désescalade entre la police et les citoyens. Nous interdirons les grenades et les LBD dans les manifestations. Nous supprimerons l'Inspection Générale de la Police Nationale qui est spécialisée dans l’art de regarder ailleurs pour la remplacer comme en Grande-Bretagne par une institution indépendante pour la déontologie de la police. Nous abrogerons cette loi, nous retirerons du droit commun les lois d’exception que vous y avez mises. Et enfin nous rétablirons le code de déontologie qu’avait imposé à la police nationale le grand ministre Pierre Joxe qui avait mis au premier rang le respect des droits de l’homme et de la République que vous en avez retiré.»

Anonyme a dit…

" [...] Dans des propos rapportés par L'Opinion, un responsable de la majorité révèle que "Darmanin est allée trop loin". Et qu'un proche du président de la République ne tranche : "Complètement con". Enfin, de son côté, un député ajoute : "Il voulait soigner son électorat et son administration mais il n'est pas le ministre des flics, il est le ministre de l'Intérieur. En agissant ainsi, il nous éloigne définitivement de nos électeurs."
(...)


https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/completement-con-gerald-darmanin-severement-tacle_458845

Anonyme a dit…

"On savait Amazon peu conciliant avec ses syndicalistes. En réalité, le groupe de Jeff Bezos les considère en haut lieu comme une menace à surveiller comme le lait sur le feu. Une fuite de documents, rapports secrets et emails confidentiels obtenus par le média américain Vice confirme l’ampleur de la surveillance exercée par le géant du e-commerce sur les activités de ses syndicats, en Europe et en France en particulier, où ils sont bien plus implantés qu'aux Etats-Unis. Ces notes montrent que la firme a utilisé de méthodes dignes de l’espionnage pour consigner les agissements de la CGT, du mouvement des Gilets Jaunes ou d’ONG comme Greenpeace.

Ces documents émanent tous du “Global Security Operations Center” d’Amazon, l’unité chargée d’assurer la sécurité du groupe, et donc d’évaluer les risques pesant sur ses entrepôts partout dans le monde. Ils ont été rédigés en 2019 et 2020 par des salariés de cette division employant notamment des anciens membres du renseignement militaire américain - des “analystes” dont le recrutement avait déjà fait scandale. Selon les révélations de Vice, ces agents répertorient notamment les dates, les lieux et le nombre de participants aux réunions syndicales, ainsi que les actions précises réalisées par les syndicats aux abords des entrepôts."
(...)

"Ceci expliquerait comment Amazon parvient à identifier précisément les salariés considérés comme déloyaux. Plusieurs employés avaient été licenciés en 2019 pour avoir posté, sur leurs profils Facebook personnels, des appels à rejoindre les blocages des entrepôts Amazon organisés dans le cadre du mouvement des Gilets Jaunes. Suite à ces renvois, les syndicats s’indignaient de cette surveillance sur les réseaux sociaux des employés concernés."
(...)



https://www.capital.fr/entreprises-marches/comment-amazon-a-espionne-la-cgt-et-les-gilets-jaunes-1386727

Anonyme a dit…

Loi Sécurité globale art. 24 : le droit républicain au service de l’arbitraire policier

Oui, l’adoption de l’article 24 de la loi “Sécurité globale” (qui vient d’être adoptée en première lecture à l’assemblée) aura un seul effet : empêcher la production de preuves de violences policières


"Si, pour satisfaire les syndicats policiers d’extrême-droite, le gouvernement défend avec une telle obstination un article de loi considéré comme parfaitement inutile – car il ne sanctionnerait rien qui ne soit déjà réprimé par les lois actuelles – ça ne peut pas être, comme il le prétend, pour créer un cadre juridique protégeant les policiers d’une menace dont ils seraient les cibles, mais plutôt pour fournir un prétexte aux policiers sur le terrain pour empêcher “légalement” la captation des images de leurs actions. En effet, là où aujourd’hui, toute intervention policière visant à empêcher de filmer est illégale, l’article 24 permettra à tout policier d’intervenir pour empêcher une personne de filmer au prétexte qu’il la soupçonne de commettre le délit de “diffuser, dans l’intention manifeste de leur nuire, les images des visages de policiers ou de tout autre élément permettant de les identifier”.
.../...

… l’article 24 tombe à point nommé

"Mais d’autre part, les policiers sont fondés à intervenir et interpeller toute personne, dès lors qu’ils la soupçonnent de commettre un délit. Et c’est là qu’apparaît tout l’intérêt de l’article 24 pour les policiers désireux de ne pas être filmés : il servira de prétexte sur mesure pour intervenir au motif de la suspicion de contrevenir à l’article 24 et pour empêcher la captation d’images gênantes. Du coup de matraque au placement en garde à vue, c’est déjà une manière arbitraire de faire payer ceux qui les filment. A terme, cette exposition renforcée à l’arbitraire policier finira par décourager tous ceux qui voudraient filmer leur action, et particulièrement les violences policières et autres abus de pouvoir. Et qu’importe si au final, personne ne sera condamné au nom de cet article 24, les violences policières auront “disparu”. Et bientôt, elles n’auront jamais existé. Avec la généralisation de la vidéosurveillance et autres dispositions liberticides de la loi “Sécurité globale”, l’état policier a un boulevard."


https://cerveauxnondisponibles.net/2020/11/24/loi-securite-globale-art-24-le-droit-republicain-au-service-de-larbitraire-policier/

Anonyme a dit…

Loi “Sécurité globale” – pistes pour l’avènement du mouvement offensif


Nous proposons ici quelques pistes pour faire du mouvement s’opposant à la loi sécurité globale, un mouvement offensif, s’inscrivant dans la durée.


"Les débats autours de la loi sécurité globale prennent fin à l’assemblée sans que nous puissions faire autre chose que de constater notre impuissance. Pourtant, le mouvement d’opposition rassemble très largement : de la ligue des droits de l’homme à Amnesty France. Des avocats aux magistrats. Des syndiqué.e.s aux gilets jaunes en passant par la jeunesse luttant depuis plusieurs mois contre le racisme d’État et les violences policières. Et évidemment les journalistes, indépendants ou non.

Mais malgré ce large rassemblement, nous devons faire un triste constat. Nous regardons passivement nos libertés s’effondrer. Pire encore, nous nous indignons et luttons pour simplement conserver le droit de filmer nos mutilations, nos arrestations, la barbarie policière quotidienne.

Alors comment faire ? Comment créer le mouvement offensif ?"
.../...

3/ Être offensif

"L’offensivité se joue dans ce que nous réclamons d’une part, mais aussi dans nos modes d’actions. Il va falloir être offensif et radical. S’attaquer à la racine du problème. Il va falloir harceler le pouvoir, assiéger ses lieux. Chaque jour. Chaque nuit. Il va falloir contourner les interdictions de manifester, les restrictions de circulation, les barrages de police, les drones et les canons à eaux. Contourner les déclarations en préfecture en déclarant partout et tout le temps (par exemple). Multiplier les canards gonflables pour s’opposer aux canons à eau, multiplier les filets anti-drones. N’oublions pas que le propre d’une dictature moderne, c’est d’offrir l’apparence d’une démocratie, y compris dans les pseudo espaces d’opposition. Et qu’il n’y a rien de pire que de donner à ce pouvoir l’occasion de prétendre qu’il laisse les mouvements d’opposition s’exprimer librement. Pour montrer le vrai visage d’un pouvoir autoritaire, il est désormais nécessaire de le pousser dans ses retranchements."


4/ S’organiser

"Nous ne pouvons nous retrouver à plusieurs dizaines de milliers, lors des appels aux manifestations, et entre temps être uniquement rythmé par les infos des médias indépendants. Le mouvement a besoin de multiplier les canaux d’information et de discussion pour pouvoir entre chaque mobilisation, s’organiser. Groupe Facebook, Chat Télégram, assemblée virtuelle, etc. Le tout accessible à tous et toutes.

Ce sont ici des pistes que nous proposons, pour que le mouvement puissent s’amplifier, s’inscrire dans la durée et gagner. Elles sont loin d’être parfaites et incritiquables mais elles nous paraissent nécessaires au vu de la tournure que prend cette mobilisation et de ses travers encore corrigeables."



https://cerveauxnondisponibles.net/2020/11/23/loi-securite-globale-pistes-pour-lavenement-du-mouvement-offensif/