Du RN aux groupuscules violents, Libé passe au crible l'extrême droite
Continuer de traquer les «brebis galeuses» au Rassemblement national, dénicher cette étrange passion des fichiers qui colle aux doigts d'Eric Ciotti, plonger dans des documents d'entreprises pour prouver que la galaxie GUD continue d'œuvrer dans l'ombre des campagnes de Le Pen et Bardella… Cette année, nous vous avons offert chaque semaine une enquête exclusive pour continuer de rappeler ce qu'est l'extrême droite : derrière les beaux sourires et les costumes bien lisses de certains de leurs élus, se cachent des individus de l'ombre, souvent violents, qui ne se privent pas de puiser dans l'argent public pour leur richesse personnelle.
Pour cette dernière newsletter de 2025, nous vous proposons de vous replonger dans nos récits qui ont marqué l'année : défilés bruns tolérés au cœur de la capitale où les néofascistes tendent le bras ; problèmes de trésorerie de Pierre-Edouard Stérin, le mécène de la radicalité ; circulation de la haine jusque dans les rayonnages des grandes enseignes culturelles… Mais aussi de prendre exemple sur celles et ceux qui, des Etats-Unis ou dans les Landes, refusent le fatalisme et choisissent de lutter.
Pour la nouvelle année qui s'annonce, marquée par les élections municipales, nous continuerons à enquêter, documenter et dévoiler les coulisses des extrêmes droites en France et dans le monde. Rendez-vous le 6 janvier et, d'ici là, bonnes lectures et bon réveillon.![]()
L'équipe de Frontal
Au meeting du 1er Mai du Rassemblement national, à Narbonne (Aude). (Photo David Richard pour Libération)
TROUPEAU
Les pseudos «brebis galeuses» : toujours, partout…
Ils n'avaient pas vu, ne savaient pas, n'avaient rien entendu. Promis. Et d'ailleurs, ces «brebis galeuses» – le terme choisi par le RN pour minimiser l'omniprésence dans ses rangs de ces cadres racistes, antisémites ou complotistes – n'étaient qu'«une dizaine de candidats investis dans des circonscriptions moins favorables» aux législatives anticipées de l'an dernier.
De bêtes – et rares – erreurs de casting ? C'est ce qu'a osé écrire Jordan Bardella dans son autobiographie parue en novembre 2024, Ce que je cherche (Fayard). On est priés de le croire. Priés, surtout, de ne pas conclure que ces bataillons forment bien une part importante de l'ossature du parti. Et donc son essence.
Car il s'agit bien de bataillons. En juin, un an après la dissolution de l'Assemblée, Libé s'est penché sur le devenir des près de 120 candidats RN dont nous avions notamment révélé les coupables propos et qui ont largement contribué à faire capoter la marche sur Matignon du parti. Ô surprise, selon nos recherches, près de 90 de ces «brebis galeuses» étaient toujours membres du Rassemblement national, dont une trentaine de parlementaires (députés ou eurodéputés) et une quinzaine d'élus au niveau municipal, départemental ou régional. D'où cette question : mais où le RN va trouver toute l'énergie pour dénicher un tapis assez grand et cacher toute cette poussière ?
Eric Ciotti à l'Assemblée nationale, le 17 décembre 2024. (Photo Denis Allard pour Libération)
PASSION TRISTE
Les fichiers secrets d'Eric Ciotti intéressent la justice
Eric Ciotti n'aurait pas seulement bichonné ses précieux fichiers militants : il aurait aussi compilé, dans des tableurs, des informations hautement sensibles sur des centaines de Niçois influents. Un lanceur d'alerte a saisi la justice pour «fichage illégal» et la Cnil a été alertée. Perquisitions, enquête préliminaire : la machine judiciaire est en marche. Les documents, que Libé a consultés, ressemblent à un carnet mondain… mais avec mentions de religion, d'origine, de handicap, de situation financière.
Des cases froides et intrusives, manière d'affiner les «techniques d'approche» politiques, segmenter les publics, savoir à qui parler religion, sport ou pétanque. Un petit cercle de collaborateurs aurait accès à ces listings, tandis que Ciotti est resté muet face à nos questions. Au milieu des lignes, un mot revient : «Estrosi ?» comme une obsession d'ennemi à conquérir. A l'approche des élections municipales, le patron de l'UDR, déjà visé dans une autre affaire, traîne donc une casserole de plus : celle d'un fichage politique aux relents nauséabonds.
Frédéric Chatillon continuerait de toucher de l'argent public grâce au parti de Marine Le Pen. (Photomontage Libération et Denis Allard)
AMIS CHERS
La GUD connexion toujours dans l'orbite des campagnes du RN
Marine Le Pen et Jordan Bardella jurent qu'il a coupé les ponts avec Frédéric Chatillon, ancien chef du GUD et vieille ombre brune du parti. La réalité dit l'inverse. Malgré scandales, condamnations et serments solennels, l'homme aux accointances nazies continue d'apparaître derrière les campagnes du parti lepéniste. De nouveaux documents révélés par Libé suggèrent son implication dans la présidentielle et les législatives de 2022, contrairement aux dénégations du président du RN. Une société visée par une information judiciaire est en réalité contrôlée par le gudard. Et l'argent circule : la holding italienne de Chatillon, baptisée Awen, a encaissé plus de 700 000 euros en 2023 après l'arrivée de remboursements publics liés aux campagnes.
Derrière un enchevêtrement d'entreprises écrans et prête-noms, Chatillon continuerait donc de profiter de la manne électorale financée par l'Etat, pendant que le RN jure n'être au courant de rien. Perquisitions, imprimeurs suspects, sous-traitances opaques, remboursements publics invisibles dans les comptes : la justice creuse. Une seule certitude demeure : le parti lepéniste a beau promettre le grand ménage, certaines vieilles habitudes ont la vie dure.
Dans la cour du 4 rue des Chartreux, après la manifestation néofasciste du collectif C9M dans les rues de Paris, le 10 mai 2025. (Libération)
DANS LA RUE
Saluts nazis, symboles SS : les images exclusives au cœur de la cérémonie néofasciste du C9M
Libé a pu mettre la main sur des vidéos montrant l'envers du décor du Comité du 9 Mai, le défilé d'extrême droite organisé chaque année à Paris début mai. Une marche prétextant un hommage à un militant nationaliste mort en 1994 en marge d'une manifestation contre «l'impérialisme américain», à la veille des commémorations du cinquantenaire du débarquement allié… Entre les drapeaux noirs à croix celtique néofascistes, les cagoules et, cette année, des tambours ressemblant furieusement à ceux des Jeunesses hitlériennes, le spectacle est déjà particulièrement nauséabond. Ce qui n'empêche que le défilé est pourtant autorisé, notamment car la justice finit par casser les arrêtés préfectoraux d'interdiction, estimant qu'il n'y a pas de risques de troubles à l'ordre public. Résultat, plutôt qu'une commémoration, la date orchestrée par la jeune génération du GUD (dont le fils d'un membre éminent de la GUD connexion en affaires avec le RN) est devenue une démonstration de force pour les nervis de toute l'Europe. Cette année, ils étaient près d'un millier à marcher dans les rues de la capitale, escortés par des forces de l'ordre surtout occupées à charger les contre-manifestants antifascistes venus dire leur indignation.
Mais ce qui se passe derrière le rideau est pire encore. Replongez en vidéo dans les coulisses interdites du plus grand défilé d'extrême droite en France grâce à nos images exclusives.
Dans le Landerneau extrême droitier, la réputation de Pierre-Edouard Stérin, d'abord perçu comme la poule aux œufs d'or, est en train de se ternir. (Photo Roberto Frankenberg pour Libération)
FAUCHÉ
Pierre-Edouard Stérin, une pompe à fric en panne
Derrière les sourires polis à Radio Courtoisie, la radio d'extrême droite modernisée à grands frais, flotte un parfum d'amertume : l'argent promis par Périclès, l'écosystème politico-business imaginé par le milliardaire exilé Pierre-Edouard Stérin pour irriguer la droite radicale, n'est jamais arrivé. Et ce n'est pas un cas isolé : dans tout le petit monde réactionnaire, les financements se raréfient, tombent en retard ou s'arrêtent brutalement. Officiellement, Périclès invoque des «objectifs non atteints».
En réalité, c'est le robinet d'Otium Capital, la machine financière de Stérin, qui se grippe. Deux ventes ratées, une trésorerie tendue, une dette lourde : l'empire tourne à vide et brade ses bijoux de famille pendant que l'ambiance interne vire à l'aigre. Le départ annoncé du DG François Durvye, très occupé à préparer l'avenir politique de Marine Le Pen, a achevé de brouiller le tableau : quand l'agenda d'un fonds d'investissement commence à épouser celui d'une campagne présidentielle, c'est rarement bon signe. D'autant que la structure financière même de Stérin, où les pertes remontent jusqu'à sa holding personnelle, fait frémir les professionnels. Pari ultralibéral ou suicide économique ? Beaucoup, dans la finance, parient sur la ruine annoncée. Et avec elle, l'effondrement du grand projet Périclès.
Sur Amazon, le manifeste du terroriste d'extrême droite norvégien Anders Breivik, responsable des attentats d'Oslo et d'Utøya en 2011, est en rupture de stock. (Photo Riccardo Milani. Hans Lucas. AFP)
EN LIGNE
La haine en vente libre chez les grandes enseignes culturelles
Là, un pamphlet antisémite. Ici, un livre suprémaciste interdit dont les autorités françaises soulignent qu'il «est de nature à causer des troubles à l'ordre public en raison de l'apologie du racisme, de l'antisémitisme et du recours à la violence». Un peu partout, le pire de la haine en vente libre. Cette description n'est pas celle de l'arrière-boutique d'une librairie d'extrême droite fétide, mais celle des sites des plus grandes enseignes culturelles et des plus gros distributeurs de livres en France. Des plateformes où Libé a trouvé de tout, et surtout le pire.
Après l'envoi de nos questions, les entreprises concernées ont fait le ménage dans leur catalogue pour en supprimer notamment les occurrences interdites. Tout en conservant certains ouvrages ouvertement haineux, ce que certaines assument. De son côté, également contacté, le ministère de l'Intérieur a annoncé saisir la justice.
L'historien Mark Bray à Paris, le 13 novembre 2025. (Photo Laura Stevens.Modds pour Libération)
ANTIFASCISME
Rencontre avec l'historien Mark Bray, antifa public numéro 1
C'est l'histoire d'un historien américain sans histoires qui devient, à 43 ans, le personnage principal d'un thriller politique. Jeté à la vindicte populaire par des influenceurs d'extrême droite aux millions d'abonnés, le professeur d'université Mark Bray a fui les Etats-Unis début octobre avec sa femme et leurs deux enfants pour des raisons de sécurité.
Son crime ? Avoir publié en 2017 le livre l'Antifascisme. Son passé, son présent et son avenir (Lux Editeur). Un manuel de résistance qui lui vaut, depuis que Trump a officiellement érigé l'antifascisme au rang de mouvement terroriste, d'être menacé de mort. Libé a pu rencontrer le quadragénaire, qui ne compte pas jeter l'éponge.
Thomas Huchon, journaliste spécialiste des fake news, était invité lors de la réunion du Front républicain en ruralité le 14 novembre à Pontonx-sur-l'Adour (Landes). (Photo Claire Jaillard pour Libération)
RÉSISTANCES
Dans les Landes, un collectif citoyen contre la montée de l'extrême droite
C'est un petit collectif local comme il s'en monte un peu partout en France depuis l'électrochoc des élections européennes remportées par le RN, puis la sensation d'avoir échappé au pire lors des législatives anticipées de 2024. Des élections perdues par un RN à qui la victoire était pourtant promise grâce à un sursaut de la société civile. Mais qu'il s'en est fallu de peu… Alors, dans les Landes comme ailleurs, on se mobilise pour ne pas «rester assis à rien faire» face au mur qui viendrait.
Lancé en début d'année, le Front républicain en ruralité s'engage contre la montée de l'extrême droite et son carburant, l'isolement des communes rurales. Agriculteurs, artisans, sportifs, étudiants, retraités, encartés, non encartés… La benjamine a 17 ans, la doyenne frôle les 80 ans. La plupart ne s'étaient jamais croisés avant. «Ce qui fait notre force, c'est la diversité des profils. Si c'est pour refaire de l'entre-soi, aucun intérêt. On a déjà les réseaux sociaux, ça suffit», dit Didier Kahn, son président, un septuagénaire encarté au PS et très mobilisé dans le monde associatif. Libé a suivi ces citoyens qui s'engagent.
Une newsletter hebdomadaire réalisée par le service politique de Libération
Frontal #123 par Dominique Albertini, Charlotte Belaïch, Maxime Macé, Nicolas Massol et Pierre Plottu, avec Eva Fonteneau, Mathilde Frénois, Laurent Léger et Adrien Naselli.
Albert Einstein a dit : le monde est dangereux à vivre, Non pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire
mardi 30 décembre 2025
Fwd: Nos enquêtes Frontal de l'année 2025 : brebis galeuses du RN, fichiers secrets de Ciotti, Stérin en panne...
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