Les espoirs suscités par la fusion nucléaire nous éloigneront-ils des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique ?
"Tout à fait. La communauté scientifique génère, par sa communication, des illusions technologiques sur lesquelles une partie de la communauté politique s’appuie pour éviter toute remise en cause du modèle productiviste et consumériste. Ça nourrit un technosolutionnisme délirant.
On peut redouter que ce genre d’effet d’annonce mobilise encore plus de capitaux publics et privés. Ces dernières années, on a vu fleurir les start-up dans ce domaine. Les capitaux mobilisés sur cette technologie de fusion inertielle par laser viennent s’ajouter à ceux déjà engloutis par la fusion par confinement magnétique, qui est le processus développé par le prototype de réacteur de fusion nucléaire Iter. On parle de dizaines et dizaines de milliards d’euros engloutis, avec une forme de complaisance des médias. Tout cela se fait peut-être au profit de la science fondamentale — sous cet angle, ces avancées sont significatives —, mais aux dépens des priorités d’action que l’on connaît, qui sont elles déjà disponibles, et non des fantasmes envisageables dans des décennies ou des siècles : la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables.
Soit ces politiques de lutte contre le changement climatique prennent une ampleur nouvelle, auquel cas la fusion ne sera plus nécessaire. Soit on ne prend pas ce chemin, et les tensions, les crises et les déstabilisations auxquelles le monde s’expose rendront à la fois l’objectif de déploiement de la fusion relativement inutile et le chemin pour y parvenir impossible. Une société qui maintiendrait dans la durée une capacité aussi importante d’effort scientifique pour faire aboutir à l’horizon d’un demi-siècle une solution de ce type, c’est une société apaisée, collaborative, d’abondance. C’est précisément ce que ne nous offre pas l’avenir si on s’obstine dans ce genre de chimère."
2 commentaires:
https://www.liberation.fr/checknews/fusion-nucleaire-une-prouesse-sans-promesses-20221213_IMF6FYVVCZHIBGO46CM2CGZ3MU/
Les espoirs suscités par la fusion nucléaire nous éloigneront-ils des mesures concrètes pour lutter contre le changement climatique ?
"Tout à fait. La communauté scientifique génère, par sa communication, des illusions technologiques sur lesquelles une partie de la communauté politique s’appuie pour éviter toute remise en cause du modèle productiviste et consumériste. Ça nourrit un technosolutionnisme délirant.
On peut redouter que ce genre d’effet d’annonce mobilise encore plus de capitaux publics et privés. Ces dernières années, on a vu fleurir les start-up dans ce domaine. Les capitaux mobilisés sur cette technologie de fusion inertielle par laser viennent s’ajouter à ceux déjà engloutis par la fusion par confinement magnétique, qui est le processus développé par le prototype de réacteur de fusion nucléaire Iter. On parle de dizaines et dizaines de milliards d’euros engloutis, avec une forme de complaisance des médias. Tout cela se fait peut-être au profit de la science fondamentale — sous cet angle, ces avancées sont significatives —, mais aux dépens des priorités d’action que l’on connaît, qui sont elles déjà disponibles, et non des fantasmes envisageables dans des décennies ou des siècles : la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables.
Soit ces politiques de lutte contre le changement climatique prennent une ampleur nouvelle, auquel cas la fusion ne sera plus nécessaire. Soit on ne prend pas ce chemin, et les tensions, les crises et les déstabilisations auxquelles le monde s’expose rendront à la fois l’objectif de déploiement de la fusion relativement inutile et le chemin pour y parvenir impossible. Une société qui maintiendrait dans la durée une capacité aussi importante d’effort scientifique pour faire aboutir à l’horizon d’un demi-siècle une solution de ce type, c’est une société apaisée, collaborative, d’abondance. C’est précisément ce que ne nous offre pas l’avenir si on s’obstine dans ce genre de chimère."
https://reporterre.net/Fusion-nucleaire-C-est-hors-sujet-face-a-la-crise-climatique
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