[Adnane N, 20 ans. Il a été éborgné par un tir de LBD en février 2020 à Brunoy dans l'Essonne. Portrait à l'endroit où c'est arrivé. Brunoy, le 31 mars 2021]
Le policier qui a tiré avec son LBD sur Adnane Nassih, soutenant qu'il avait fait que se défendre, est le reflet du sentiment d'impunité qui règne dans l'institution.
"Ce n'est pas une bavure, mot qui laisserait supposer une erreur, un manquement à la norme. C'est une scène d'une violence inouïe mais presque ordinaire en France. Le jeune homme avance d'un pas calme sur la place. Il a 19 ans. Il ne le sait pas encore mais il va se trouver sur le chemin d'un policier d'une brigade anticriminalité (BAC), Yann T., très fier de son LBD, le fameux lanceur de balles de défense qui n'est toujours pas interdit en France malgré de multiples recours. Il est 23h17 et nous sommes à Brunoy, dans l'Essonne, mais les images pourraient venir de n'importe quel quartier réputé difficile.
Le jeune homme s'appelle Adnane Nassih et dans quelques instants il va être mutilé à vie, son pronostic vital engagé lors de sera hospitalisé en service de neurochirurgie et opéré en urgence. «Quand j'entends le mot« violences policières », moi personnellement, je m'étouffe», avait déclaré l'été dernier le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Mais maintenant c'est plutôt Adnane Nassih qui étouffe: plusieurs os de son visage sont fracturés, une brèche menace son cerveau où de l'air s'est infiltré. Son œil droit, éclaté, est énucléé. Interrogé par l'IGPN, Le policier Yann T. va immédiatement plaider la légitime défense: «Je l'ai soudain vu faire un mouvement brusque et étrange au niveau de sa poitrine, puis il a violemment lancé dans ma direction un objet.»On connaît tout cela, on sait d'avance que la version du policier va être préférée .
La vidéo des caméras de surveillance obtenue par Libération, et modélisée en 3D pour une meilleure analyse, raconte mais l'inverse: le face-à-face est très bref. On voit le policier avec son LBD déjà en position de tir quand il va vers Adnane Nassih, qui prend peur et fait demi-tour, courant pour sa vie dans la direction opposée. Après trois foulées, l'agent de la BAC fait feu une fois dans sa mise en scène. Le policier vient de lui tirer dessus à 7,29 mètres de distance, selon la mesure faite dans le modèle 3D que nous avons réalisé avec l'agence indépendante Index. Encore une brebis galeuse? Ce troupeau va décider bien mal . Le 21 janvier, Libération révélait des données internes de la police qui dressent un panorama accablantdes mesures disciplinaires prises entre 2009 et 2018. En dix ans, celles réprimant les violences ont été divisées par près de trois. Libération publie aussi les conversations des collègues de Yann T., enregistrées à leur insu, et elles révèlent le climat d'impunité qui régnait au commissariat. Pas une bavure, non. Une violence si ordinaire qu’elle en devient institutionnelle. Darmanin devrait en réalité s'étouffer de honte."
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Encore une brebis galeuse, monsieur Darmanin?
[Adnane N, 20 ans. Il a été éborgné par un tir de LBD en février 2020 à Brunoy dans l'Essonne. Portrait à l'endroit où c'est arrivé. Brunoy, le 31 mars 2021]
Le policier qui a tiré avec son LBD sur Adnane Nassih, soutenant qu'il avait fait que se défendre, est le reflet du sentiment d'impunité qui règne dans l'institution.
"Ce n'est pas une bavure, mot qui laisserait supposer une erreur, un manquement à la norme. C'est une scène d'une violence inouïe mais presque ordinaire en France. Le jeune homme avance d'un pas calme sur la place. Il a 19 ans. Il ne le sait pas encore mais il va se trouver sur le chemin d'un policier d'une brigade anticriminalité (BAC), Yann T., très fier de son LBD, le fameux lanceur de balles de défense qui n'est toujours pas interdit en France malgré de multiples recours. Il est 23h17 et nous sommes à Brunoy, dans l'Essonne, mais les images pourraient venir de n'importe quel quartier réputé difficile.
Le jeune homme s'appelle Adnane Nassih et dans quelques instants il va être mutilé à vie, son pronostic vital engagé lors de sera hospitalisé en service de neurochirurgie et opéré en urgence. «Quand j'entends le mot« violences policières », moi personnellement, je m'étouffe», avait déclaré l'été dernier le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Mais maintenant c'est plutôt Adnane Nassih qui étouffe: plusieurs os de son visage sont fracturés, une brèche menace son cerveau où de l'air s'est infiltré. Son œil droit, éclaté, est énucléé. Interrogé par l'IGPN, Le policier Yann T. va immédiatement plaider la légitime défense: «Je l'ai soudain vu faire un mouvement brusque et étrange au niveau de sa poitrine, puis il a violemment lancé dans ma direction un objet.»On connaît tout cela, on sait d'avance que la version du policier va être préférée .
La vidéo des caméras de surveillance obtenue par Libération, et modélisée en 3D pour une meilleure analyse, raconte mais l'inverse: le face-à-face est très bref. On voit le policier avec son LBD déjà en position de tir quand il va vers Adnane Nassih, qui prend peur et fait demi-tour, courant pour sa vie dans la direction opposée. Après trois foulées, l'agent de la BAC fait feu une fois dans sa mise en scène. Le policier vient de lui tirer dessus à 7,29 mètres de distance, selon la mesure faite dans le modèle 3D que nous avons réalisé avec l'agence indépendante Index. Encore une brebis galeuse? Ce troupeau va décider bien mal . Le 21 janvier, Libération révélait des données internes de la police qui dressent un panorama accablantdes mesures disciplinaires prises entre 2009 et 2018. En dix ans, celles réprimant les violences ont été divisées par près de trois. Libération publie aussi les conversations des collègues de Yann T., enregistrées à leur insu, et elles révèlent le climat d'impunité qui régnait au commissariat. Pas une bavure, non. Une violence si ordinaire qu’elle en devient institutionnelle. Darmanin devrait en réalité s'étouffer de honte."
https://www.liberation.fr/societe/police-justice/encore-une-brebis-galeuse-monsieur-darmanin-20210504_EDEABMFO55EBTENCTY5N6U465A/
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