A l'époque où le bien être du monde animal est à l' honneur
on fustige le bien être des hommes
Et plus encore ! On les met en cage !
1 commentaire:
Anonyme
a dit…
Lettre à Jérôme, mon frère, paysan tué par un gendarme
« Quels crimes avais-tu commis pour justifier le recours à des hommes armés pour de simples contrôles administratifs ? »
En 2017, l’éleveur Jérôme Laronze était abattu par un gendarme. À l’occasion de ce qui aurait du être son quarantième anniversaire, sa sœur Marie-Pierre rappelle ses combats, l’engrenage infernal ayant conduit à son homicide, le poids des normes.
"Ce 13 novembre 2020, nous devions fêter tes 40 ans, une quasi-moitié de parcours de vie. Pas pour tous, pas pour toi. La tienne a pris fin brutalement, violemment, un 20 mai 2017.
Te souviens-tu ? C’était à la fin d’une belle journée de printemps, à la croisée de deux chemins de terre, à l’ombre de vieux chênes sous l’abri desquels tu étais venu chercher un peu de répit et de fraicheur. Six tirs de Sig-Sauer [des pistolets automatiques] t’ont quasiment arraché à ton sommeil, six tirs si rapides que ta vieille Toyota n’a pu te tirer d’affaire et s’est écrasée contre un arbre. C’est là que ton regard lentement s’est éteint, que ton souffle s’est tari à mesure que ton sang noircissait sièges et tapis de la voiture.
Vingt-cinq minutes qu’ils t’ont laissé, seul, agonisant, à fixer, entre deux spasmes, les vertes prairies environnantes. Vingt-cinq minutes pendant lesquelles les porteurs des Sig-Sauer ont failli à tous leurs devoirs et perdu leur humanité. Vingt-cinq minutes à réfléchir à comment expliquer à leurs chefsles tirs de côté et de l’arrière du véhicule pour protéger leur carrière plutôt que la vie d’un homme.
Neuf jours qu’ils avaient déjà passé à te chercher, à espionner ta ferme, tes appels, tes relevés de compte, tes fréquentations, comptant sur quelques maudits délateurs pour signaler ta présence éventuelle sur tes terres. Il faut dire que la souris était futée et les chats peu agiles.
Un fugitif, ils avaient fait de toi un fugitif, obligé de laisser son bétail et ses terres pour échapper à cette meute de fonctionnaires venue, ce 11 mai 2017, t’arracher, ordonnances et mitraillettes en mains, tes vaches et ta dignité. Ceux des services vétérinaires de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ont dit que tu étais un mauvais paysan, qu’ils devaient te retirer tes animaux, que ça suffisait cette contestation de la traçabilité, des normes et de la bureaucratie. Que c’était pas de bon cœur, mais qu’ils devaient mettre fin à ce mouvement de rébellion sur ta ferme. Tes animaux devaient être déclarés, tous, sous sept jours, et soumis aux contrôles de prophylaxie. Une épidémie est si vite arrivée!
Les gendarmes s’en sont mêlés, venus nombreux, et bien plus que nécessaire, prêter main forte aux contrôleurs. Il y avait ceux du coin et ceux de Mâcon, un bataillon d’hommes, en noir, armés, sur ta ferme. Une débauche de moyens pour te faire plier. Et puis, sans trop comprendre comment et pourquoi, une blouse blanche a décidé, dans le calme feutré d’un cabinet de ville, à bonne distance de l’agitation de ta ferme et de la comédie qui s’y donnait, qu’il fallait t’hospitaliser de gré ou de force. Comme si l’effacement de ta ferme ne pouvait suffire à nourrir leur rage, il leur fallait te bâillonner, que ta parole ne soit plus audible, à jamais. Trop, c’en était trop !" .../...
Que valait la parole d’un paysan contre celle d’un agent assermenté ?
"Un paysan abattu, c’est pas comme un paysan suicidé, c’est pas le prix du désespoir mais celui de la révolte. Il faudrait pas que cette affaire soit prétexte à une émeute ou une jacquerie. Les réseaux se sont vite activés à tel point que le ministre de l’Agriculture de l’époque a été avertie de ton décès bien avant ta famille. Ceux de la préfecture, de la gendarmerie et du parquet se sont concertés deux bonnes heures avant de juger opportun de nous informer. Triste monde où le contrôle de l’information l’emporte sur le respect des morts et de leur famille." .../...
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Lettre à Jérôme, mon frère, paysan tué par un gendarme
« Quels crimes avais-tu commis pour justifier le recours à des hommes armés pour de simples contrôles administratifs ? »
En 2017, l’éleveur Jérôme Laronze était abattu par un gendarme. À l’occasion de ce qui aurait du être son quarantième anniversaire, sa sœur Marie-Pierre rappelle ses combats, l’engrenage infernal ayant conduit à son homicide, le poids des normes.
"Ce 13 novembre 2020, nous devions fêter tes 40 ans, une quasi-moitié de parcours de vie. Pas pour tous, pas pour toi. La tienne a pris fin brutalement, violemment, un 20 mai 2017.
Te souviens-tu ? C’était à la fin d’une belle journée de printemps, à la croisée de deux chemins de terre, à l’ombre de vieux chênes sous l’abri desquels tu étais venu chercher un peu de répit et de fraicheur. Six tirs de Sig-Sauer [des pistolets automatiques] t’ont quasiment arraché à ton sommeil, six tirs si rapides que ta vieille Toyota n’a pu te tirer d’affaire et s’est écrasée contre un arbre. C’est là que ton regard lentement s’est éteint, que ton souffle s’est tari à mesure que ton sang noircissait sièges et tapis de la voiture.
Vingt-cinq minutes qu’ils t’ont laissé, seul, agonisant, à fixer, entre deux spasmes, les vertes prairies environnantes. Vingt-cinq minutes pendant lesquelles les porteurs des Sig-Sauer ont failli à tous leurs devoirs et perdu leur humanité. Vingt-cinq minutes à réfléchir à comment expliquer à leurs chefsles tirs de côté et de l’arrière du véhicule pour protéger leur carrière plutôt que la vie d’un homme.
Neuf jours qu’ils avaient déjà passé à te chercher, à espionner ta ferme, tes appels, tes relevés de compte, tes fréquentations, comptant sur quelques maudits délateurs pour signaler ta présence éventuelle sur tes terres. Il faut dire que la souris était futée et les chats peu agiles.
Un fugitif, ils avaient fait de toi un fugitif, obligé de laisser son bétail et ses terres pour échapper à cette meute de fonctionnaires venue, ce 11 mai 2017, t’arracher, ordonnances et mitraillettes en mains, tes vaches et ta dignité. Ceux des services vétérinaires de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) ont dit que tu étais un mauvais paysan, qu’ils devaient te retirer tes animaux, que ça suffisait cette contestation de la traçabilité, des normes et de la bureaucratie. Que c’était pas de bon cœur, mais qu’ils devaient mettre fin à ce mouvement de rébellion sur ta ferme. Tes animaux devaient être déclarés, tous, sous sept jours, et soumis aux contrôles de prophylaxie. Une épidémie est si vite arrivée!
Les gendarmes s’en sont mêlés, venus nombreux, et bien plus que nécessaire, prêter main forte aux contrôleurs. Il y avait ceux du coin et ceux de Mâcon, un bataillon d’hommes, en noir, armés, sur ta ferme. Une débauche de moyens pour te faire plier. Et puis, sans trop comprendre comment et pourquoi, une blouse blanche a décidé, dans le calme feutré d’un cabinet de ville, à bonne distance de l’agitation de ta ferme et de la comédie qui s’y donnait, qu’il fallait t’hospitaliser de gré ou de force. Comme si l’effacement de ta ferme ne pouvait suffire à nourrir leur rage, il leur fallait te bâillonner, que ta parole ne soit plus audible, à jamais. Trop, c’en était trop !"
.../...
Que valait la parole d’un paysan contre celle d’un agent assermenté ?
"Un paysan abattu, c’est pas comme un paysan suicidé, c’est pas le prix du désespoir mais celui de la révolte. Il faudrait pas que cette affaire soit prétexte à une émeute ou une jacquerie. Les réseaux se sont vite activés à tel point que le ministre de l’Agriculture de l’époque a été avertie de ton décès bien avant ta famille. Ceux de la préfecture, de la gendarmerie et du parquet se sont concertés deux bonnes heures avant de juger opportun de nous informer. Triste monde où le contrôle de l’information l’emporte sur le respect des morts et de leur famille."
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