Louis julian
vigneron à Ribaute les Tavernes Mr Olivier Gaillard Député
le 02,12,2019
Bonjour ,
voici ma réponse à votre appel au monde agricole sous ref : OG/GR/20191113
Je me présente : j'ai 68 ans ,retraité depuis un an (mes deux fils ont repris la suite) je reste actif dans ce métier qui m'a toujours passionné . Je me suis mis en agriculture biologique il y a exactement 40 ans pour diverses raisons ,dont une a un lien avec votre démarche .Tout jeune quand j'aidais mes parents j'avais pu voir le mauvais état de nos sols viticoles ,surtout en coteaux ,lié à une trop grande quantité de façons culturales sans apport suffisant de matière organique ,ce qui provoquait une érosion importante . C'est bien sur après que j'ai fait le lien de cause à effet .Si je voulais être la 17em générations de paysans sur ces terres il me fallait changer de méthode culturale , ce que j'ai fait en m'installant avec mon père .J'avais tout à apprendre et inventer car il n'y avait pas beaucoup de modèles ; au bout de 40ans d'efforts , de recherches et parfois de doutes ,je peux affirmer que mes sols sont capables d'absorber plus de 200mm en 24h en fin d'été au moment des épisodes de fortes pluies chez nous . Ce n'est pas rien ,car en faisant quelques calculs on peut voir très vite l'incidence sur le devenir de l'eau une fois arrivée au sol : Sur l'équivalent surface du vignoble gardois (80000ha) situé dans la zone qui a reçu 600mm en 2002, cela fait un tiers du volume d'eau qui n'aurait pas ruisselé ,soit 160millions de mètres cubes (à comparer avec les 60 millions que peuvent stocker les 5 barrages gardois) cela représente aussi 5h de crue à 6000mètres cubes par seconde au pont du Gard,,
Les ingénieurs Patrice Foin et Philippe Huet venus en mission après cet épisode ont noté sur leur rapport que des sols cultivés organiquement pouvaient diminuer la gravité des inondations après avoir visité mes vignes et après avoir vu ma démonstration sur la différence d'infiltration selon l'état du complexe argilo humique (une vidéo montrant cela est sur le site du Smage des Gardons , sur le site de l'agriculture de conservation et on la trouve sur youtube en cherchant « Agriculture et bio le paradoxe ,sommes nous en voie de disparition ? »
Membre de la CLE des Gardons en tant que représentant de Nature et Progrès Gard , j'y ai présenté une animation sur la vie des sols conçu par cette association : Dans le PGRE il est inscrit que la culture organique (et pas simplement biologique ,car il y aurait à dire) peut permettre une meilleure infiltration de l'eau de pluie et donc limite l'érosion , les sécheresses et les conséquences des inondations.
Il reste à aider les agriculteurs a faire cette transition vers une agriculture vertueuse sur bien des plans , mais beaucoup sont allé trop loin dans l'utilisation de la chimie et l'intensification , en plus la PAC et la fiscalité agricole ont poussé à la capitalisation et l'agrandissement .
Le nombre d'agriculteurs est trop faible ,la santé financière des fermes trop fragile pour un changement rapide et efficace .
Le rapport que France stratégie a rendu au premier ministre le 23 octobre dernier a généré en moi un immense espoir car c'est la solution qu'avec la confédération paysanne nous ne cessons de réclamer en vain depuis longtemps : il est temps de changer et de rendre aux 80 % de paysans qui ne perçoivent que 20 % des aides Pac leur du .
L'application de cette préconisation ,sans incidence sur le budget Pac ,aurait un effet immédiat sur l'emploi et le soutient aux petites structures .
Je vous montre l'exemple du GAEC de mes fils : actuellement ils n'ont aucune primes Pac , avec l'option France Stratégie ils auraient 2fois 8000€ce qui leur permettrait d'embaucher un salarié et donc d'avoir 8000 de plus qui payerait de l'emploi saisonnier .
J'évalue à 400000 emplois minimum et immédiat l'impact de cette mesure et ces bras ne seraient pas de trop pour assurer la transition (jusque là on est dans l'incantation : le plan ecophyto prévu pour réduire de moitié l'utilisation des pesticides de 50 % s'est soldé par une augmentation de 20 % et il ne peut en être autrement sans changement radical)
J'ai présidé plusieurs années l'ADDEARG ,association d'aide à l'installation progressive d'agriculteurs hors cadre familial très souvent , sans beaucoup de moyens et généralement en galère pour trouver du foncier .
Le constat est dur humainement car beaucoup s'épuisent et cessent leur activité alors qu'elle correspond à une demande sociétale en recherche de produits sains , locaux avec un impact environnemental positif et revitalisante pour des milieux ruraux en déshérence . Les 8000€ seraient pour eux une bouffée d'oxygène fantastique .
J'ai commencé par cet aspect des choses parce que construire des barrages creuser des retenues , chercher de l'eau en profondeur ou la faire venir du Rhône vers les Cévennes n'a de sens que si la terre a toute sa capacité à la recevoir : j'ai des voisins viticulteurs qui arrosent au goutte à goutte , leurs sols sont si privés de vie et si compactés que l'eau ne rentre pas et ruisselle ce qui est un comble pour ce type d'arrosage , pour toute solutions les techniciens chambre d'agriculture préconisent de mettre en eau 10mn tous les jours , ce qui a pour effet pervers de créer une bulle d'eau en surface qui oblige la vigne a inverser sa physiologie en remontant des racines vers cette bulle , la coupant de son lien avec la minéralité du sous sol , fondement du terroir et justification d'une appellation d'origine.
Je suis quand même conscient du changement climatique (entre mes débuts dans ce métier et aujourd'hui on a avancé de 15 jours la date des vendanges à cépage égal) qui a pour conséquences d'évaporer plus d'eau , de durcir les sécheresses de fin d'été et donc de bloquer la vigne qui fait du sucre par concentration et a du mal à mûrir correctement ses polyphénols ,ce qui donne des vins moins bons .
Nous avons crée un petit réseau d'irrigation sur une partie des vignes et le résultat est net : le gain en qualité ,si on ne cherche pas la quantité ,est évident .
Il pleut encore assez dans notre région et surtout à une période où la végétation n'en n'a pas autant besoin . En retenir une partie dans des petites retenues partout où c'est possible n'est pas un contre sens , j'ai identifié plusieurs endroits et projette de faire ces travaux qui pourrait faire tampon avec le Gardon surtout sur les premiers épisodes violents .
Ces petits ouvrages ont l'inconvénient de subir de plein fouet les effets de l'évaporation , chose que l'on n'aurait pas si on remobilisait un réservoir potentiel ,invisible ,oublié mais qui est toujours là et d'une grande capacité : je veux parler de la nappe accompagnatrice des gardons et autres cours d'eaux .
Vivant au confluent des Gardons d'Anduze et Alès , j'ai une bonne vision des choses .
Mes père et Grand père ont géré le syndicat de défense des rives du Gardon jusqu'à sa transformation et intégration dans une gestion plus globale , je dispose d'archives et d'un historique riche ( ce n'est pas tout à fait par hasard si je suis à la CLE)
J'ai vécu cette période d'extraction intense des graviers et sables du lit de ces cours d'eaux qui ont certes permis de cultiver la plaine alluviale en abaissant la fréquence des crues mais ont considérablement fait chuter le niveau de la nappe phréatique .
Les gardons qui autre fois faisaient varier l'emplacement de leurs lits se sont vu petit à petit canalisés par des enrochements des ponts et des seuils , ce qui sécurise les ouvrages et les terres cultivables mais qui a un inconvénient que peu perçoivent : l'enfoncement du lit , car la roche marneuse argilo calcaire sur laquelle court le Gardon est beaucoup plus tendre que les galets de quartz venus des Cévennes qui roulent dessus en l'érodant .
Cet enfoncement accélère la vidange de la nappe accompagnatrice et l'assèche par endroit.
J'ai fait plusieurs remarques et propositions au directeur du Smage : construire de petits seuils de fond de 50 cm de hauteur à la demande suivant le profil et la pente du fond de lit , les remplir en amont avec des granulats qui se trouvent en dehors du lit dans d'anciennes courbes brusquement abandonnées à l'époque où le gardon vagabondait à chaque crues , les entreprises qui extrayaient le graviers en ont récupéré pas mal ,contrevenant à la règle qui leur était fixée (ces trous provoquaient un appel et pouvaient dangereusement dévier le lit )
Il en reste encore assez pour ce qui aurait à faire pour restaurer un peu la nappe
Ces graviers remis dans le lit filtreraient et refroidiraient l'eau , et leur emplacement d'origine servirait de vase d'expansion pendant les crues et en recevant des limons reconstituerait une ripisylve plus riche que celle qui pousse sur ces graviers quasi stériles .
En plus cette masse de graviers en se déplaçant sous la poussée de l'eau absorberait de l'énergie cinétique tout en freinant sa vitesse .
Merci de m'avoir lu , en espérant que cela vous sera utile . Je suis à votre dispositions pour développer, si vous voulez .
Amicalement ,
louis julian 30 allée des tilleuls Ribaute les tavernes
0466830654 (hr) 0783979417
louis.julian@free.fr
2 commentaires:
Mille bravos Mr Julian pour votre démonstration! Votre implication, vos recherches, vos expériences, méritent un grand coup de chapeau! Serez-vous entendu? Rien n'est moins sûr, car aujourd'hui, malheureusement, seul le profit éveille l'intérêt des fossoyeurs de tous poils de notre planète, qui prétendent œuvrer pour sa sauvegarde !!!
Pour 3.600 scientifiques, la politique agricole européenne est « la cause centrale » de l’effondrement de la biodiversité
"Plus de 3.600 scientifiques originaires de 63 pays affirment que la Politique Agricole Commune (PAC) actuelle est « la cause centrale » de l’effondrement de la biodiversité et de l’urgence climatique au sein de l’Union Européenne. Elle serait également incapable de résoudre les défis socio-économiques en zones rurales. Ils dénoncent notamment une distribution injuste entre agriculteurs, avec son corollaire : le financement de pratiques « qui contribuent à la dégradation des sols et des terres ». Leur constat est sans appel, pour eux, la PAC « sert les intérêts d’une oligarchie agro-industrielle ».
Cette déclaration intervient au moment même où le budget européen 2021-2027 est en cours de négociation, avec notamment la part qui devrait être allouée à la PAC. Les signataires demandent aux institutions européennes d’améliorer « drastiquement » cette politique afin qu’elle « cesse de nuire à l’environnement ». Ils proposent dix actions urgentes pour « inverser les processus destructeurs en cours et permettre de dépenser l’argent des contribuables dans une agriculture respectueuse de la planète ».
Les scientifiques imaginent éliminer immédiatement les aides liées à la production, dédier 10 % de la surface agricole aux habitats naturels et semi-naturels comme les haies, les bandes fleuries, fossés, talus et mares. Ils proposent aussi des financements spécifiques accordés aux fermiers pour des activités de protection de la nature."
Source : RTBF
https://reporterre.net/Pour-3-600-scientifiques-la-politique-agricole-europeenne-est-la-cause-centrale-de-l-effondrement-de-la-biodiversite
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