De nombreuses rédactions de journaux ont reçu en ce début d'année un communiqué de presse d’une start-up appelée « La Pile de CV by Bowkr » se présentant comme «La Plus grande pile de CV au monde», et qui ambitionne de révolutionner le marché de l’emploi.
Jusque-là, rien d’anormal. Les jeunes pousses dans ce secteur sont nombreuses et jouent des coudes pour proposer les meilleures alternatives à la recherche d’emploi classique. L’entreprise susmentionnée semble, de prime abord, tout à fait respectable. Elle affirme vouloir «apporter de la fraîcheur et de l’efficacité dans le processus laborieux de recherche d’emploi.»
Cela ne pourrait être qu’un banal communiqué de presse d’une start-up cherchant à se faire connaitre si derrière tout cela ne se cachait pas un logo, et un label : ceux de Pôle Emploi. En effet, cette application est mise en avant sur l’Emploi Store, plateforme officielle du ministère du travail. Elle fait donc partie des services proposés par l’Etat pour les demandeurs d’emploi. Après quelques recherches, on s'aperçoit que Bowkr est partenaire de Pôle Emploi depuis 2016 et qu'il y a plus de 35 000 CV dans cette database qui est donc un véritable nid de chômeurs ou de personnes en recherche de travail. Et c’est là que les choses commencent à devenir intéressantes. Lorsqu’on se connecte à l’application, on comprend directement que les créateurs sont des adeptes de la #StartupNation. Couleurs criardes, points d’expérience, pièces jaunes, gamification : on est en plein dans l’univers de la Macronie pour qui tout est un jeu… même la précarité d’un chômeur. Chaque CV obtient des points dits « XP » par rapport à une compétence : un diplôme, 2000 points XP, une langue parlée, 500 points et ainsi de suite. Au final, chaque profil cumule un total de points, et ces profils sont classés, par catégorie (serveur, rédacteur, maçon…) et par ville de disponibilité, selon le nombre de points. Celui qui a le plus de points est en haut de la pile, et on lui promet d’être contacté par un recruteur plus vite que le pauvre 500e du classement qui lui, n’aura que les miettes. Déjà une belle idée de l’égalité républicaine.
Mais le comble de l’ignominie est atteint lorsque l’on descend un petit peu plus bas dans l’application. Une petite ligne « Booster mon CV » (voir capture) apparaît. Et là, tout un manège se dévoile : on peut gagner 500 points d’XP en partageant son profil, mais également en regardant une vidéo promotionnelle, et, tenez-vous bien… en payant ! On peut donc lire « Ajoute 10 000 XP à ton profil pour une durée limitée : 5 jours, 16,99€ ! ». Surréaliste. Pôle Emploi, via son service « La Pile de CV », fait payer les demandeurs d’emploi pour les pistonner et leur permettre d’être contactés par des recruteurs. On est dans la stratosphère.» (...)
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De nombreuses rédactions de journaux ont reçu en ce début d'année un communiqué de presse d’une start-up appelée « La Pile de CV by Bowkr » se présentant comme «La Plus grande pile de CV au monde», et qui ambitionne de révolutionner le marché de l’emploi.
Jusque-là, rien d’anormal. Les jeunes pousses dans ce secteur sont nombreuses et jouent des coudes pour proposer les meilleures alternatives à la recherche d’emploi classique. L’entreprise susmentionnée semble, de prime abord, tout à fait respectable. Elle affirme vouloir «apporter de la fraîcheur et de l’efficacité dans le processus laborieux de recherche d’emploi.»
Cela ne pourrait être qu’un banal communiqué de presse d’une start-up cherchant à se faire connaitre si derrière tout cela ne se cachait pas un logo, et un label : ceux de Pôle Emploi. En effet, cette application est mise en avant sur l’Emploi Store, plateforme officielle du ministère du travail. Elle fait donc partie des services proposés par l’Etat pour les demandeurs d’emploi. Après quelques recherches, on s'aperçoit que Bowkr est partenaire de Pôle Emploi depuis 2016 et qu'il y a plus de 35 000 CV dans cette database qui est donc un véritable nid de chômeurs ou de personnes en recherche de travail.
Et c’est là que les choses commencent à devenir intéressantes. Lorsqu’on se connecte à l’application, on comprend directement que les créateurs sont des adeptes de la #StartupNation. Couleurs criardes, points d’expérience, pièces jaunes, gamification : on est en plein dans l’univers de la Macronie pour qui tout est un jeu… même la précarité d’un chômeur. Chaque CV obtient des points dits « XP » par rapport à une compétence : un diplôme, 2000 points XP, une langue parlée, 500 points et ainsi de suite. Au final, chaque profil cumule un total de points, et ces profils sont classés, par catégorie (serveur, rédacteur, maçon…) et par ville de disponibilité, selon le nombre de points. Celui qui a le plus de points est en haut de la pile, et on lui promet d’être contacté par un recruteur plus vite que le pauvre 500e du classement qui lui, n’aura que les miettes. Déjà une belle idée de l’égalité républicaine.
Mais le comble de l’ignominie est atteint lorsque l’on descend un petit peu plus bas dans l’application. Une petite ligne « Booster mon CV » (voir capture) apparaît. Et là, tout un manège se dévoile : on peut gagner 500 points d’XP en partageant son profil, mais également en regardant une vidéo promotionnelle, et, tenez-vous bien… en payant ! On peut donc lire « Ajoute 10 000 XP à ton profil pour une durée limitée : 5 jours, 16,99€ ! ». Surréaliste. Pôle Emploi, via son service « La Pile de CV », fait payer les demandeurs d’emploi pour les pistonner et leur permettre d’être contactés par des recruteurs. On est dans la stratosphère.» (...)
https://blogs.mediapart.fr/jean-yves-mignet/blog/030119/la-pile-de-cv-quand-pole-emploi-fait-de-la-discrimination-par-l-argent
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