jeudi 5 juillet 2018

Suppression de la taxe d’habitation : l’exécutif veut le transfert du foncier bâti au bloc communal

Suppression de la taxe d'habitation : l'exécutif veut le transfert du foncier bâti au bloc communal

Suppression de la taxe d'habitation : l'exécutif veut le transfert du foncier bâti au bloc communal

Conférence nationale des territoires 04/07/2018 par Aurélien Hélias Instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires le 4 juillet à Matignon © @France_urbaine

L'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires qui s'est tenue le 4 juillet à Matignon a permis de lever le voile sur une partie des projets gouvernementaux en matière de réforme de la fiscalité locale. Autres dossiers abordés : la contractualisation financière à affiner, le projet de loi mobilités et l'avenir de la fonction publique territoriale.

« Des débats constructifs », « un Gouvernement qui peut se targuer d'une présence importante de l'Assemblée nationale, du Sénat et des associations d'élus », des échanges « facilités par la présence de moins de monde autour de la table »… les réactions des participants au sortir de l'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires le 4 juillet à Matignon étaient globalement positives. Des appréciations somme toute logiques puisqu'elles émanent de ceux n'ayant pas décidé de suivre les trois principales associations d'élus, AMF, ADF et Régions de France, dans le boycott de cette réunion de travail Etat-collectivités. De quoi aborder de nombreux dossiers lors de cette réunion de plus de trois heures, dont le format restait tout de fois un brin formel, « fait de communications de ministres, du Premier ministre, puis de réactions et demandes d'associations d'élus », rapporte un participant. Sans que le Gouvernement n'apporte toutes les réponses… 

Le foncier bâti départemental pour financer la suppression de la TH

Évoquée la veille par des fuites dans la presse, le projet du Gouvernement de transférer le produit de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) au bloc communal pour financer une partie de la perte de la taxe d'habitation a été confirmé par Edouard Philippe et Olivier Dussopt. Mardi, plusieurs semaines après avoir finalement évacué cette hypothèse qui hérissait les départements, le Comité des finances locales s'était prononcé pour un dégrèvement à 100 % de la taxe d'habitation, « la seule solution qui permette de respecter la totalité des engagements du président de la République » selon le patron du CFL, André Laignel. A savoir « garantir une compensation intégrale des ressources supprimées ; préserver la dynamique des bases ; garder le pouvoir de taux des communes, des intercommunalités et des départements ; respecter intégralement leur autonomie financière et fiscale et maintenir le lien fiscal entre les collectivités territoriales et les citoyens », listait-il.

Sous la demande de l'AdCF, la délibération avait tout de même évolué : « d'une délibération demandant un dégrèvement définitif, on est passé à un dégrèvement d'ici à ce qu'on change l'organisation de la fiscalité locale », selon le représentant de l'association des élus intercommunaux à l'AdCF, Loïc Cauret. « Nous n'étions pas très enthousiastes sur le dégrèvement. Nous avons demandé comme préalable une refonte de la fiscalité locale, avec l'impérieuse nécessité de réviser les valeurs locatives », ajoutait Sébastien Miossec, président de Quimperlé communauté. Car ces bases servent pour bien d'autres bases que celles de la TH ! » Le Gouvernement, par la voix d'Olivier Dussopt, se serait engagé lors de l'instance de dialogue à Matignon, à réformer les bases à l'occasion d'une loi de finances rectificatives en 2019 qui en fixerait la méthode. C'est « la mère des réformes pour organiser une fiscalité équitable pour les contribuables et dynamique pour les collectivités », ont renchéri de concert France urbaine, Villes de France, les petites villes et l'AdCF dans un communiqué commun diffusé l'après-midi de la réunion avec le Gouvernement.

Au final, la piste privilégiée par l'exécutif est une douche froide pour les départements, qui voient dans le transfert du produit du foncier bâti vers le bloc local une perte de leur pouvoir de taux. S'y ajouterait enfin une complexité également redoutée par le CFL : la nécessaire mise en place la mise en place « d'un fonds national de garantie, dans le droit fil de celui qui fut instauré lors de la suppression de la Taxe professionnelle. « Tout le monde est mécontent du FNGIR, parce qu'il est bloqué à la date de sa mise en œuvre. S'il y avait un nouveau, il subirait le même sort, et l'engagement de l'Etat de rembourser à l'euro près ne serait pas respecté », prévient ainsi André Laignel face à ce «système de spoliation ».

Le scénario redouté par les intercos écarté

Quant aux intercommunalités, c'est en revanche le soulagement : si elles craignaient le scénario d'un transfert de la totalité de la TFPB aux seules communes, aussi bien la part départementale qu'intercommunale, il n'en serait pas question pour l'exécutif. Seule la part départementale serait fléchée vers les communes pour compenser une partie de la perte du produit de TH, les EPCI conservant leur « part » actuelle. Seule incertitude : la part départementale pourrait ne bénéficier demain qu'aux seules communes, sans que les intercos ne perçoivent un surplus de TFPB au prorata de leurs anciennes recettes de TH.

reste que petites et moyennes villes, métropoles et intercos souscrivent communément « à la décision du gouvernement d'affecter l'ensemble de la taxe foncière sur les propriétés bâties au bloc communal tout en poursuivant la réflexion sur la ressource fiscale complémentaire qu'il faudra identifier ». Pour l'AdCF, c'est sur une part complémentaire de CVAE qu'il faudrait se pencher. 

Contractualisation financière : des ajustements possibles

Alors que le ministère de l'Intérieur n'a pas manqué de communiquer la veille sur les 71 % de collectivités, soit 229 sur 322 visées, ayant signé leur pacte financier avec l'Etat, Edouard Philippe se serait montré ouvert aux requêtes d'ajustement faites par l'ADCF et France urbaine. « C'est le Comité de suivi qui fera la synthèse des demandes. Le Premier ministre dit vouloir garder une certaine souplesse et nous a indiqué que la loi de finances pourrait amender les contrats afin que certaines subventions de fonctionnement servant à financer l'investissement ne soient plus considérés comme des dépenses de fonctionnement », rapporte le patron de l'AdCF, Jean-Luc Rigaut. Une manière pour l'exécutif de prendre en compte un message envoyé par plusieurs associations d'élus – « participation n'est pas approbation » -, le président de la délégation sénatoriale aux collectivités, Jean-Marie Bockel, relevant les « diverses critiques des associations d'élus présentes sur les contrats malgré les signatures ». 

Mobilités : trouver des voies de financement

C'est l'un des dossiers les moins polémiques évoqués : les mobilités. Le président de la délégation sénatoriale aux collectivités du Sénat, qui avait acté sa présence en accord avec le président du sénat Gérard Larcher, relève ainsi « un consensus sur la méthode », alors que le projet de loi d'orientation des mobilités (Lome) est encours d'arbitrage. « Le Premier ministre s'est montré ouvert à l'évocation d'une contribution écologique, d'une taxe » pour financer les futurs contrats opérationnels de mobilité, se félicite-t-on à l'AdCF. L'association milite communément avec Villes de France, Franc urbaine et les petites villes « pour l'affectation d'une part de la contribution énergie climat aux projets de transition énergétique et de mobilité durable dans les territoires ».

Pour les Petites villes, Christophe Bouillon a appuyé la volonté du gouvernement d'en finir avec les zones blanches en matière de présence d'autorités organisatrices de la mobilité, mais plaidé pour que « la compétence soit sécable », selon « un principe de subsidiarité ». Un point sur lequel « l'écoute de la ministre » Elisabeth Borne est saluée par le patron de l'APVF. 

Fonction publique territoriale : en attendant Action publique 2022…

Président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, Philippe Laurent a prononcé « une communication très fournie », selon un participant à la réunion, sur la concertation en cours entre le gouvernement et les employeurs territoriaux. Et le maire de Sceaux de répéter l'hostilité des employeurs territoriaux à l'idée gouvernementale de permettre aux contractuels l'accès à tous les postes fonctionnels. Au nom des petites villes, Christophe Bouillon a pour sa part réclamé un minimum de « garde-fous sérieux : nous demandons un plafonnement des rémunérations pour ces contractuels ayant accès à des postes de direction et un plafonnement de la proportion de ces postes ouverts ». Réponse sibylline du gouvernement se contentant de souligner que le dispositif ne pourrait concerner « que 6 000 postes au plus »…

Plus globalement, il faudra attendre la diffusion concomitante du rapport Action publique 2022 et les propositions qu'en retiendra l'exécutif pour obtenir des réponses du Gouvernement sur le dossier. Levée de rideau lors de la CNT proprement dite du 12 juillet ? Rien n'est moins sûr, étant donné l'ordre du jour officiel prévu par le Gouvernement…

Quid de l'ordre du jour du 12 juillet ?

Car, censée être une réunion préparatoire, l'instance du dialogue du 4 juillet pourrait avoir abordé des sujets majeurs qui seront ignorés de la séance plénière huit jours plus tard. L'exécutif a en effet décidé de placer la CNT proprement dite du 12 juillet sous le signe de l'Europe, de la cohésion des territoires et des fonds de cohésion. Leur devenir inquiète certes plus d'un territoire, mais plusieurs associations d'élus craignent que le gouvernement ne fasse l'impasse sur les dossiers majeurs des réformes de la fiscalité locale et de la fonction publique territoriale. Or la réunion du 4 a eu les avantages et les inconvénients d'une « simple instance de consultation : utile pour faire circuler les informations, mais peu productive pour annoncer les décisions… », souligne Christophe Bouillon. Les questions des élus ne devraient donc pas se circonscrire aux fonds européens dans une semaine.

Quant à la probable absence renouvelée des trois grandes associations d'élus dans huit jours, « elle ne serait pas un drame pour cette journée consacrée aux fonds structurels européens, juge Jean-Marie Bockel. En revanche, si cette absence se poursuit en septembre, cela posera problème… »


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