Pourquoi la sanction européenne inquiète assez peu Google
L'amende imposée mercredi par Bruxelles semble impressionnante. Mais ces sanctions pèsent peu au regard des avantages découlant de la situation de force dont jouissent les Gafa.
Le chiffre est symbolique et marque les esprits. En condamnant Google, pour la deuxième fois en deux ans, à payer une amende record , l'UE persiste et signe dans le bras de fer qui l'oppose au géant américain. Pourtant, la sanction ne devrait pas ébranler le groupe californien, et pour cause : Google génère 4,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires... en seulement deux ou trois semaines.
D'énormes réserves de cash
« Google a d'énormes réserves de cash, » explique Thomas Husson, vice-président du cabinet Forrester Research à Paris. De fait, l'amende entamera à peine sa trésorerie, qui s'élève, elle, à plus de 88 milliards d'euros.
Certes, Google doit placer cette somme sur un compte séquestre. Mais il va déposer un recours en justice. « L'impact réel ne va pas se concrétiser avant plusieurs années », dit Thomas Husson. La même configuration s'applique à la sanction précédente, imposée en 2017 par Bruxelles. Cette année-là, l'UE, qui enquêtait sur le comparateur de prix du groupe californien, Google Shopping, l'avait condamné à verser 2,4 milliards d'euros pour abus de position dominante.
En attendant, comme dans beaucoup de cas d'abus de position dominante, le mal est fait. Android a une part de marché gigantesque de 80 % des smartphones. Toute l'histoire de la tech, dont les entreprises cherchent à imposer des standards pour profiter de l'effet de masse, répète le même scénario. Microsoft, notamment en 1998, mais déjà IBM en 1969 ont été sanctionnés pour position dominante. Mais entre-temps, ils avaient dégagé énormément de capacité d'autofinancement et ce trésor leur a donné des marges de manoeuvre pour se réinventer, même si cela a pu prendre du temps.
Le débat monte sur un démantèlement
C'est une des raisons pour lesquelles la question, plus large, du démantèlement de Google est posée. Mercredi, la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, s'est défendue de vouloir cibler Google en particulier.
Aux Etats-Unis, le débat monte sur la pertinence de l'outil anti-concurrentiel pour lutter contre l'hégémonie supposée des Gafa. Certains mettent en doute son efficacité. Les juristes appellent à réécrire une législation qui n'a presque pas évolué depuis le début du XXe siècle, et donne peut-être trop d'importance aux critères du prix et de la satisfaction du consommateur.
Google est devenu essentiel à l'économie d'Internet. Et sa position dans la recherche lui permet mécaniquement de dominer d'autres marchés. Yelp affirme ainsi, depuis des années, que Google biaise ses résultats de recherche pour promouvoir son propre service de recommandations.
Amazon est, lui aussi, en concurrence avec les vendeurs tiers qui passent par sa plate-forme pour proposer leurs produits, mais ceux-là estiment qu'ils sont moins bien valorisés. L'émergence de concurrents est en outre très difficile. Quand ils ne sont pas rachetés, ils sont copiés. C'est le cas de Snapchat par Instagram, racheté par Facebook.
Raphaël Balenieri avec E.C.
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