Envoyé par Elton
L'Agence internationale de l'énergie a encore frappé
Article intéressant du 30 Mai 2012, publié dans Médiapart
Ou comment un organisme privé se pare de la « respectabilité de l'expertise » pour faire triompher les intérêts des pétroliers
Le coup était rude pour les pétroliers. Alors qu'ils ne cessent de faire croire que le gaz de schiste génère du « gaz naturel » bien plus « propre » que le charbon, l'étude scientifique publiée le 21 février dernier dans le Journal of Geophysical Research et dans la respectable revue Nature conclut que les émissions de méthane libéré de la roche mère sont 62 fois plus nocives que le CO2 pour le réchauffement climatique ! (1) Il est difficile d'encaisser une étude scientifique irréfutable qui met en évidence la nocivité du gaz de schiste pour le climat.La réponse n'a pas été immédiate, le lobby pétrolier a respecté un délai raisonnable, pour permettre aux médias d'oublier l'étude funeste. Et le 24 mai dernier, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) est repartie à l'assaut.Merveilleux outil de propagandeCe jour là, Fatih Birol, responsable de l'analyse économique au sein de l'agence, a affirmé sur les ondes et dans la presse écrite en commençant par le Financial Times, que le gaz de schiste faisait chuter les émissions de CO2 dans l'atmosphère « en poussant les producteurs d'électricité à remplacer les centrales à charbon par des centrales à gaz » (2). Avec force chiffres à l'appui.Pour conforter « l'expertise », il faut une presse amnésique. Heureusement pour l'AIE, son communiqué a été repris in extenso, les travaux de l'équipe de géoscientifiques conduite par Gabrielle Petron (université de Boulder, dans le Colorado) passés sous silence. Ainsi la propagande prend le pas sur la controverse. Il suffit d'aligner des faits contradictoires à quelques mois d'intervalle sans mise en perspective, d'éviter soigneusement leur confrontation.Dans le domaine de la « communication », Fatih Birol n'en est pas à son coup d'essai. Cherchant à doper l'exploitation du gaz de schiste sur le sol européen, le chef économiste de l'AIE, avait prévu le 8 mars une campagne de communication sur « les meilleures pratiques environnementales avec les entreprises du secteur et les dirigeants politiques » (3). Elle vient d'être lancée le 29 mai sous la promesse de « règles d'or ».Arme de combatCe ne sont que récidives. Un haut responsable de l'AIE avait levé le voile sur la discrétion légendaire de l'agence à propos du pic pétrolier. « On craint des mouvements de panique sur les marchés financiers si les chiffres (réserves de pétrole) sont baissés » avait-il expliqué au journal britannique The Guardian du 9 novembre 2009. L'AIE surévalue délibérément les réserves mondiales de pétrole pour « ne pas irriter les Américains » qui « craignent la fin de la suprématie du pétrole parce que cela menacerait leur pouvoir fondé sur l'accès aux ressources pétrolières ». Une deuxième source non identifiée ajoutait : « nous avons atteint le point le plus haut en ce qui concerne le pétrole. Je pense que la situation est vraiment mauvaise ».La soumission de cet organisme privé à l'Occident est inscrite dans ses gènes : l'AIE a été créée pour faire face au choc pétrolier de 1974, contre les pays producteurs membres de l'OPEP. Son rôle était de conforter le pouvoir des pays consommateurs occidentaux et des sociétés pétrolières, incestueusement lié. Il n'a pas changé. Pour fonctionner, l'AIE est financée par les 28 pays membres à hauteur de leur budget et par les entreprises privées (devinez lesquelles !), ce qui fait des Etats-Unis le premier pays contributeur.Ainsi, loin de fournir une « expertise » indépendante sur l'énergie, l'AIE est une arme de combat. Et dans ce combat, elle avance masquée, parée de la couverture de l'OCDE à laquelle elle est affiliée. Mes confrères ne devraient pas l'oublier.Notes :
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