lundi 29 septembre 2025


 

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Le Monde 29/09/2025

Julien Talpin, politiste : « La façon dont l’Etat maltraite les
associations affecte leur capacité à organiser les colères de la rue »

Le rôle central des associations a été largement entravé par les dispositifs de la loi contre le séparatisme
de 2021, préjudiciables à la vie démocratique, alerte, dans un entretien au « Monde », le directeur de recherche en science politique au CNRS.
Propos recueillis par Claire Legros

Julien Talpin est directeur de recherche en science politique au CNRS où il travaille sur l’engagement
politique dans les quartiers populaires. Il a notamment publié La Colère des quartiers populaires (PUF,
2024). Membre de l’Observatoire des libertés associatives qui documente les entraves à l’exercice
associatif depuis 2018, il a publié le 17 septembre, avec le sociologue Antonio Delfini, L’Etat contre les
associations (Textuel, 240 pages, 19,90 euros).

Vous évoquez un « tournant autoritaire » dans les relations entre l’Etat et les associations depuis la loi contre le séparatisme. De quelles façons se manifeste-t-il selon vous ?

Un virage s’est opéré après les attentats de 2015, avec l’entrée progressive dans le droit commun de
mesures issues de l’état d’urgence. Avec la loi « séparatisme », promulguée en 2021, le gouvernement a franchi une nouvelle étape et fait le choix discutable de viser l’intégralité du monde associatif pour lutter contre le terrorisme islamiste.
Cette loi a renforcé les mesures de dissolution administrative qui ont vu leur nombre augmenter de façon
inédite. Elle a obligé des centaines de milliers d’associations à signer un contrat d’engagement
républicain (CER) pour obtenir des subventions publiques ou un agrément. Finalement, très peu d’entre elles ont été mises en défaut pour n’avoir pas respecté les principes concernant l’ordre public ou la laïcité.
Seuls cinq cas ont été recensés entre 2021 et 2024 sur 1,5 million d’associations, ce qui questionne la
nécessité d’un tel dispositif.
En revanche, les conséquences indirectes de ces mesures ont été de « désinhiber les administrations »,
selon les termes de Sonia Backès, secrétaire d’Etat chargée de la citoyenneté de l’époque [le
30 mars 2023, sur RMC], et d’encourager l’autocensure et la dépolitisation des acteurs associatifs. Cette dynamique est renforcée par l’idée de neutralité inscrite dans la loi, sans préciser s’il s’agit de religion ou de politique. Ce flou incite des institutions – municipalités, conseils départementaux, préfectures, etc. – à
rappeler à l’ordre des associations lorsqu’elles interviennent dans le débat public.

Quels sont les signes de cette « désinhibition » ?

On nous a signalé que l’an dernier, des centres sociaux ont reçu des rappels à l’ordre de la Caisse
d’allocations familiales parce que la Fédération des centres sociaux s’était mobilisée au moment des
élections législatives de juin 2024 pour alerter sur les dangers de l’extrême droite. Or, un tel engagement est légal. Les associations ont le droit de tenir des positions politiques dans l’espace public à partir du moment où elles n’appellent pas à voter pour un candidat. Cette injonction à la dépolitisation est d’ailleurs l’objet de plusieurs recours en justice.
Dans le cadre de l’Observatoire des libertés associatives, nous avons réalisé une étude statistique auprès
d’un échantillon représentatif de plus de 2 400 associations. Parmi elles, 27 % déclarent renoncer à des
débats et à des manifestations ou à des prises de position pour se prémunir d’éventuelles sanctions. Le
club de foot, la chorale ou la crèche locale sont évidemment moins concernés que les associations dites
« citoyennes », impliquées dans la défense des droits humains, le soutien aux exilés ou aux minorités.
Parmi ces structures appelées à intervenir davantage dans le débat public, 40 % déclarent s’autocensurer.
(…)

Anonyme a dit…

(…)
"Ce sont des milliers de débats et de manifestations qui n’ont pas lieu.
Vous rapportez également une augmentation des suppressions de financement…
La sanction financière est un outil de répression fréquemment utilisé par les institutions. Les subventions
publiques aux associations – qui représentent environ 50 milliards d’euros par an – sont attribuées par les exécutifs de façon peu collégiale, voire souvent discrétionnaire. Il n’y a pas de possibilité de recours, à
partir du moment où les critères d’intérêt général et de non-discrimination sont respectés. Cette situation crée une relation de dépendance préjudiciable au débat public, aggravée par l’essor des appels à projets et des formes de marchandisation du monde associatif. Il est difficile d’être protestataire quand on est
prestataire.
Selon notre enquête, une association sur 10 déclare une sanction institutionnelle à la suite d’une prise de position ou d’une action qui aurait déplu à la collectivité. Là encore, les associations citoyennes sont la
cible majoritaire avec un taux de 1 sur 5.

Quels sont les secteurs les plus touchés par ce phénomène ?

Le secteur de l’écologie est en première ligne. Au-delà des mesures spectaculaires comme la tentative de
dissolution des Soulèvements de la Terre ou le ciblage d’Alternatiba par le CER, de petites associations
environnementales se sont vues privées de leurs locaux ou de subventions parce qu’elles contestaient des politiques publiques. Les pressions émanent souvent de syndicats agricoles ou de groupes d’extrême droite dont l’Etat se fait le relais.
Les associations féministes aussi sont particulièrement concernées, notamment le Planning familial, ainsi
que les associations antiracistes ou de soutien aux exilés, et plus récemment le secteur culturel. A Hénin-Beaumont [Pas-de-Calais], la municipalité [Rassemblement national, RN] a retiré les crédits de l’équipe gérant le théâtre associatif de L’Escapade parce qu’elle n’appréciait pas sa programmation.
A l’inverse, si la répression institutionnelle des associations musulmanes est très importante depuis plusieurs années, elle ne s’est pas appuyée sur les nouveaux
dispositifs de la loi « séparatisme » qui, en théorie, devaient les cibler en priorité.

La défiance à l’égard des associations n’est-elle pas un phénomène ancien et systémique
en France ?

L’idée selon laquelle les élus seraient les seuls détenteurs de l’intérêt général est ancrée dans notre culture
politique depuis la Révolution française. Il existe une difficulté des élus à reconnaître le rôle de contre-
pouvoir citoyen des corps intermédiaires et à entretenir avec eux une relation dialectique.
Pour autant, cette tendance s’est durcie ces dernières années avec la montée en puissance de l’extrême
droite. Dans certains territoires gouvernés par la droite ou le RN, l’idée d’en finir avec des associations
perçues comme « woke » ou « islamo-gauchistes » s’exprime sans complexe.
Les dispositifs créés par la loi « séparatisme » pourraient se révéler encore plus dangereux si l’extrême
droite arrivait au pouvoir en France. Un définancement de pans entiers du monde associatif serait à craindre. C’est ce qu’on voit aujourd’hui aux Etats-Unis, où l’administration Trump tente de mettre au pas l’ensemble des contre-pouvoirs : juges, universités, agences de régulation et, bien sûr, associations.

Quelles sont les conséquences de ces mesures pour la démocratie ?

Les libertés associatives sont l’une des garanties du bon fonctionnement démocratique et un rempart aux
tentations despotiques. Ce rôle essentiel a été mis en évidence par le penseur de la vie politique Alexis
de Tocqueville au XIXe siècle.
(…)

Anonyme a dit…

(…)
"Leur fonction démocratique est triple : elles font émerger des intérêts qui n’auraient pas de place sans
elles dans le débat public ; elles permettent de rassembler les forces de populations marginalisées,
notamment dans les catégories populaires, comme ce fut le cas dans l’histoire du mouvement ouvrier.
Enfin, elles contribuent au pluralisme indispensable à la délibération collective. A ces trois fonctions, on
peut ajouter celle de lien social, cruciale aujourd’hui dans notre société de plus en plus polarisée.
La façon dont l’Etat maltraite les associations affecte leur capacité à organiser les colères de la rue. Dans
les quartiers populaires, la colère s’exprime d’autant plus violemment que les habitants ont le sentiment
que les revendications des organisations collectives qui les représentent ne sont pas entendues.
Au regard de l’ampleur de la crise démocratique, les élus n’ont plus la légitimité suffisante pour
gouverner seuls et ont plus que jamais besoin de la vitalité de la société civile pour construire des
décisions collectives. Il est nécessaire d’inventer de nouveaux modes de relations entre les institutions et les associations."

Que proposez-vous ?
D’abord revenir sur les mesures de la loi « séparatisme », supprimer le CER et clarifier la question de la
neutralité : nous avons plus que jamais besoin de l’engagement civique des associations. A ce titre,
l’organisation du financement du secteur associatif est décisive pour lui garantir des capacités de critique
et d’intervention dans le débat public. Non seulement sur le niveau des financements attribués, mais aussi
sur la façon dont leur allocation est organisée. La création de commissions mixtes d’attribution des budgets associatifs permettrait de sortir de cette impasse. On pourrait y faire siéger des élus de
l’opposition aux côtés de ceux de la majorité, des citoyens tirés au sort, des experts…
Cette décision collective changerait fondamentalement la relation entre les pouvoirs publics et les
associations. Elle permettrait en outre de renforcer les pouvoirs de l’opposition, autre enjeu majeur pour
la démocratie locale. Des expérimentations en ce sens s’organisent au conseil départemental du Nord,
dans les villes de Grenoble et de Rennes. Pour autant, ce renforcement des contre-pouvoirs citoyens ne sera efficace qu’à condition de démocratiser en même temps les institutions, afin que cette capacité d’interpellation puisse être entendue."

Claire Legros
Le Monde 29/09/2025

Anonyme a dit…

LECORNU ET LE BILLARD À TROIS BANDES...!

Regards braqués sur le PS

"Alors que les projecteurs étaient braqués ces derniers jours sur le Parti socialiste, scrutant la moindre parole d’Olivier Faure pour essayer d’y déceler un indice (ou non) de censure, le RN semble là vouloir attirer les regards sur lui. Façon de dire, l’air de rien, que lui aussi a une partie du destin du futur gouvernement entre ses mains. Et d’ainsi espérer peser sur les orientations budgétaires, comme lors de la chute de Michel Barnier en décembre 2024.

Reste que Sébastien Lecornu aurait aussi évoqué le maintien de l’année blanche (et donc la non-augmentation des pensions de retraite). Pas sûr que le RN s’aventure sur ce terrain-là, beaucoup plus glissant... et coûteux politiquement. C’est d’ailleurs sur ce point précis que Marine Le Pen avait décidé de censurer Michel Barnier l’an passé."


https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/le-rn-pourrait-se-laisser-convaincre-de-ne-pas-censurer-sebastien-lecornu-a-deux-conditions_255410.html