Non-cumul, inéligibilité… Premier bilan présidentiel « mitigé » pour Transparency
« Parent pauvre » des réformes sur la transparence, « chantier au point mort », « risque d'échouer à rétablir la confiance des Français en leurs représentants »… 12 mois après une campagne présidentielle marquée par l'affaire Fillon, Transparency international juge sévèrement les premières actions d'Emmanuel Macron en faveur de la lutte contre la corruption.
« Le bilan du président de la République est mitigé et contrasté. Si les premières pierres ont bien été posées grâce à la loi de confiance dans la vie politique, il ne faudrait pas que le chantier s'arrête brusquement » juge ainsi Marc-André Feffer, le président de Transparency international France, dans un rapport publié le 22 avril dernier.
L'ONG relève bien plusieurs avancées très positives. A commencer par les changements intervenus au Parlement : interdiction des emplois familiaux, fin de la réserve parlementaire, réforme encadrant les frais de mandat actuellement en cours…
La réforme de l'IRFM ne va pas assez loin
Mais le gouvernement devrait aller encore plus loin, estime l'association, tout particulièrement sur la question du porte-monnaie des députés et des sénateurs. En l'état actuel des nouvelles règles, ce sont les déontologues de chaque chambre qui évalueront le fait que l'indemnité de frais de représentation de mandat (IRFM) a bien été dépensée ou non pour des motifs inhérents à leur fonction.
Transparency préférerait, elle, que « l'IRFM soit dépensée en toute transparence ». Comprendre : que le détail des dépenses soit publié en ligne – à la façon des déclarations d'intérêt des ministres et des parlementaires accessibles à tous en ligne sur le site de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
Autre satisfecit en demi-teinte adressé par l'association à la présidence de la République : la fin du cumul des mandats, décidée sous François Hollande et maintenue par Emmanuel Macron. « Avancée majeure, elle a contribué grandement au renouvellement des assemblées parlementaires » estime ainsi le rapport.
Plus les fonctions électives durent, plus le risque de corruption est grand
Avant de nuancer. « S'agissant du non-cumul dans le temps, la bataille n'est pas encore gagnée » remarque l'ONG en faisant référence à la future réforme constitutionnelle.
Elle regrette que les maires des communes de moins de 9 000 habitants ne soient pas concernés par l'obligation de raccrocher les gants après 3 mandats successifs . « De la mairie jusqu'à l'Assemblée nationale, permettre à un élu d'occuper un mandat pendant une période anormalement longue (…) accentue le risque que se développent des réseaux d'intérêt croisés, favorables à la corruption. »
L'Agence française anticorruption a d'ailleurs montré que les atteintes à la probité commises par les élus adviennent majoritairement après un premier mandat. Transparency propose donc de poser l'interdiction de faire plus de 2 mandats, sans préciser si cela concernerait toutes les fonctions électives.
Des avancées lentes dans les collectivités
L'association profite également de son rapport pour rappeler l'engagement – non tenu à ce jour – d'Emmanuel Macron qui s'était prononcé en faveur d'un plan de prévention de la corruption dans toutes les grandes collectivités.
« Si cette réforme n'est pas encore à l'agenda, l'Agence française anticorruption travaille à l'élaboration d'un référentiel et a entamé des contrôles dans les collectivités territoriales » souligne toutefois le rapport.
Transparency a également été reçu par les conseillers de l'Elysée en octobre dernier pour évoquer les réformes à entreprendre dans ce domaine. Par ailleurs, la présence d'un déontologue dans chaque grande collectivité va être généralisée en application de la loi Sapin 2.
L'ONG se montre beaucoup plus sévère sur l'abandon du principe d'un casier judiciaire vierge obligatoire pour se présenter à une élection qu'elle juge même « enterrée ».
Des maires condamnés qui pourront se représenter aux prochaines élections
Certes, la loi rétablissant la confiance dans la vie politique a bien instauré une extension de l'inéligibilité de plein droit. Mais cette mesure qui répond au même objectif ne produit pas « les mêmes effets que le casier judiciaire vierge » remarque Marc-André Feffer.
Certains élus condamnés récemment pour fait de corruption pourront ainsi se représenter aux élections et ce malgré leur casier judiciaire. Le rapport recense plusieurs cas très concrets qui posent un vrai questionnement éthique.
Transparency prend en exemple le cas d'un ex-maire-adjoint, dans le Val d'Oise, qui a été condamné pour avoir détourné 150 000 euros d'une association d'enfants handicapés sans être pour autant condamné à l'inéligibilité. Autre exemple : un maire de l'Ariège qui pourra lui aussi se représenter en 2020, malgré le détournement de plusieurs milliers d'euros issus de la vente de bougies de la cathédrale de la ville…
Enfin, dernier grief de la part de l'association : le peu d'avancées gouvernementales sur le sujet de la participation citoyenne. Alors qu'Emmanuel Macron s'était engagé à « renforcer les consultations préalables ouvertes en ligne sur les textes législatifs » pendant la campagne, le dossier semble être au point mort.
Des délais parlementaires trop serrés pour que les citoyens aient leur mot à dire
Certes, quelques consultations ont bien été organisées sur certains projets de loi comme pour la loi PACTE mais les pratiques restent très hétérogènes. Pêle-mêle, le rapport évoque « les plateformes utilisées qui ne sont pas toujours en format ouvert, les critères de traitement des contributions qui ne sont pas toujours transparents »…
L'ONG remarque également en maniant l'art de la litote que « les délais des débats parlementaires, souvent très serrés (…), n'offrent pas toujours un cadre favorable à un dialogue serein et constructif avec la société civile ». Moins de deux mois se sont par exemple écoulés entre la présentation du projet de loi autour de la moralisation de la vie publique et son adoption finale à l'Assemblée en plein mois d'août.
Focus
Corruption : la France fait figure de mauvaise élève européenne
La France se place 23ème sur 180 pays dans l'Indice de perception de la corruption qui mesure la corruption dans le secteur public. Combinant études et sondages, la France s'y classe derrière plusieurs démocraties européennes comme la Suisse (3ème), le Luxembourg (8ème) ou encore l'Autriche et la Belgique (toutes deux 16ème).
Pourquoi un tel score ? L'ONG estime que « la France est un pays où la corruption n'est pas endémique mais les scandales répétés et les entorses à l'éthique ces dernières années ont pour principal dommage d'affaiblir grandement la confiance des citoyens en leurs institutions ». Pour preuve, 77 % des parlementaires nationaux sont perçus comme corrompus par les Français.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire