Les                éoliennes tueuses de chauves-souris
Certaines                espèces les confondent avec des arbres.
Les chauves-souris sont              confrontées à un prédateur qui les décime par dizaines de              milliers, voire par centaines de milliers chaque année,              selon les pays. Ces mammifères volants se tuent lors de              collisions avec des éoliennes et leurs pales. Mais pourquoi              plusieurs espèces sont-elles atteintes en grand nombre?              Pendant leur migration, entre la fin de l'été et le début de              l'automne, certaines semblent confondre les turbines géantes              avec de grands arbres, où elles peuvent se nourrir              d'insectes, prendre du repos et s'arrêter pour se              reproduire. Le comportement de ces animaux, en particulier              de 3 des 45 espèces qui sont les plus grandes victimes aux              États-Unis, a été décrit dans les Comptes rendus de              l'académie américaine des sciences (Pnas), le 29 septembre.              Au moyen de trois éoliennes dans l'Indiana, à la fin de              l'été 2012, des liens ont été établis entre la force du              vent, la vitesse de rotation des pales et le taux de              mortalité des chauves-souris. Près de 1000 vols d'animaux              ont été documentés au moyen de caméras thermiques et              d'enregistreurs d'ultrasons. Pendant la durée de l'étude 12              cadavres ont été retrouvés au pied des éoliennes.
Pour              Jean-François Julien, chiroptérologue, chercheur CNRS au              Muséum national d'histoire naturelle, «c'est la première              fois que nous avons des données aussi précises sur l'attrait              des éoliennes sur certaines espèces de chauves-souris. Nous              mettons en place un projet de recherche comparable en France              avec l'Ademe».
Les              chauves-souris se trompent car elles «sentent» les flux              d'air produits par la rotation des pales. «Une recherche              récente nous a inspirés. Celle qui montre que lorsque vous              enlevez de minuscules poils (avec une crème à épiler, NDLR)              sur les ailes de chauve-souris, elles perdent leur capacité              à bien voler et à franchir des obstacles », confie Paul              Cryan, biologiste au Fort Collins Science Center, et premier              auteur de la publication dans Pnas.
«Pour              s'orienter, les chauves-souris utilisent              l'écho-localisation, une sorte de sonar à ultrasons. Mais la              portée est relativement faible et cette méthode leur coûte              beaucoup d'énergie. Lors des migrations, elles se              serviraient donc plutôt de leur vision et de leur sens              magnétique. Car, les chauves-souris ne sont pas aveugles! De              plus, elles ont sur les ailes des milliers de microscopiques              poils, comme des sondes Pitot, qui les aident à apprécier              les flux d'air», ajoute le chercheur français. Celles qui se              font prendre au piège des éoliennes sont, en particulier,              les espèces qui gîtent dans les arbres.
Un              moyen de réduire le taux de mortalité est de débrayer les              pales des éoliennes quand le vent est inférieur à 6 m/s              (environ 20 km/heure). C'est effectué à titre expérimental              aux États-Unis, au Canada et en Europe. Cela coûterait moins              de 1 % de la production d'électricité annuelle par éolienne,              estiment des chercheurs. Les taux de mortalité diminuent              alors d'au moins 50 % et peuvent même atteindre 90 %.
Sauver              les chauves-souris, même si leur nombre en France est estimé              entre 10 et 20 millions d'individus, est une question              vitale. «Leurs populations ne s'adaptent pas vite à de              grandes pertes. Or elles jouent un rôle clé dans de nombreux              écosystèmes », ajoute Paul Cryan. Ce sont les premiers              prédateurs, dans la chaîne alimentaire, des insectes              nocturnes. «Dans les régions tempérées, la baisse du nombre              de chauves-souris a un impact sur le rendement de certaines              cultures, détaille Jean-François Julien. Car elles ont un              rôle d'insecticide naturel.» Aux États-Unis, l'impact de              leur disparition est estimé entre 7 et 50 milliards de              dollars uniquement sur les récoltes. Dans les régions              tropicales, elles ont un rôle majeur pour la pollinisation,              notamment de 100 % pour celle du durian, un gros fruit vert              doté de piquants, en Asie. Les espèces qui mangent des              fruits contribuent aussi à la dispersion des graines et donc              à la régénération des forêts.
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire