Comment les lobbys industriels ont saboté les réformes voulues par les citoyens de la Convention climat .../...
"Où est donc passée l’obligation de rénovation thermique des logements ? Qui a ajouté cette dérogation concernant l’interdiction de nouveaux centres commerciaux ? Pourquoi la redevance sur les engrais azotés est-elle reportée ? Quid du moratoire sur la 5G ou de l’interdiction de la publicité pour la malbouffe ? Sept mois et demi après leur rendu, le 21 juin 2020, les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat arrivent, « comme convenu », à la table du conseil des ministres le 10 février, sous la forme d’un projet de loi [1]. Mais c’est bien, semble-t-il, la seule chose qui ait été à peu près respectée – et encore, non sans un certain retard. Pour le reste, la lecture du texte suffit à comprendre l’ampleur des dégâts : nombre de mesures phares ont disparu, sont rognées ou détournées selon les cas, quand elles n’ont pas été tout bonnement expurgées.
L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre « d’au moins 40 % d’ici 2030» [2], reste-t-il atteignable, dans ces conditions ? De l’aveu même de l’exécutif, entre la moitié et les deux tiers « du chemin», seulement, serait « sécurisé », reconnaît l’étude d’impact associée au projet de loi. On en serait bien plus loin, selon le député Matthieu Orphelin, qui a contre-expertisé le document officiel. En l’état, le projet de loi ne parviendrait en réalité à économiser au maximum que 13 MtCO2/an… soit 12 % de l’objectif total [3]. Dans son avis rendu fin janvier, le CESE ne s’encombre pas de précautions : considérer que ce texte « s’inscrit dans la stratégie nationale bas-carbone » [4] n’est rien d’autre qu’un « abus de langage » [5]."
9 mois de travaux... et une amère désillusion .../...
La connivence de l’État et de ses administrations avec les intérêts privés des pollueurs
"Si les grands groupes peuvent mobiliser des armées de lobbyistes, de communicants, d’experts et d’influenceurs, leurs alliés les plus décisifs se trouvent souvent au sein même de l’appareil d’État. C’est le ressort secret de leur influence. La Convention citoyenne a été conçue pour sortir de l’entre-soi des industriels et de l’administration. On en est vite revenu aux vieilles habitudes. Dès septembre 2020, une multitude de réunions dites de « concertation» sont organisées sous l’égide du ministère de la Transition écologique. L’objectif ? Officiellement, rediscuter thématique par thématique des propositions citoyennes. Officieusement, faire voler en éclats la promesse du « sans-filtre » et annoncer la couleur : la porte est grande ouverte aux intérêts privés. Ces réunions signent très vite l’extrême disproportion des forces entre les parties prenantes représentées : « 95 participants, 3 citoyens de la Convention Citoyenne, 2 représentants d’ONG… y’a pas comme un déséquilibre ? » interpellait ainsi sur Twitter Agnès Catoire, l’une des représentantes de la Convention, le 18 septembre dernier, au sujet d’une réunion sur la publicité." .../...
"Mais il est un autre outil, plus sournois encore, pour neutraliser les débats : l’étude d’impact socio-économique, et l’« objectivité» des résultats qui en découle. L’argument se veut d’autant plus implacable qu’il provient directement de la puissance publique, réputée tout aussi objective. Que ce soit dans les transports ou dans l’agriculture, les services de l’État ont ainsi largement contribué à nourrir le discrédit jeté sur les propositions des citoyens, en multipliant les dites études d’impact. Au ministère des Transports, c’est la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) qui s’est chargée de stigmatiser les mesures concernant l’aviation grâce à une étude chiffrant les pertes économiques et d’emploi pour le secteur (nous reviendrons dans article spécifique sur le lobbying de ce secteur)." .../...
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Comment les lobbys industriels ont saboté les réformes voulues par les citoyens de la Convention climat
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"Où est donc passée l’obligation de rénovation thermique des logements ? Qui a ajouté cette dérogation concernant l’interdiction de nouveaux centres commerciaux ? Pourquoi la redevance sur les engrais azotés est-elle reportée ? Quid du moratoire sur la 5G ou de l’interdiction de la publicité pour la malbouffe ? Sept mois et demi après leur rendu, le 21 juin 2020, les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat arrivent, « comme convenu », à la table du conseil des ministres le 10 février, sous la forme d’un projet de loi [1]. Mais c’est bien, semble-t-il, la seule chose qui ait été à peu près respectée – et encore, non sans un certain retard. Pour le reste, la lecture du texte suffit à comprendre l’ampleur des dégâts : nombre de mesures phares ont disparu, sont rognées ou détournées selon les cas, quand elles n’ont pas été tout bonnement expurgées.
L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre « d’au moins 40 % d’ici 2030» [2], reste-t-il atteignable, dans ces conditions ? De l’aveu même de l’exécutif, entre la moitié et les deux tiers « du chemin», seulement, serait « sécurisé », reconnaît l’étude d’impact associée au projet de loi. On en serait bien plus loin, selon le député Matthieu Orphelin, qui a contre-expertisé le document officiel. En l’état, le projet de loi ne parviendrait en réalité à économiser au maximum que 13 MtCO2/an… soit 12 % de l’objectif total [3]. Dans son avis rendu fin janvier, le CESE ne s’encombre pas de précautions : considérer que ce texte « s’inscrit dans la stratégie nationale bas-carbone » [4] n’est rien d’autre qu’un « abus de langage » [5]."
9 mois de travaux... et une amère désillusion
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La connivence de l’État et de ses administrations avec les intérêts privés des pollueurs
"Si les grands groupes peuvent mobiliser des armées de lobbyistes, de communicants, d’experts et d’influenceurs, leurs alliés les plus décisifs se trouvent souvent au sein même de l’appareil d’État. C’est le ressort secret de leur influence. La Convention citoyenne a été conçue pour sortir de l’entre-soi des industriels et de l’administration. On en est vite revenu aux vieilles habitudes. Dès septembre 2020, une multitude de réunions dites de « concertation» sont organisées sous l’égide du ministère de la Transition écologique. L’objectif ? Officiellement, rediscuter thématique par thématique des propositions citoyennes. Officieusement, faire voler en éclats la promesse du « sans-filtre » et annoncer la couleur : la porte est grande ouverte aux intérêts privés. Ces réunions signent très vite l’extrême disproportion des forces entre les parties prenantes représentées : « 95 participants, 3 citoyens de la Convention Citoyenne, 2 représentants d’ONG… y’a pas comme un déséquilibre ? » interpellait ainsi sur Twitter Agnès Catoire, l’une des représentantes de la Convention, le 18 septembre dernier, au sujet d’une réunion sur la publicité."
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"Mais il est un autre outil, plus sournois encore, pour neutraliser les débats : l’étude d’impact socio-économique, et l’« objectivité» des résultats qui en découle. L’argument se veut d’autant plus implacable qu’il provient directement de la puissance publique, réputée tout aussi objective. Que ce soit dans les transports ou dans l’agriculture, les services de l’État ont ainsi largement contribué à nourrir le discrédit jeté sur les propositions des citoyens, en multipliant les dites études d’impact. Au ministère des Transports, c’est la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) qui s’est chargée de stigmatiser les mesures concernant l’aviation grâce à une étude chiffrant les pertes économiques et d’emploi pour le secteur (nous reviendrons dans article spécifique sur le lobbying de ce secteur)."
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https://www.bastamag.net/Convention-citoyenne-pour-le-climat-150-propositions-loi-lobbys-industriels-Emmanuel-Macron
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