jeudi 15 avril 2021

Jugement contre le renseignement : indices d’une demi-victoire ?


Jugement contre le renseignement : indices d'une demi-victoire ?

Deux jours avant l'audience du 16 avril au Conseil d'État, le rapporteur public vient de

nous informer du sens des conclusions qu'il soutiendra dans notre grande affaire contre la surveillance de masse des télécommunications.

Si le Conseil d'État ne sera pas obligé de suivre les conclusions du rapporteur public, elles offrent de premiers indices sur ce que nous pouvons espérer gagner et perdre au terme de ces 6 ans de procédure.

Demi-victoire

Du côté de la victoire, le rapporteur public s'oppose au souhait du gouvernement de placer la France en dehors du champ d'application du droit de l'Union européenne. Ainsi, pour l'essentiel, le rapporteur public demande à ce que soient abrogés les décrets qui imposent aux opérateurs de télécommunications de conserver pendant un an les données de connexion de l'ensemble de la population (liste des correspondants téléphoniques, des antennes relais croisées, etc.). Telle qu'exigée par la Cour de justice de l'Union européenne, cette conservation généralisée doit-être limitée aux seules périodes d'état d'urgence sécuritaire — ce qui n'est pas le cas en France.

Autre bonne nouvelle : le rapporteur public exige que les services de renseignement ne puissent plus exploiter nos données de connexion ou de localisation qu'en situation d'urgence sécuritaire et après s'être soumis au contrôle d'une autorité indépendante disposant de pouvoirs de contrainte. Actuellement, c'est la CNCTR (commission nationale de contrôle des techniques de renseignement) qui est chargée de surveiller les services de renseignement, mais son rôle se limite à donner des avis dépourvus de tout effet contraignant. Ici encore, la Cour de justice de l'UE a demandé à la France de corriger ce manquement, le rapporteur public demande au Conseil d'État de s'exécuter.

Demi-défaite

Hélas, à côté de ces deux espoirs importants, les conclusions du rapporteur public sont négatives sur trois points.

Premièrement, et contrairement à ce que demande la Cour de justice de l'UE, le rapporteur public n'appelle pas à la suppression des décrets qui obligent aux hébergeurs Internet de conserver pendant un an l'adresse IP de l'ensemble des personnes qui publient des informations sur leur service. Si le Conseil d'État suivait cette position, il placerait la France en manquement vis-à-vis des exigences européennes en matière de protection de l'anonymat sur Internet.

Deuxièmement, le rapporteur public ne demande pas à ce que les services de renseignement mettent fin aux algorithmes qu'ils déploient sur les réseaux de télécommunications afin de détecter automatiquement de nouvelles cibles. Pourtant, ici encore, la Cour de justice a exigé que cette technique de surveillance de masse soit limitée aux périodes d'état d'urgence sécuritaire — limite que la loi française refuse de prévoir.

Troisièmement, le rapporteur public suggère de laisser au gouvernement un délai de six mois afin de mettre le droit français en conformité avec le droit de l'UE. Pourtant, la Cour de justice de l'UE s'était expressément opposée à l'hypothèse d'un tel délai : le gouvernement français sait depuis plusieurs années que la France viole le droit européen et il n'y a donc aucune raison pragmatique de retarder le respect de nos libertés fondamentales.

Futur incertain


Si les conclusions du rapporteur public semblent dessiner une demi-victoire (rappelant pour beaucoup la défaite victorieuse que nous avions obtenue devant la Cour de justice de l'UE en octobre 2020), le futur reste en vérité largement incertain. Notre affaire est d'un poids politique rare, qu'il s'agisse de l'avenir des services de renseignement ou du sort de la France au sein de l'Union européenne. Ce poids est tel que le Conseil d'État a choisi de rendre sa décision dans sa formation exceptionnelle la plus solennelle, l'Assemblée du contentieux.

Ainsi, nous restons préparées à n'importe quel coup de théâtre et, notamment, à celui que le respect de nos libertés fondamentales impose : que le Conseil d'État ne s'arrête pas au demi-compromis proposé par le rapporteur public mais applique entièrement la décision de la Cour de justice en garantissant l'anonymat sur Internet et en s'opposant sans délai à toute mesure de surveillance de masse

3 commentaires:

Anonyme a dit…

ASSEMBLÉE NATIONALE

Sécurité globale : En Marche vers la surveillance de masse généralisée !
Ugo Bernalicis



https://youtu.be/EUWEjzFS1hs



Jeudi 15 avril, Ugo Bernalicis intervenait dans l'hémicycle pour défendre la motion de rejet de la loi "sécurité globale" déposée par le groupe parlementaire de la France insoumise.

Malgré son nouveau nom, le contenu de la loi dite "pour une sécurité globale respectueuse des libertés" n'en devient pas moins liberticide, bien au contraire !

Sous couvert d'une réécriture de l'article 24, qui par son application punira les français, y compris les journalistes, qui filmeront des interventions policières, le gouvernement persiste dans la surrenchère sécuritaire en intégrant de nouvelles mesures qui figurent dans les revendications des syndicats de police les plus radicaux.

Alors que ce nouveau nom laisse penser que le texte protègera nos concitoyens de la reconnaissance faciale, il n'en est rien non plus. En revanche, il généralisera bel l'usage des drônes en maintien de l'ordre, notamment pour couvrir les manifestations.

En votant cette loi, la majorité a fait le choix de la surveillance généralisée pour combler les bilans désastreux des ministres de l'Intérieur en matière de sécurité publique.

#StopLoiSécuritéGlobale

Anonyme a dit…

Et quid de la grande délinquance ?


"Grâce à ce texte, définitivement voté jeudi, elles vont expérimenter durant cinq ans de nouvelles prérogatives pour juguler les incivilités et la petite délinquance."
(...)


https://www.lefigaro.fr/actualite-france/loi-securite-globale-les-polices-municipales-vont-pouvoir-controler-et-verbaliser-tous-azimuts-20210415

Anonyme a dit…

https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/police/la-revocation-du-secretaire-general-du-syndicat-de-police-vigi-pour-avoir-critique-sa-hierarchie-a-ete-suspendue_4374985.html