Épidémie et technologies : « Sous les dorures de la start-up nation, un pouvoir coercitif »
"Une application smartphone de « tracking », c’est-à-dire de pistage des contaminations par le virus, serait-elle la solution pour sortir au plus vite du confinement ? Pas du tout, répond le sociologue et activiste des libertés numériques Félix Tréguer. Pour lui, ce n’est pas là que se trouve la réponse à la crise sanitaire. Surtout, sous l’apparence inoffensive du numérique, ces outils renforcent en fait le pouvoir policier." .../...
Les multinationales du numérique et de la donnée sont aussi sur le coup, avec notamment Apple et Google qui annoncent une application de tracking du virus. Que peut-on attendre d’elles dans cette crise ?
"On assiste à une opération de blanchiment numérique massive de nombreux acteurs qui incarnent le capitalisme de surveillance et son modèle économique basé sur la collecte généralisée de nos données personnelles, à travers les applications et tous les services numériques que nous utilisons. Je fais référence à la fois aux opérateurs de télécom qui mesurent les déplacements de la population, mais aussi à des start-ups qui vivent de la publicité ciblée, et à Google qui détient l’historique de navigation de centaines de millions d’utilisateurs de Google maps. Pour ces acteurs, notamment les Gafam qui étaient sous le feu des critiques depuis quelques mois, c’est une aubaine. Nombre d’acteurs estiment qu’il est très utile de disposer de ces masses de données sur la population pour la gérer aux mieux.
On voit aussi l’accélération de ces nouveaux paradigmes bureaucratiques et gestionnaires que sont ceux du big data dans le secteur de la santé. Palantir [firme états-unienne spécialisée dans l’analyse de données, créée avec l’aide de la CIA], Google, Microsoft, Amazon, cherchent à collaborer avec le service national de santé (NHS) du Royaume Uni. Ils sont aussi apparemment en discussion avec d’autres autorités sanitaires en Europe pour croiser des donnés et gérer de cette manière au mieux la ressource hospitalière. Puisqu’il n’y a pas assez de lits ni de matériel, on croise des tonnes de données pour essayer de piloter cela du mieux possible. Cette fuite en avant vers le big data participe à accélérer des transformations qui étaient déjà très prégnantes dans les politiques de santé, de réduction des moyens. Ce n’est pas de nature à créer un système de santé qui permettra de gérer ce type de crise sanitaire à l’avenir."
Selon vous, dans cet épisode, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ne joue pas son rôle de garante des libertés numériques ?
"La Cnil appelle certes à la vigilance mais, en fait, elle accompagne tranquillement le processus de surveillance, et conserve une vision très juridique, étriquée, rendue encore plus molle que d’habitude par la sidération ambiante. En retraçant son histoire, il apparaît que la Cnil fonctionne en fait beaucoup plus comme un alibi de la surveillance que comme une autorité capable de nous prémunir contre de telles dérives. Marie-Laure Denis, l’actuelle directrice de la Cnil, dans une interview au Monde, a dit au sujet des applications de backtracking du virus qu’il faudra un dispositif législatif si l’application est rendue obligatoire [2]. Ce que nous craignons, c’est que si une loi est votée un jour, elle donnera aussi tout pouvoir pour imposer des bracelets électroniques et des objets connectés aux personnes en quarantaine, pour s’assurer qu’elles restent bien chez elle, pour contrôler notre assignation à résidence. Cette position de la Cnil n’est pas du tout à la hauteur des enjeux." .../...
Le gouvernement va financer les grandes entreprises polluantes sans poser de condition écologique
"Tard dans la nuit de vendredi à samedi 18 avril, dans le cadre du vote sur le projet de loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le gouvernement et les députés de la majorité ont refusé de conditionner l’aide financière de 20 milliards d’euros, en cas de recapitalisation d’entreprises polluantes, à un changement en profondeur de leur modèle économique.
La société civile et des députés de plusieurs bords proposaient pourtant d’exiger des entreprises soutenues un « plan de transformation compatible avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris », les contraignant à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement et sa majorité parlementaire ont adopté un amendement visant à demander aux entreprises de s’engager pour la transition écologique, mais « aucune contrainte ni mécanisme de sanction n’ont été introduits dans le texte » selon Greenpeace, Oxfam et les Amis de la Terre. « Même la proposition de consulter le Haut Conseil pour le Climat sur l’utilisation de l’enveloppe de 20 milliards d’euros a été rejetée », déplorent les organisations." .../...
Matthieu ORPHELIN @M_Orphelin
Lamentable rejet par le gouvernement et la majorité de notre amendement demandant des contreparties #climat aux grandes entreprises recevant les 20 Mds€ de participations de l'Etat. Remplacé par un simple rapport #greenwashing du gouv. Très mauvais signal pour #lemondedaprès
2 commentaires:
LES GAFAM AU SERVICE DE LA START-UP NATION...
ENTRETIEN
Épidémie et technologies : « Sous les dorures de la start-up nation, un pouvoir coercitif »
"Une application smartphone de « tracking », c’est-à-dire de pistage des contaminations par le virus, serait-elle la solution pour sortir au plus vite du confinement ? Pas du tout, répond le sociologue et activiste des libertés numériques Félix Tréguer. Pour lui, ce n’est pas là que se trouve la réponse à la crise sanitaire. Surtout, sous l’apparence inoffensive du numérique, ces outils renforcent en fait le pouvoir policier."
.../...
Les multinationales du numérique et de la donnée sont aussi sur le coup, avec notamment Apple et Google qui annoncent une application de tracking du virus. Que peut-on attendre d’elles dans cette crise ?
"On assiste à une opération de blanchiment numérique massive de nombreux acteurs qui incarnent le capitalisme de surveillance et son modèle économique basé sur la collecte généralisée de nos données personnelles, à travers les applications et tous les services numériques que nous utilisons. Je fais référence à la fois aux opérateurs de télécom qui mesurent les déplacements de la population, mais aussi à des start-ups qui vivent de la publicité ciblée, et à Google qui détient l’historique de navigation de centaines de millions d’utilisateurs de Google maps. Pour ces acteurs, notamment les Gafam qui étaient sous le feu des critiques depuis quelques mois, c’est une aubaine. Nombre d’acteurs estiment qu’il est très utile de disposer de ces masses de données sur la population pour la gérer aux mieux.
On voit aussi l’accélération de ces nouveaux paradigmes bureaucratiques et gestionnaires que sont ceux du big data dans le secteur de la santé. Palantir [firme états-unienne spécialisée dans l’analyse de données, créée avec l’aide de la CIA], Google, Microsoft, Amazon, cherchent à collaborer avec le service national de santé (NHS) du Royaume Uni. Ils sont aussi apparemment en discussion avec d’autres autorités sanitaires en Europe pour croiser des donnés et gérer de cette manière au mieux la ressource hospitalière. Puisqu’il n’y a pas assez de lits ni de matériel, on croise des tonnes de données pour essayer de piloter cela du mieux possible. Cette fuite en avant vers le big data participe à accélérer des transformations qui étaient déjà très prégnantes dans les politiques de santé, de réduction des moyens. Ce n’est pas de nature à créer un système de santé qui permettra de gérer ce type de crise sanitaire à l’avenir."
Selon vous, dans cet épisode, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ne joue pas son rôle de garante des libertés numériques ?
"La Cnil appelle certes à la vigilance mais, en fait, elle accompagne tranquillement le processus de surveillance, et conserve une vision très juridique, étriquée, rendue encore plus molle que d’habitude par la sidération ambiante. En retraçant son histoire, il apparaît que la Cnil fonctionne en fait beaucoup plus comme un alibi de la surveillance que comme une autorité capable de nous prémunir contre de telles dérives. Marie-Laure Denis, l’actuelle directrice de la Cnil, dans une interview au Monde, a dit au sujet des applications de backtracking du virus qu’il faudra un dispositif législatif si l’application est rendue obligatoire [2]. Ce que nous craignons, c’est que si une loi est votée un jour, elle donnera aussi tout pouvoir pour imposer des bracelets électroniques et des objets connectés aux personnes en quarantaine, pour s’assurer qu’elles restent bien chez elle, pour contrôler notre assignation à résidence. Cette position de la Cnil n’est pas du tout à la hauteur des enjeux."
.../...
https://www.bastamag.net/application-stopcovid-tracking-geolocalisation-drone-verbalisation-technologie-surveillance-quadrature-du-net
Le gouvernement va financer les grandes entreprises polluantes sans poser de condition écologique
"Tard dans la nuit de vendredi à samedi 18 avril, dans le cadre du vote sur le projet de loi de finances rectificative à l’Assemblée nationale, le gouvernement et les députés de la majorité ont refusé de conditionner l’aide financière de 20 milliards d’euros, en cas de recapitalisation d’entreprises polluantes, à un changement en profondeur de leur modèle économique.
La société civile et des députés de plusieurs bords proposaient pourtant d’exiger des entreprises soutenues un « plan de transformation compatible avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris », les contraignant à réduire drastiquement leurs émissions de gaz à effet de serre. Le gouvernement et sa majorité parlementaire ont adopté un amendement visant à demander aux entreprises de s’engager pour la transition écologique, mais « aucune contrainte ni mécanisme de sanction n’ont été introduits dans le texte » selon Greenpeace, Oxfam et les Amis de la Terre. « Même la proposition de consulter le Haut Conseil pour le Climat sur l’utilisation de l’enveloppe de 20 milliards d’euros a été rejetée », déplorent les organisations."
.../...
Matthieu ORPHELIN
@M_Orphelin
Lamentable rejet par le gouvernement et la majorité de notre amendement demandant des contreparties #climat aux grandes entreprises recevant les 20 Mds€ de participations de l'Etat. Remplacé par un simple rapport #greenwashing du gouv. Très mauvais signal pour #lemondedaprès
https://reporterre.net/Le-gouvernement-va-financer-les-grandes-entreprises-polluantes-sans-poser-de-condition
Enregistrer un commentaire