Société 5 MILLIARDS POUR LA RECHERCHE, ET ALORS ? POURQUOI L’ANNONCE D’EMMANUEL MACRON NE FAIT PAS L’UNANIMITÉ DANS LE CONTEXTE ÉPIDÉMIQUE
Une tribune d’Amandine Fillol (Université de Montréal) et Marie Detemple (École normale supérieure de Lyon).
"Le 19 mars 2020, Emmanuel Macron annonçait dans un tweet l’octroi de 5 milliards d’euros à la recherche française, répartis sur dix ans. Dans le contexte médiatique actuel, obnubilé par la dramaturgie épidémique, l’annonce a été discrète. Elle a cependant suscité diverses réactions et n’a pas fait l’unanimité chez les chercheurs et chercheuses.
Que M. Macron reconnaisse « le caractère vital de la recherche scientifique » n’est pas pour nous déplaire. Toutefois, ce tweet, associé au contexte actuel, est révélateur d’une disposition de pensée plus générale de nos dirigeants à l’égard de la recherche et de la santé publique. Comme toute crise, l’épidémie de Covid-19 met en évidence des dysfonctionnements. Elle est certainement l’occasion, en particulier pour nous, jeunes chercheuses, de repenser nos modèles politiques et les valeurs qui sous-tendent les décisions politiques, notamment celles relatives aux pratiques de recherche en santé.
Il ne s’agit bien évidemment pas de s’inscrire en porte-à-faux avec les mesures qui ont été prises par notre gouvernement, à juste raison. Mais devant l’ampleur des réflexions qu’appelle cette épidémie, il nous semble essentiel d’amorcer une réflexion plus large, afin d’enrichir la conception de la santé et de la santé publique mise en œuvre par nos dirigeants." .../...
Une conception pauvre de la santé
"Réfléchir à ces enjeux est d’autant plus important que le traitement politique et médiatique de la crise du Covid-19 a fait une large place à la « parole des experts. Mais pas n’importe lesquels : le Conseil Scientifique mis en place pour la lutte contre le Covid-19 regroupe onze membres, parmi lesquels seulement un sociologue, spécialiste de l’économie et de la gouvernance institutionnelle du secteur sanitaire, et une anthropologue dont les recherches portent sur les crises sanitaires et humanitaires. Les autres membres sont des professionnels de santé, des épidémiologistes et des infectiologues.
La composition de ce Conseil Scientifique et la gestion de l’épidémie sont symptomatiques d’une vision pauvre de la santé et de la santé publique, portée par le gouvernement : une conception pasteurienne centrée sur la lutte contre les microbes, virus ou bactéries, et une définition de la santé comme l’absence de maladie. Pourtant, la santé publique au niveau international a pris un autre tournant : celui des déterminants sociaux de la santé. L’OMS définit ainsi la santé comme un état de bien-être physique, mental et social. Les sciences sociales ont, depuis longtemps, mis en évidence l’influence des inégalités de répartition des biens, des revenus et du pouvoir – des conditions de vie en général – sur la santé des populations, à la fois au niveau individuel et à l’échelle du système social. Ainsi, lutter contre les inégalités sociales de santé, c’est à la fois faire reposer les décisions politiques en matière de santé sur des valeurs d’équité et de justice sociale, et être plus efficace dans l’atteinte d’un état de santé jugé optimal pour l’ensemble de la population." .../...
2 commentaires:
Sauf les joueurs de foot …
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5 MILLIARDS POUR LA RECHERCHE, ET ALORS ? POURQUOI L’ANNONCE D’EMMANUEL MACRON NE FAIT PAS L’UNANIMITÉ DANS LE CONTEXTE ÉPIDÉMIQUE
Une tribune d’Amandine Fillol (Université de Montréal) et Marie Detemple (École normale supérieure de Lyon).
"Le 19 mars 2020, Emmanuel Macron annonçait dans un tweet l’octroi de 5 milliards d’euros à la recherche française, répartis sur dix ans. Dans le contexte médiatique actuel, obnubilé par la dramaturgie épidémique, l’annonce a été discrète. Elle a cependant suscité diverses réactions et n’a pas fait l’unanimité chez les chercheurs et chercheuses.
Que M. Macron reconnaisse « le caractère vital de la recherche scientifique » n’est pas pour nous déplaire. Toutefois, ce tweet, associé au contexte actuel, est révélateur d’une disposition de pensée plus générale de nos dirigeants à l’égard de la recherche et de la santé publique. Comme toute crise, l’épidémie de Covid-19 met en évidence des dysfonctionnements. Elle est certainement l’occasion, en particulier pour nous, jeunes chercheuses, de repenser nos modèles politiques et les valeurs qui sous-tendent les décisions politiques, notamment celles relatives aux pratiques de recherche en santé.
Il ne s’agit bien évidemment pas de s’inscrire en porte-à-faux avec les mesures qui ont été prises par notre gouvernement, à juste raison. Mais devant l’ampleur des réflexions qu’appelle cette épidémie, il nous semble essentiel d’amorcer une réflexion plus large, afin d’enrichir la conception de la santé et de la santé publique mise en œuvre par nos dirigeants."
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Une conception pauvre de la santé
"Réfléchir à ces enjeux est d’autant plus important que le traitement politique et médiatique de la crise du Covid-19 a fait une large place à la « parole des experts. Mais pas n’importe lesquels : le Conseil Scientifique mis en place pour la lutte contre le Covid-19 regroupe onze membres, parmi lesquels seulement un sociologue, spécialiste de l’économie et de la gouvernance institutionnelle du secteur sanitaire, et une anthropologue dont les recherches portent sur les crises sanitaires et humanitaires. Les autres membres sont des professionnels de santé, des épidémiologistes et des infectiologues.
La composition de ce Conseil Scientifique et la gestion de l’épidémie sont symptomatiques d’une vision pauvre de la santé et de la santé publique, portée par le gouvernement : une conception pasteurienne centrée sur la lutte contre les microbes, virus ou bactéries, et une définition de la santé comme l’absence de maladie. Pourtant, la santé publique au niveau international a pris un autre tournant : celui des déterminants sociaux de la santé. L’OMS définit ainsi la santé comme un état de bien-être physique, mental et social. Les sciences sociales ont, depuis longtemps, mis en évidence l’influence des inégalités de répartition des biens, des revenus et du pouvoir – des conditions de vie en général – sur la santé des populations, à la fois au niveau individuel et à l’échelle du système social. Ainsi, lutter contre les inégalités sociales de santé, c’est à la fois faire reposer les décisions politiques en matière de santé sur des valeurs d’équité et de justice sociale, et être plus efficace dans l’atteinte d’un état de santé jugé optimal pour l’ensemble de la population."
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