"À chaque nouveau tour de vis numérique, ce sont les structures (sociales, économiques) du présent que l’on verrouille un peu plus. Ne sommes-nous pas en train d’assister à une révolution numérique conservatrice, impactant nos modes de vie, de pensée, voire nos modes de régulation sociale, au profit d’une gouvernance algorithmique dangereuse pour les libertés publiques et la démocratie? L’urgence de développer des points de vue critiques sur ces transformations s’impose tous les jours un peu plus." .../...
RENVERSER LE RAPPORT DE FORCE
"Algorithmes qui perpétuent les biais sociétaux à grande échelle, monde du travail plus hiérarchisé que jamais grâce au taylorisme numérique, géants technologiques qui construisent à grande vitesse des rentes indéboulonnables…
Le changement technologique est une bonne excuse pour ne rien changer du tout.
Nous voilà de plus en plus proches des visions techno-futuristes cauchemardesques de William Gibson, auteur notamment de Neuromancien et père du Cyberpunk. Un genre littéraire, cinématographique, visuel, qui dépeint une humanité qui s’est largement abandonnée à la technologie dans les moindres recoins de sa vie et même de ses corps (via des prothèses, ou des « augmentations » diverses et variées). Des mondes aussi très stratifiés, où l’écart entre « ceux d’en haut » (rappelez-vous, qu’il faut protéger sans contraindre) et ceux d’en bas est définitivement impossible à combler et assumé comme tel. Des mondes enfin où les grandes entreprises privées sont les nouvelles puissances politiques et régulatrices de nos vies. Or William Gibson le dit lui-même : « le changement technologique est une bonne excuse pour ne rien changer du tout ».
En temps de crise, il est tentant et (trop) humain de se raccrocher au passé, pour le faire vivre dans tout ce qu’il a de rassurant. Mais, écrit Eva Illouz, sociologue franco-israélienne, « vouloir illuminer le présent par le passé revient à chercher un objet perdu sous un lampadaire parce que c’est le seul endroit où il y a de la lumière ». L’usage actuel de la technologie s’assure de l’ordre (préserver celui en place) plutôt que de la justice (rééquilibrer les rapports), pour paraphraser une interview récente de l’acteur et réalisateur Jean-Pierre Darroussin.
Sous couvert de marche en avant progressiste, le néo-libéralisme technologique nous conduit tout droit à une mise en stase qui figerait la société actuelle. On peut alors, avec la philosophe Barbara Stiegler, faire appel à la grande figure du pragmatisme américain John Dewey. Rejetant « une adaptation passive des masses à l’environnement dégradé créé par la révolution industrielle, Dewey n’a cessé de lui opposer ce qu’il pensait être le véritable sens de la révolution darwinienne: le fait que les êtres vivants s’étaient toujours adaptés en modifiant activement leurs environnements ».
Plutôt que de figer les structures du passé, il faudrait par le travail expérimental de l’intelligence collective, multiplier les initiatives démocratiques, inventer « par le bas » un autre avenir commun. Un mouvement qui germe ça et là dans le développement technologique : défense du « design participatif », de la transparence, ou encore réappropriation des savoirs et des données face à la confiscation et l’asymétrie de l’information auxquelles nous soumettent les grands acteurs technologiques."
"Un chômeur a été radié pour avoir envoyé des candidatures à des employeurs par courrier postal recommandé. Pôle emploi lui reproche de n’avoir pas utilisé les canaux numériques et conclut à un manque de sérieux dans ses démarches. Le demandeur d’emploi a saisi le tribunal administratif." (...)
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"À chaque nouveau tour de vis numérique, ce sont les structures (sociales, économiques) du présent que l’on verrouille un peu plus. Ne sommes-nous pas en train d’assister à une révolution numérique conservatrice, impactant nos modes de vie, de pensée, voire nos modes de régulation sociale, au profit d’une gouvernance algorithmique dangereuse pour les libertés publiques et la démocratie? L’urgence de développer des points de vue critiques sur ces transformations s’impose tous les jours un peu plus."
.../...
RENVERSER LE RAPPORT DE FORCE
"Algorithmes qui perpétuent les biais sociétaux à grande échelle, monde du travail plus hiérarchisé que jamais grâce au taylorisme numérique, géants technologiques qui construisent à grande vitesse des rentes indéboulonnables…
Le changement technologique est une bonne excuse pour ne rien changer du tout.
Nous voilà de plus en plus proches des visions techno-futuristes cauchemardesques de William Gibson, auteur notamment de Neuromancien et père du Cyberpunk. Un genre littéraire, cinématographique, visuel, qui dépeint une humanité qui s’est largement abandonnée à la technologie dans les moindres recoins de sa vie et même de ses corps (via des prothèses, ou des « augmentations » diverses et variées). Des mondes aussi très stratifiés, où l’écart entre « ceux d’en haut » (rappelez-vous, qu’il faut protéger sans contraindre) et ceux d’en bas est définitivement impossible à combler et assumé comme tel. Des mondes enfin où les grandes entreprises privées sont les nouvelles puissances politiques et régulatrices de nos vies. Or William Gibson le dit lui-même : « le changement technologique est une bonne excuse pour ne rien changer du tout ».
En temps de crise, il est tentant et (trop) humain de se raccrocher au passé, pour le faire vivre dans tout ce qu’il a de rassurant. Mais, écrit Eva Illouz, sociologue franco-israélienne, « vouloir illuminer le présent par le passé revient à chercher un objet perdu sous un lampadaire parce que c’est le seul endroit où il y a de la lumière ». L’usage actuel de la technologie s’assure de l’ordre (préserver celui en place) plutôt que de la justice (rééquilibrer les rapports), pour paraphraser une interview récente de l’acteur et réalisateur Jean-Pierre Darroussin.
Sous couvert de marche en avant progressiste, le néo-libéralisme technologique nous conduit tout droit à une mise en stase qui figerait la société actuelle. On peut alors, avec la philosophe Barbara Stiegler, faire appel à la grande figure du pragmatisme américain John Dewey. Rejetant « une adaptation passive des masses à l’environnement dégradé créé par la révolution industrielle, Dewey n’a cessé de lui opposer ce qu’il pensait être le véritable sens de la révolution darwinienne: le fait que les êtres vivants s’étaient toujours adaptés en modifiant activement leurs environnements ».
Plutôt que de figer les structures du passé, il faudrait par le travail expérimental de l’intelligence collective, multiplier les initiatives démocratiques, inventer « par le bas » un autre avenir commun. Un mouvement qui germe ça et là dans le développement technologique : défense du « design participatif », de la transparence, ou encore réappropriation des savoirs et des données face à la confiscation et l’asymétrie de l’information auxquelles nous soumettent les grands acteurs technologiques."
https://lvsl.fr/la-revolution-numerique-est-profondement-conservatrice/
Avec ou sans accusé de réception ?
"Un chômeur a été radié pour avoir envoyé des candidatures à des employeurs par courrier postal recommandé. Pôle emploi lui reproche de n’avoir pas utilisé les canaux numériques et conclut à un manque de sérieux dans ses démarches. Le demandeur d’emploi a saisi le tribunal administratif."
(...)
https://www.mediapart.fr/journal/france/291221/internet-sinon-rien-pole-emploi-radie-un-chomeur-qui-postulait-par-courrier
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