Normal, ça s'appelle l'abrutissement collectif. Et oui, nous pourrons prendre l'avion, le train, aller chercher les cadeaux chez les papis et les mamies..... C'est vrai c'est beaucoup moins dangereux que d'aller au cinéma, au théâtre et j'en passe. Mais bon nous vivons en Macronie et les personnes que je rencontre pensent que c'est très bien.
"Dans son dernier roman, Comme un empire dans un empire (Flammarion), Alice Zeniter met en scène une génération qui s’engage, entre hacktivisme, ZAD et arcanes de l’Assemblée nationale. Comment parvenir à ce que les choses changent : faut-il rentrer à l’intérieur des institutions ou faire tout le travail de l’extérieur ? À moins qu’il ne soit possible de faire les deux ? Interview politico-littéraire." .../...
Cette manifestation constitue d’ailleurs l’un des tournants du récit, lorsqu’Antoine y croise un Gilet jaune victime d’un tir de LBD. C’est une question qui vous touche particulièrement, celle des violences policières ?
Oui, évidemment. Je fais partie de ces gens qui ne vont plus en manif’ parce que cette répression violente les a complètement impressionnés. Ce n’est pas une décision avec laquelle je suis sereine, mais la dernière fois que j’ai manifesté – ce devait être en 2017 – on s’est fait nasser, il y avait eu plein de gaz, j’ai eu trop peur. J’avais espoir, un temps, qu’on puisse retrouver des manifestations plus calmes après la loi Travail, mais en réalité les méthodes de maintien de l’ordre sont restées. Or, derrière cette question des violences policières, que ce soit à travers cette loi Travail ou les Gilets jaunes, se joue quelque chose d’important : on a découvert que la police pouvait, aussi, taper sur les blancs ! Beaucoup de gens ont découvert ce qu’étaient les violences policières parce qu’elles arrivaient à des gens qui leur ressemblaient, et en soi, cette prise de conscience est une grande avancée. Mais elle porte aussi un message bien plus gênant : cela veut-il donc dire que c’était toléré et « acceptable » quand ça arrivait à des personnes racisées ? Et que cela devient un scandale national lorsque c’est un père de famille blanc, de 45 ans ?" .../...
Et du coup, que vous inspire 2022 ? Vous nourrissez un semblant d’espoir, dans tout ce contexte ?
(elle réfléchit) "Je ne suis pas très optimiste… mais je ne suis pas non plus écrasée par un pessimisme terrifiant. En réalité, mon premier élan est toujours optimiste, au point que je suis souvent obligée de le calmer pour vérifier sur quoi il se base ! Le temps des élections est toujours un temps de changement possible, même s’il est moindre, donc j’ai l’espoir de voir arriver le moindre changement.
Depuis quelques années, je me demandais si j’allais arrêter de voter, ou non – parce que ce côté « moindre changement » me pesait de plus en plus, je me rendais compte que je n’avais jamais voté par entière conviction. C’est toujours un peu par défaut, comme un pis-aller. J’ai été élevée dans la rhétorique du « il faut voter, même pour voter blanc », et je songeais à faire un pas de côté par rapport à ça, pour voir ce que ça fait, voir si toute ma manière de penser la politique s’écroule au moment où je sors du système de vote. Et là, finalement, je me dis que ce ne sera pas en 2022 que je ferai ce pas de côté. Je vais absolument aller voter, parce que je veux absolument signifier à ce gouvernement à quel point ce qu’il a fait pendant l’exercice du pouvoir a été aberrant."
« Ceci n’est pas un spectacle, pas un flashmob. Ceci est une performance revendicative ! »
En grande partie spontané, un mouvement de colère des artistes s’est manifesté en beauté sur l’Esplanade montpelliéraine. Leur situation devient désastreuse, et moralement, celle du public avec eux.
"Un peu aidée par les réseaux sociaux, la foule a son génie, qui a su se rassembler un bon demi-millier tout au bout de l’Esplanade ce samedi en début d’après-midi, pour un événement d’abord annoncé devant l’Opéra-Comédie. Quel événement ? Celui lancé par le tout nouveau collectif “Les essentiels”. Celui-ci est constitué d’artistes montpelliérain.es, particulièrement des danseur.ses en forte proportion.
Ielles étaient quasiment deux cents, tous et toutes vêtu.es de noir, avec masque tout aussi noir et gros nez rouge de clown. Hyper efficace, pour signifier les paradoxes infernaux que la pandémie et sa paranoïa sèment jusque dans nos physionomies exposées en public. « Ceci n’est pas un spectacle, ceci n’est pas une fête, ceci n’est pas un flashmob » a averti la chorégraphe Katia Benbelkacem, au nom du collectif, pour présenter ce qui allait donc être « une performance revendicative », de gens « qui exercent un vrai métier », et qui « n’en peuvent plus de ne pas être pris au sérieux», et « de devoir se justifier ».
Ce sont des professionnels « aujourd’hui à bout de souffle », d’un secteur « près de s’effondrer ».
Les oreilles ministérielles auront sifflé, car « non, Madame Bachelot, les artistes ne bouillonnent pas ; ils meurent ». Leur colère est morale autant que leur détresse est matérielle, tenaillée par le sentiment d’être considéré.es comme « non essentiels ». L’oratrice a encore ironisé sur le déplacement imposé de l’événement, « comme s’il fallait encore nous cacher », alors que tout aurait dû se dérouler entre deux lieux hyper symboliques : l’Opéra-Comédie, une salle de spectacles obstinément close, et à cinquante mètre de là, le Monoprix bondé.
Allez comprendre la logique qui rend le business de Noël essentiel, au point de diffuser le virus sans problème autour des tiroirs-caisses, et les œuvres de l’esprit non essentiels, au point de bunkériser les salles de spectacles. Les deux cents artistes ont alors exécuté une chorégraphie, ponctuée de “die in” couché.es au sol. C’est un grand commentaire physique, plein de houle et de puissance d’un corps social en mouvement. Cela tandis qu’était lue la lettre d’Ariane Ascaride au président Mac : « Nous sommes indispensables à l’âme humaine ».
Cette intervention, brève, simple et percutante, a trouvé son maximum de sens dans le tableaux final. À cet instant, tous les performeurs, toutes les performeuses se sont précipité.es par les bords, pour laisser soudain totalement vide le grand espace qu’ils venaient d’animer. Tout d’un coup, cette sorte de place publique désertée par la vie, mais cernée par la population, disait fortement ce que la gestion de la pandémie a de destructeur, de mortifère, quant aux valeurs essentielles que sont nos besoins d’échanges, de découvertes, de messages et d’émotions partagés."
5 commentaires:
Normal, ça s'appelle l'abrutissement collectif.
Et oui, nous pourrons prendre l'avion, le train, aller chercher les cadeaux chez les papis et les mamies..... C'est vrai c'est beaucoup moins dangereux que d'aller au cinéma, au théâtre et j'en passe.
Mais bon nous vivons en Macronie et les personnes que je rencontre pensent que c'est très bien.
"Les sénateurs ont rétabli des mesures essentielles auxquelles s'opposait le ministre concernant leur enseignement."
(...)
https://www.lexpress.fr/culture/loi-sur-les-langues-regionales-blanquer-battu-au-senat_2140516.html
"Dans son dernier roman, Comme un empire dans un empire (Flammarion), Alice Zeniter met en scène une génération qui s’engage, entre hacktivisme, ZAD et arcanes de l’Assemblée nationale. Comment parvenir à ce que les choses changent : faut-il rentrer à l’intérieur des institutions ou faire tout le travail de l’extérieur ? À moins qu’il ne soit possible de faire les deux ? Interview politico-littéraire."
.../...
Cette manifestation constitue d’ailleurs l’un des tournants du récit, lorsqu’Antoine y croise un Gilet jaune victime d’un tir de LBD. C’est une question qui vous touche particulièrement, celle des violences policières ?
Oui, évidemment. Je fais partie de ces gens qui ne vont plus en manif’ parce que cette répression violente les a complètement impressionnés. Ce n’est pas une décision avec laquelle je suis sereine, mais la dernière fois que j’ai manifesté – ce devait être en 2017 – on s’est fait nasser, il y avait eu plein de gaz, j’ai eu trop peur. J’avais espoir, un temps, qu’on puisse retrouver des manifestations plus calmes après la loi Travail, mais en réalité les méthodes de maintien de l’ordre sont restées. Or, derrière cette question des violences policières, que ce soit à travers cette loi Travail ou les Gilets jaunes, se joue quelque chose d’important : on a découvert que la police pouvait, aussi, taper sur les blancs ! Beaucoup de gens ont découvert ce qu’étaient les violences policières parce qu’elles arrivaient à des gens qui leur ressemblaient, et en soi, cette prise de conscience est une grande avancée. Mais elle porte aussi un message bien plus gênant : cela veut-il donc dire que c’était toléré et « acceptable » quand ça arrivait à des personnes racisées ? Et que cela devient un scandale national lorsque c’est un père de famille blanc, de 45 ans ?"
.../...
Et du coup, que vous inspire 2022 ? Vous nourrissez un semblant d’espoir, dans tout ce contexte ?
(elle réfléchit) "Je ne suis pas très optimiste… mais je ne suis pas non plus écrasée par un pessimisme terrifiant. En réalité, mon premier élan est toujours optimiste, au point que je suis souvent obligée de le calmer pour vérifier sur quoi il se base ! Le temps des élections est toujours un temps de changement possible, même s’il est moindre, donc j’ai l’espoir de voir arriver le moindre changement.
Depuis quelques années, je me demandais si j’allais arrêter de voter, ou non – parce que ce côté « moindre changement » me pesait de plus en plus, je me rendais compte que je n’avais jamais voté par entière conviction. C’est toujours un peu par défaut, comme un pis-aller. J’ai été élevée dans la rhétorique du « il faut voter, même pour voter blanc », et je songeais à faire un pas de côté par rapport à ça, pour voir ce que ça fait, voir si toute ma manière de penser la politique s’écroule au moment où je sors du système de vote. Et là, finalement, je me dis que ce ne sera pas en 2022 que je ferai ce pas de côté. Je vais absolument aller voter, parce que je veux absolument signifier à ce gouvernement à quel point ce qu’il a fait pendant l’exercice du pouvoir a été aberrant."
Recueillis par Barnabé Binctin et Sophie Chapelle
https://www.bastamag.net/entretien-Alice-Zeniter-hacktivisme-ZAD-politique-violences-policieres-Comme-un-empire-dans-un-empire
Hep 18:40 t'es entouré.e d'abruti.e.s pour que les gens que les personnes que tu rencontre pensent que c'est très bien" en Macronie ?
« Ceci n’est pas un spectacle, pas un flashmob. Ceci est une performance revendicative ! »
En grande partie spontané, un mouvement de colère des artistes s’est manifesté en beauté sur l’Esplanade montpelliéraine. Leur situation devient désastreuse, et moralement, celle du public avec eux.
"Un peu aidée par les réseaux sociaux, la foule a son génie, qui a su se rassembler un bon demi-millier tout au bout de l’Esplanade ce samedi en début d’après-midi, pour un événement d’abord annoncé devant l’Opéra-Comédie. Quel événement ? Celui lancé par le tout nouveau collectif “Les essentiels”. Celui-ci est constitué d’artistes montpelliérain.es, particulièrement des danseur.ses en forte proportion.
Ielles étaient quasiment deux cents, tous et toutes vêtu.es de noir, avec masque tout aussi noir et gros nez rouge de clown. Hyper efficace, pour signifier les paradoxes infernaux que la pandémie et sa paranoïa sèment jusque dans nos physionomies exposées en public. « Ceci n’est pas un spectacle, ceci n’est pas une fête, ceci n’est pas un flashmob » a averti la chorégraphe Katia Benbelkacem, au nom du collectif, pour présenter ce qui allait donc être « une performance revendicative », de gens « qui exercent un vrai métier », et qui « n’en peuvent plus de ne pas être pris au sérieux», et « de devoir se justifier ».
Ce sont des professionnels « aujourd’hui à bout de souffle », d’un secteur « près de s’effondrer ».
Les oreilles ministérielles auront sifflé, car « non, Madame Bachelot, les artistes ne bouillonnent pas ; ils meurent ». Leur colère est morale autant que leur détresse est matérielle, tenaillée par le sentiment d’être considéré.es comme « non essentiels ». L’oratrice a encore ironisé sur le déplacement imposé de l’événement, « comme s’il fallait encore nous cacher », alors que tout aurait dû se dérouler entre deux lieux hyper symboliques : l’Opéra-Comédie, une salle de spectacles obstinément close, et à cinquante mètre de là, le Monoprix bondé.
Allez comprendre la logique qui rend le business de Noël essentiel, au point de diffuser le virus sans problème autour des tiroirs-caisses, et les œuvres de l’esprit non essentiels, au point de bunkériser les salles de spectacles. Les deux cents artistes ont alors exécuté une chorégraphie, ponctuée de “die in” couché.es au sol. C’est un grand commentaire physique, plein de houle et de puissance d’un corps social en mouvement. Cela tandis qu’était lue la lettre d’Ariane Ascaride au président Mac : « Nous sommes indispensables à l’âme humaine ».
Cette intervention, brève, simple et percutante, a trouvé son maximum de sens dans le tableaux final. À cet instant, tous les performeurs, toutes les performeuses se sont précipité.es par les bords, pour laisser soudain totalement vide le grand espace qu’ils venaient d’animer. Tout d’un coup, cette sorte de place publique désertée par la vie, mais cernée par la population, disait fortement ce que la gestion de la pandémie a de destructeur, de mortifère, quant aux valeurs essentielles que sont nos besoins d’échanges, de découvertes, de messages et d’émotions partagés."
https://lepoing.net/ceci-nest-pas-un-spectacle-pas-un-flashmob-ceci-est-une-performance-revendicative/
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