« La France a sa propre tradition de la racialisation des pratiques (...)
Alors que de nouveaux rapports, de Human Rights Watch et d’Amnesty International, dénoncent les nombreux abus du contrôle au faciès en France ou les préjugés racistes dans la police, la question continue pourtant de faire débat : l’institution policière se distingue-t-elle par une pratique raciale, en France ? Cela ne fait aucun doute, estime l’historien Emmanuel Blanchard. .../...
C’est à ce moment-là que s’institutionnalise, d’une certaine façon, le caractère raciste de certaines interventions policières, et toute la violence qui en découle ?
"À l’époque, en particulier dans les années qui ont suivi la guerre d’Algérie, il y a encore de nombreux crimes racistes qui sont le fait de la population lambda ou de militants d’extrême droite. Jusqu’aux années 1980 – et c’est l’histoire longue des violences xénophobes depuis la fin du 19e siècle – ces dernières ne sont pas le monopole des forces de l’ordre, loin de là : elles restent partagés par certaines franges de la société.
Après 1962, une partie des habitants estime avoir des comptes à régler en raison des affrontements de la guerre d’Algérie. L’indépendance algérienne a été perçue comme le signal du départ annoncé des immigrés. Les incitations au retour se multiplient avec la crise de l’emploi qui frappe le secteur industriel dès le début des années 1970. Les policiers partagent largement ces opinions et leur profession en fait des gardiens, non seulement de la légalité mais aussi d’un « bon ordre » qui est social, national et parfois donc racial. C’est ainsi que des catégories de population sont devenues des cibles pour les contrôles policiers. Les policier évoquent ainsi leurs « clientèles » tandis que certains sociologues parlent de « gibiers de police ».
Or le mandat de la police se caractérise par la possibilité d’utiliser la force, la fameuse « violence légitime » de Max Weber : à partir du moment où des personnes sont contrôlées beaucoup plus fréquemment que d’autres, et où ces contrôles sont largement fondés sur des stigmates négatifs, les garanties attachées aux droits fondamentaux des citoyens sont déjà entamées. Il y a un continuum qui mène de la violence symbolique – les contrôles d’identité sont de véritables « cérémonies de dégradation » [4] – aux pratiques mutilantes ou létales. Ces dépassements, que ce soit celui des règles de civilité attendue d’un fonctionnaire ou de la mesure des contraintes physiques infligées, s’ancrent dans des représentations négatives qui définissent des hiérarchies dans les publics de la police.
Depuis la fin des années 1980, les violences physiques racistes sont, heureusement, moins fréquentes dans l’espace public qu’elles ne l’étaient il y a encore moins d’un demi-siècle. Elles demeurent cependant récurrentes, témoignages et vidéos en attestent, dans le cadre d’interactions avec les forces de police. Cela tient aussi au fait que, dans des sociétés que Norbert Elias décrit comme de moins en moins violentes dans les relations du quotidien, la police est, elle, au contraire, devenue de plus en plus offensive, et plus armée encore qu’elle ne l’était dans les décennies précédentes." .../...
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« La France a sa propre tradition de la racialisation des pratiques (...)
Alors que de nouveaux rapports, de Human Rights Watch et d’Amnesty International, dénoncent les nombreux abus du contrôle au faciès en France ou les préjugés racistes dans la police, la question continue pourtant de faire débat : l’institution policière se distingue-t-elle par une pratique raciale, en France ? Cela ne fait aucun doute, estime l’historien Emmanuel Blanchard.
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C’est à ce moment-là que s’institutionnalise, d’une certaine façon, le caractère raciste de certaines interventions policières, et toute la violence qui en découle ?
"À l’époque, en particulier dans les années qui ont suivi la guerre d’Algérie, il y a encore de nombreux crimes racistes qui sont le fait de la population lambda ou de militants d’extrême droite. Jusqu’aux années 1980 – et c’est l’histoire longue des violences xénophobes depuis la fin du 19e siècle – ces dernières ne sont pas le monopole des forces de l’ordre, loin de là : elles restent partagés par certaines franges de la société.
Après 1962, une partie des habitants estime avoir des comptes à régler en raison des affrontements de la guerre d’Algérie. L’indépendance algérienne a été perçue comme le signal du départ annoncé des immigrés. Les incitations au retour se multiplient avec la crise de l’emploi qui frappe le secteur industriel dès le début des années 1970. Les policiers partagent largement ces opinions et leur profession en fait des gardiens, non seulement de la légalité mais aussi d’un « bon ordre » qui est social, national et parfois donc racial. C’est ainsi que des catégories de population sont devenues des cibles pour les contrôles policiers. Les policier évoquent ainsi leurs « clientèles » tandis que certains sociologues parlent de « gibiers de police ».
Or le mandat de la police se caractérise par la possibilité d’utiliser la force, la fameuse « violence légitime » de Max Weber : à partir du moment où des personnes sont contrôlées beaucoup plus fréquemment que d’autres, et où ces contrôles sont largement fondés sur des stigmates négatifs, les garanties attachées aux droits fondamentaux des citoyens sont déjà entamées. Il y a un continuum qui mène de la violence symbolique – les contrôles d’identité sont de véritables « cérémonies de dégradation » [4] – aux pratiques mutilantes ou létales. Ces dépassements, que ce soit celui des règles de civilité attendue d’un fonctionnaire ou de la mesure des contraintes physiques infligées, s’ancrent dans des représentations négatives qui définissent des hiérarchies dans les publics de la police.
Depuis la fin des années 1980, les violences physiques racistes sont, heureusement, moins fréquentes dans l’espace public qu’elles ne l’étaient il y a encore moins d’un demi-siècle. Elles demeurent cependant récurrentes, témoignages et vidéos en attestent, dans le cadre d’interactions avec les forces de police. Cela tient aussi au fait que, dans des sociétés que Norbert Elias décrit comme de moins en moins violentes dans les relations du quotidien, la police est, elle, au contraire, devenue de plus en plus offensive, et plus armée encore qu’elle ne l’était dans les décennies précédentes."
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https://www.bastamag.net/racialiste-violences-policieres-controle-au-facies-histoire-de-la-police-gens-du-voyage-Vichy-Algerie-color-blindness
L'ÉTAT POLICIER AU SERVICE DU CAPITAL
Patriotes Communistes
https://youtu.be/bsrMHAI0CJk
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