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Édouard Philippe reçoit un à un les syndicats de la SNCF: tête-à-tête ou dialogue de sourd?
Tout en acceptant de reprendre le dossier en main, le premier ministre a d'ores et déjà écarté toute concession sur le fond.
POLITIQUE - Avant même le début des hostilités, le patron de la CGT Philippe Martinez a donné le ton: "s'il nous invite, j'espère que c'est pour nous dire quelque chose." C'est dans ce climat de défiance que le premier ministre Edouard Philippe reçoit ce lundi 7 mai les syndicats de cheminots hostiles à la réforme de la SNCF. Des rendez-vous qui interviennent après des semaines de blocage des discussions entre les représentants des salariés, vent debout contre la fin du statut des cheminots, et la ministre des Transports Elisabeth Borne.
S'il a offert une première concession en acceptant de reprendre le dossier en main, une condition fixée expressément par les syndicats, le chef du gouvernement a, dans la foulée, réaffirmé son ambition d'aller "jusqu'au bout" de la réforme ferroviaire sans toucher aux fondamentaux des textes en cours d'adoption au Parlement.
À la veille d'un huitième épisode de deux jours de grève à la SNCF (mardi 8 et mercredi 9 mai), Edouard Philippe n'a, sur le fond, rien concédé sur ce qui est négociable et ce qui ne l'est pas.
"Nous ne reviendrons pas sur l'ouverture à la concurrence, nous ne reviendrons pas sur la réorganisation de l'entreprise et sur la fin du recrutement au statut", a-t-il réaffirmé vendredi sur France Bleu Berry. De quoi excéder la CGT Cheminots, Unsa ferroviaire, SUD-Rail et CFDT Cheminots qui avaient déjà claqué la porte de la concertation en découvrant que la réforme du fret avait été finalisée sans leur aval.
Un rapport de force à son paroxysme
Si les syndicats ont tout de même accepté de se rendre à Matignon, c'est qu'ils estiment avoir déjà remporté une première victoire en contraignant le premier ministre à ce tête à tête. "Le rapport de force a gagné", se félicitait jeudi Laurent Brun (CGT Cheminots, 1er syndicat à la SNCF), en marge d'un rassemblement à Paris pour mettre le gouvernement "sous pression".
Pourtant, l'équilibre des forces demeure intact, chaque protagoniste campant sur ses positions. Les syndicats, qui réclament encore de remettre l'ensemble de la réforme à plat, sont parvenus à préserver l'unité du mouvement ferroviaire, malgré la baisse relative de la participation à la grève "saute-mouton" instaurée jusqu'à la fin du mois de juin.
De son côté, l'exécutif joue la carte de la fermeté en s'appuyant sur l'impopularité de la grève, et ce malgré la hausse continue de la "cagnotte de soutien" aux cheminots dont le montant dépasse désormais le million d'euros.
L'opinion, véritable arbitre de ce conflit qui dure, marque encore son hésitation même s'il penche du côté de l'exécutif. La grève à la SNCF est toujours considérée comme injustifiée par une majorité des Français, selon un sondage Ifop paru dans Le Journal du Dimanche. Mais ce taux de 56% a baissé de 3 points depuis la semaine dernière. Dans le même temps, 61% des Français interrogés souhaitent que "le gouvernement aille jusqu'au bout" de la réforme.
Le durcissement se profile
Face à ce dialogue de sourds, l'hypothèse d'un durcissement du conflit n'est pas à exclure. Tandis que les manifestations sectorielles et unitaires se multiplient en ce mois de mai, les partisans de grèves dures gagnent en influence au sein du mouvement social. "En cas d'échec" à Matignon, les syndicats lanceront une "journée sans cheminots, sans train" le 14 mai, a menacé la CFDT Cheminots, qui avait pourtant pesé à l'origine pour éviter ce type d'actions. Le scénario d'une prolongation du conflit pendant les vacances d'été, hypothèse que l'exécutif veut à tout prix éviter, n'est toujours pas écarté.
"On voit bien qu'on n'est pas dans la conclusion du conflit", qui est entré dans son deuxième mois, puisque Edouard Philippe "reste sur des positions extrêmement dures", mais les cheminots sont "déterminés à aller au bout", a prévenu la CGT-cheminots. SUD-Rail, qui reste braquée sur le principe d'un "retrait" pur et simple, organise une manifestation ce lundi matin à Paris, devant les Invalides.
Le gouvernement, lui, veut gagner du temps en pariant sur l'essoufflement du mouvement une fois le texte de la réforme définitivement adopté. Tout en assumant "un état d'esprit très ouvert et en même temps très ferme", Edouard Philippe espère convaincre les syndicats qu'ils ont intérêt à la négociation. "Il y a encore des sujets à discuter comme les modalités de reprise de la dette" du groupe par l'Etat, une "question extrêmement importante" à voir "pas simplement avec les organisations syndicales", mais aussi "avec la direction de la SNCF", les associations d'usagers, députés et sénateurs.
Entérinée mi-avril en première lecture à l'Assemblée, la réforme sera examinée au Sénat à partir du 23 mai. Si la droite sénatoriale, majoritaire à la Chambre haute, soutient le principe de la réforme, il n'est pas dit qu'elle ne cherche pas à la durcir, retardant d'autant plus son entrée en vigueur.
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