Les universités d'été 2018 en disent long sur l'état de santé des partis politiques
Divisés et affaiblis par ce début de quinquennat, les partis politiques tentent de se relancer ou de se réinventer avant la rentrée.
POLITIQUE - Rituel incontournable marquant la fin de la trêve estivale, les universités d'été des partis donnent traditionnellement le ton de la rentrée politique. Et celle qui se profile laisse augurer des remous dans la majorité comme dans l'opposition.
Après le big bang présidentiel de l'été 2017 qui avait déjà sonné le glas de nombreux campus d'été, les réformes tous azimuts de l'hiver et les conflits sociaux du printemps 2018, l'automne qui pointe le bout de son nez annonce de nouveaux dossiers compliqués pour le gouvernement et la majorité d'Emmanuel Macron. Arbitrages budgétaires délicats sur fond de croissance timorée, réforme des retraites explosive en vue, tâtonnements de Parcoursup, affaires (Benalla, Kohler, Nyssen) qui menacent de resurgir... La feuille de route de septembre n'offre que peu de motifs de réjouissances aux Marcheurs, le tout à neuf mois des élections européennes de mai prochain, premier scrutin intermédiaire d'un quinquennat de recomposition.
Mais si cette seconde rentrée s'apparente à une course d'obstacles pour l'exécutif, elle n'a rien d'une balade de santé non plus pour les formations d'opposition, qui peinent encore et toujours à s'imposer comme une alternative crédible au pouvoir macronien. Ce que confirment leurs universités d'été respectives, bien souvent révélatrices des défis que les partis politiques se doivent de relever à tout prix dans les mois à venir.
LREM AUX ABONNÉS ABSENTS
Pas de rentrée officielle pour le parti présidentiel. Sorti exsangue de la session parlementaire extraordinaire de juillet, au cours de laquelle l'affaire Benalla a relégué l'emblématique révision constitutionnelle aux oubliettes, La République En Marche assume le choix de n'organiser ni rendez-vous de fin d'été ni de campus d'automne. Encore peu structurée sur le plan interne, toujours en quête d'un logiciel idéologique susceptible de fédérer macronistes de gauche et ceux venus des rangs de la droite libérale, la formation dirigée par Christophe Castaner a depuis le début de l'année privilégié les actions de terrain décentralisées (marche européenne, campagnes de porte-à-porte) aux grands raouts militants. Au risque de donner corps aux frustrations sur le manque de débat en interne et aux critiques externes sur le défaut d'implantation du parti présidentiel.
LA SUITE APRÈS CETTE PUBLICITÉ
Faute d'université d'été du mouvement, c'est donc le gouvernement qui donnera le ton et le tempo de la rentrée. Après le premier conseil des ministres de ce mercredi 22 août, le Premier ministre Édouard Philippe est attendu à la fin du mois à l'université d'été du Medef. Et pour les férus de campus politiques de la majorité, il faudra attendre l'université de rentrée du Modem de François Bayrou, à Guidel dans le Morbihan du 21 au 23 septembre.
LA FRANCE INSOUMISE S'OUVRE POUR MIEUX DOMINER
Alors que ses concurrents font grise mine, le mouvement antilibéral piloté par Jean-Luc Mélenchon affiche au contraire son optimisme en cette fin de mois d'août. Malgré son échec à faire barrage aux réformes les plus critiquées du gouvernement (code du travail, SNCF...), la France Insoumise entend conforter son statut de premier parti d'opposition avec des "Amfis" ambitieux installés à Marseille, terre d'élection de son chef de file, et volontairement ouverts sur l'extérieur. Des personnalités issues des rangs LR, PCF ou socialistes y ont été invitées.
Une manière de contrecarrer les accusations de sectarisme tout en revendiquant un rôle central dans l'opposition. "Nous assumons la discussion et la confrontation des idées avec tout le monde. Nous ne fabriquons pas une secte. Nous construisons le mouvement du Peuple", a plaidé ce mercredi le député Adrien Quatennens en ouverture des Amfis des Jeunes insoumis. La FI, qui, contrairement à ses principaux adversaires, a déjà désigné ses deux chefs de file aux élections européennes (Manuel Bompard et Charlotte Girard), veut profiter de son avance pour plancher sur les grands axes de sa campagne.
DISPERSION GÉNÉRALE CHEZ LES RÉPUBLICAINS
Symptôme des divisions à droite, la rentrée s'effectuera en ordre dispersé chez Les Républicains. Faute d'un campus réunissant tout le monde, chaque ténor du parti conservateur a programmé son propre événement de fin d'été. Ce vendredi 24 août, Valérie Pécresse (et son "parti à l'intérieur du parti" Libres!) a donné rendez-vous à ses proches en terre chiraquienne à Brive-la-Gaillarde (Corrèze). Deux jours plus tard, Laurent Wauquiez gravira comme chaque année le Mont-Mezenc, sur ses terres de Haute-Loire avant de s'envoler pour la Nouvelle-Calédonie.
Si la rivalité entre les anciens ministres de Nicolas Sarkozy ne s'est pas apaisée pendant l'été, l'absence d'un leader incontesté favorise l'émiettement des forces du premier parti d'opposition en nombre de parlementaires. La France audacieuse co-animée par Christian Estrosi se réunira le 7 septembre à Saint-Laurent-du-Var. Julien Aubert et son mouvement "Oser la France" se retrouveront à Lourmarin (Vaucluse) le 8 septembre. Les ex-fillonistes de Force Républicaine, menés par Bruno Retailleau, se verront le 8 septembre à Paris pour une convention intitulée "la droite et la liberté". Guillaume Peltier accueillera le nouveau numéro 2 LR Jean Leonetti et le député Damien Abad en Sologne le 22 septembre pour sa traditionnelle fête de la Violette.
LE PS SANS MILITANTS NI HOLLANDE
Faute de moyens financiers et encore en pleine convalescence, le Parti socialiste d'Olivier Faure a dû renoncer à son université d'été de La Rochelle et se contentera d'un séminaire des élus. Entre le déménagement contesté du siège à Ivry-sur-Seine et les divisions persistantes entre l'aile gauche et l'aile sociale-démocrate du PS, le nouveau premier secrétaire, qui doit clôturer la rencontre ce samedi par un discours "sur le pouvoir macroniste", va devoir trouver les mots justes pour remettre sa formation en ordre de marche.
D'autant que ses efforts ont été parasités par la tournée des libraires d'un François Hollande qui s'amuse à ne rien exclure pour la suite. Après avoir un temps laissé planer le doute sur sa participation au séminaire de La Rochelle, l'ancien président de la République a finalement exclu de s'y rendre. Il fera en revanche sa rentrée lors d'un déplacement à Cherbourg le 31 août, a-t-on précisé, pour une nouvelle séance de dédicace de son livre Les leçons du pouvoir, "en présence de Bernard Cazeneuve", son dernier Premier ministre.
EELV TENTE DE SE RELANCER SANS HAMON
Après avoir désigné comme chef de file Yannick Jadot, les écologistes sont concentrés sur les prochaines élections européennes où ils ambitionnent de franchir le cap des 15% de vote. Réunis de jeudi à samedi à Strasbourg, où siège le Parlement européen, les cadres d'EELV espèrent préempter le débat européen en lançant la campagne dès leur université d'été. Une manière de tourner la page des déconfitures électorales de 2017 et de renvoyer à plus tard les désaccords stratégiques sur une hypothétique alliance avec le mouvement Génération.s de Benoît Hamon.
À défaut d'organiser son propre campus d'été, le vainqueur de la primaire socialiste de 2017 a lui dépêché des émissaires chez ses éventuels partenaires de la gauche de la gauche. Également focalisés sur les élections européennes, mais aussi sur leur congrès de novembre, les communistes de Pierre Laurent et de Ian Brossat se retrouvent à Angers de vendredi à dimanche.
LE RASSEMBLEMENT NATIONAL CONTRAINT PAR SES SOUCIS FINANCIERS
Rentrée tardive et low-cost pour l'ancien Front national. Plombé par ses soucis financiers, le parti présidé par Marine Le Pen est contraint de réduire la voilure en attendant la décision de la justice sur ses deux millions d'euros d'aide publique gelés dans le cadre de l'affaire des emplois présumés fictifs au Parlement européen. C'est donc en terrain amical, dans la ville RN de Fréjus, que la députée du Pas-de-Calais retrouvera les siens les 14 et 15 septembre. Assistance minimale (moins de 1000 places disponibles dans le théâtre municipal) en lieu et place du grand meeting en plein air, frais réduits au strict minimum... Marine Le Pen a donné le mot d'ordre sur son compte Twitter: "serrer les dents". De son côté, Florian Philippot, qui a encaissé avant l'été le départ de son alliée Sophie Montel (en attendant des suites judiciaires), fera sa rentrée le 2 septembre à Forbach (Moselle).
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