Pascal Pavageau à la tête de Force Ouvrière, un caillou dans la chaussure du gouvernement
Après un congrès aux allures de règlement de compte, le nouveau patron de FO s'annonce moins commode que son prédécesseur.
POLITIQUE - Grands éclats de voix et sortie par la petite porte pour Jean-Claude Mailly. Secrétaire général de Force ouvrière depuis 14 ans, le dirigeant syndical et socialiste assumé, qui a connu et (parfois) bataillé avec quatre présidents de la République, tire sa révérence à l'issue du congrès de FO qui s'achève ce vendredi 27 avril à Lille et durant lequel Pascal Pavageau a été élu pour lui succéder. Un pot de départ avec un arrière goût de gueule de bois au regard du bilan plus que contesté des dernières années de son mandat.
Une partie des troupes FO ont en effet jugé trop conciliantes les positions de leur numéro un sur les ordonnances Macron réformant le droit du travail, alors que FO avait défilé aux côtés de la CGT pour s'opposer à la loi El-Khomri un an plus tôt. Encore aujourd'hui, en plein bras de fer sur la réforme des retraites, Jean-Claude Mailly s'est montré beaucoup moins incisif que son homologue de la CGT et n'a jamais raté une occasion de dire du mal de Jean-Luc Mélenchon.
Des griefs qui se sont bruyamment exprimés pendant ce congrès de transition qui a parfois pris des allures de règlement de comptes (voir notre vidéo ci-dessous). Signe qui ne trompe pas, le rapport d'activité de Jean-Claude Mailly a été adopté d'extrême justesse (50,54 %), un score très inhabituel signe d'un fort mécontentement.
Une partie des troupes FO ont en effet jugé trop conciliantes les positions de leur numéro un sur les ordonnances Macron réformant le droit du travail, alors que FO avait défilé aux côtés de la CGT pour s'opposer à la loi El-Khomri un an plus tôt. Encore aujourd'hui, en plein bras de fer sur la réforme des retraites, Jean-Claude Mailly se montre beaucoup moins incisif que son homologue de la CGT
Pourquoi une telle complaisance? Les mauvaises langues syndicales le soupçonnent de négocier en coulisses avec le gouvernement un parachutage à une fonction confortable. "Mystère", répond diplomatiquement celui qui a la lourde tâche de lui succéder. A 49 ans, Pascal Pavageau, adepte d'une ligne beaucoup plus dure, prend la tête de FO ce vendredi. Et s'il épargne son prédécesseur, il ne cache pas son souhait de faire le ménage.
Une ligne anti-"chacun pour soi"
S'affichant comme plus "direct" face à un exécutif qui est "une bête de com'", Pascal Pavageau a déjà commencé à marquer le changement de cap. "Compte tenu des difficultés de positionnement et de ligne cette année, et c'est un euphémisme, les militants attendent clairement une ligne", assure cet ingénieur spécialisé dans l'environnement qui se présente en pacificateur, candidat "de la base" et "sans carte au PS", histoire de se démarquer un peu plus de son prédécesseur.
La ligne Pavageau qui se dessine, c'est celle du "combat collectif" contre la logique du "chacun pour soi" incarnée à ses yeux par le président de la République. "Il se fiche des syndicats!", taclant "Jupiter" qui ne "supporte pas les contrepoids" que sont les syndicats, la presse, ou les parlementaires...
Analyse qui n'annonce rien de bon pour l'exécutif, qui a pleinement bénéficié de la coopération de Jean-Claude Mailly. "C'est un grand leader syndical, et il a marqué le champ social en France, à la tête de FO, depuis 14 ans", estimait lundi la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Celle-ci se montre en revanche beaucoup plus prudente sur son successeur: "Il va prendre ses marques, on attend un peu de voir les positions qu'il va prendre".
Prudence justifiée. Le futur leader a qualifié d'"autoritarisme primaire", "quasi dictatorial" le fait que pour la réforme de la formation professionnelle, l'exécutif n'ait pas pris en compte le refus unanime des syndicats de transformer l'unité de mesure du compte personnel de formation (CPF), en euros plutôt qu'en heures.
S'agissant du prochain chantier social, lui aussi explosif, Pascal Pavageau, fin connaisseur de la fonction publique dont il est issu, a qualifié les discussions en cours de "bla-bla", "de haut niveau café du commerce". "Il faudra quand même qu'on nous explique comment on peut garder le principe collectif de répartition et de solidarité intergénérationnelle en passant à une retraite à points individuels", a-t-il dit, visiblement prêt à en découdre.
Réformer FO
De quoi faire émerger une ébauche de "convergence des luttes" syndicales? Aujourd'hui réfractaire, FO pourrait changer de ligne après son congrès. Pascal Pavageau se dit ouvert à une "unité d'action".
Mais avant cela, le nouveau patron de FO devra panser les plaies d'un syndicat qui peine à se renouveler. Force Ouvrière, qui a récemment fêté ses 70 ans, est le troisième syndicat en termes d'audience et a du chemin à rattraper concernant son implantation dans les entreprises. Il est en revanche premier dans la fonction publique d'État.
"Contrairement à ce que pense Jupiter le monde n'a pas démarré en 2017", tranche Pascal Pavageau tout en promettant, lui aussi, de faire émerger un "nouveau monde" syndical. A ses côtés, une jeune garde, soit six nouvelles têtes sur 13, qui vont faire leur entrée au bureau confédéral. Il promet de rajeunir et de féminiser le syndicat, voulant même "faire sauter le plafond de verre" dans un paysage ultra-masculin. Il a aussi précisé qu'il "ne valide pas le chiffre de 500.000" adhérents inchangé depuis 2011 et devrait faire les comptes pour annoncer un chiffre "au plus tard à la fin de l'année".
"Être secrétaire général de la confédération, c'est une lourde responsabilité et on ne peut le mesurer que quand on l'a obtenue", a déclaré Jean-Claude Mailly. Une justification pro-domo autant qu'une mise en garde adressée à son successeur.
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