mercredi 24 septembre 2025

Fwd: Aux États-Unis, un tournant dangereux


mercredi 24 septembre 2025

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L'ÉDITO
Aux États-Unis, un tournant dangereux
Bien avant que le magnat de l'immobilier new-yorkais Donald Trump ne se lance dans une campagne présidentielle victorieuse et que le trumpisme ne s'empare du Parti républicain, Charlie Kirk avait fondé le mouvement Turning Point USA en 2012. Que l'on peut traduire en français par « tournant » au sens de moment charnière.

Ce fut en effet un virage que sa décision de lancer la bataille culturelle dans les campus, considérés comme des bastions de la gauche, et de combattre ce qu'il désignait comme l'idéologie « woke ». Un avant-goût de cette conquête du pouvoir par une droite chrétienne suprémaciste, qui, au nom de la liberté d'expression, ne cesse de réduire au silence ou d'humilier ses adversaires, de cantonner les femmes au foyer et de combattre les acquis de la lutte pour les droits civiques.

L'assassinat de Charlie Kirk et le fait que le mouvement Maga l'érige en martyr et tente de lancer une chasse aux sorcières constituent un tournant inquiétant. Le dessein autocratique de Donald Trump n'est jamais paru aussi éclatant. Lors du mémorial en honneur de Charlie Kirk dimanche, un rassemblement de masse aux allures de funérailles nationales qui a rassemblé le mouvement Maga, le président a expliqué « haïr [ses] adversaires ». « Et je ne leur souhaite pas le meilleur. Je suis désolé ! » La veuve de Charlie Kirk, Erika, venait pourtant de déclarer que, conformément à sa foi, elle pardonnait au meurtrier de son mari, un jeune homme de 22 ans.

Le lendemain, interrogée par un journaliste, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a répondu que « le président est authentiquement lui-même ». « Je pense que c'est pour cela que des millions d'Américains à travers le pays l'aiment et le soutiennent, y compris Erika Kirk, que vous avez vue si magnifiquement sur scène avec le président dans un moment inimaginable, au milieu d'une tragédie inimaginable, et qui s'appuyait sur le président. »

Trump était aussi sûrement authentiquement lui-même lorsqu'il a jugé, le 12 septembre sur le plateau de Fox News, que le système judiciaire états-unien devrait s'inspirer beaucoup plus de la Chine. « Ce que je dis, c'est que nous devons avoir des procès rapides. Je les appelle des procès rapides. Parce qu'en Chine, ils ont des procès rapides, vous savez ? »

Puis il a développé son point de vue sans répondre aux objections d'un des journalistes présents. « Ce qu'il se passe ici, c'est que cela dure sept, huit ans. Et quand ça se termine, ils disent : "Eh bien, il avait une raison de le faire parce qu'il n'a pas été bien traité à l'école primaire, et c'est la faute de son professeur, et c'est la faute du gouvernement." À mon avis, ils devraient avoir un procès le lendemain. » Un procès sans guère de respect des droits de la défense, ce qui se résume à une justice expéditive.

Comme le souligne Maya Kandel dans une de ses chroniques, ce qu'il se passe actuellement aux États-Unis nous renvoie aux sombres années 1950 et à la vague de dénonciations et de licenciements qui avaient ciblé toutes personnes considérées comme « communistes ».

À la tête de ce nouveau maccarthysme, on trouve Stephen Miller, maître idéologue de l'administration actuelle. Pour lui, rappelle-t-elle, l'élection de 2024 était un tournant de la civilisation occidentale.

D'ailleurs dimanche, lors de l'hommage rendu à Charlie Kirk, l'influenceur d'extrême droite Jack Posobiec a repris cette idée. « Dans un siècle, lorsqu'on écrira sur les deux ou trois moments décisifs qui ont conduit au sauvetage de la civilisation occidentale, on écrira que le sacrifice de Charles James Kirk a été le tournant », a déclaré Posobiec.

PS : une bonne nouvelle malgré cette ambiance dystopique – le discours de Donald Trump à l'Assemblée générale des Nations unies était un bon exemple de cette dernière, lui qui a fait la leçon à tous les pays, nié le changement climatique et dépeint l'Europe comme un enfer sur terre –, le retour mardi soir sur ABC de l'émission de Jimmy Kimmel après une semaine de suspension en raison de ses commentaires sur l'instrumentalisation de l'assassinat de Charlie Kirk.

Au bord des larmes, l'animateur a expliqué qu'il n'avait jamais été dans son intention de « minimiser le meurtre d'un jeune homme ». « Cette émission n'est pas importante, a-t-il dit. Ce qui est important, c'est que nous puissions vivre dans un pays qui nous permette d'avoir une telle émission. »

Il a de nouveau montré son émotion lorsqu'il a évoqué le pardon d'Erika Kirk. « C'est un exemple que nous devrions suivre. Si vous croyez dans les enseignements de Jésus comme moi, c'est cela, un acte de grâce désintéressé, le pardon accordé par une veuve endeuillée. Cela m'a profondément touché et j'espère que cela touchera beaucoup de monde. Et s'il y a une leçon à retenir de cette tragédie, j'espère que ce sera cela. »
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La chronique de Maya Kandel
Historienne et chercheuse spécialiste des Etats-unis
 
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