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« Une confrontation pour l'avenir du monde agricole »
"C'est à ce moment que l'importance du Salon commença à apparaître : ce n'était pas seulement un décor de théâtre ou une comédie politique, mais le lieu d'une confrontation, pour l'avenir du monde agricole. J'en étais à ces réflexions, quand on me proposa d'aller manger le repas de midi au Cniel (l'Interprofession laitière), avec les collègues en élevage laitier de la Confédération paysanne. C'est en écoutant les histoires, les combats mais aussi les désaccords, c'est en enchaînant les verres de rouge que la réalité du Salon se dévoila.
Dans ce lieu, pendant quelques jours, nous étions des rois. Les journalistes réclamaient notre parole, les politiques mendiaient quelques photos avec nous, et les grandes écoles d'hôtellerie nous servaient comme si nous étions issues de la haute bourgeoisie parisienne, nous les « bouseux ». Alors nous buvions des canons, grisés par notre nombre, comme si la France comptait encore des millions de paysans.
Quand les effets de l'alcool retombèrent, je vis à nouveau les allées, le bitume et le béton. Je vis les visages fatigués des paysans et des visiteurs. Je pris le métro, puis un train pour revenir dans la Drôme. De retour chez moi, je poserai ma joue sur l'herbe, j'écouterai le merle percer le jour, je reprendrai mes outils. Et je repenserai à ce repas au Cniel, aux allées du Salon et à cette rame de métro. Je repenserai à cette terre qui ne nous lâche pas, aux étables et aux villes, aux fermes et aux immeubles, aux paysans et aux passants.
Égarés ensemble dans les trajectoires du progrès, nous avions un commun : quelque chose en nous qui veut vivre."
https://reporterre.net/Au-Salon-de-l-agriculture-les-paysans-sont-des-rois-muets