François Baroin (LR), Dominique Bussereau (Ex-LR) et Hervé Morin (UDI) l'ont dit sur tous les tons ce 10 avril 2018. « Violemment modérés », les présidents de l'AMF, de l'ADF et de Régions de France voient d'un bon œil « l'impulsion » donnée au pays par Emmanuel Macron.
Anciens pensionnaires du « gouvernement de la France », ils connaissent mieux que quiconque le faisceau de contraintes qui pèse sur le pouvoir central. La preuve, ils soutiennent le plan de transformation de la SNCF.
Mais, pour eux, ce pouvoir-là a un léger problème avec les territoires… « Le dialogue avec l'Etat est agréable, courtois, sympathique, les occasions de rencontrer Emmanuel Macron et ses ministres, nombreuses, mais nous n'avons aucune réponse à nos demandes », résume Dominique Bussereau (Ex-LR), président de l'ADF.
Son collègue de l'AMF, François Baroin (LR), va plus loin, qui parle de « mascarade de dialogue » et de « réunionnite », sur fond de « mise en coupe réglée des collectivités ».
Pour le patron de Régions de France Hervé Morin (UDI), point de doute, le « logiciel purement jacobin » règne à nouveau en maître dans les administrations centrales.
Gros plan sur les principaux griefs des élus locaux.
Des contrats financiers « léonins »
Les présidents de Régions de France et de l'ADF, Hervé Morin et Dominique Bussereau, l'ont assuré lors de leur conférence de presse commune. Aucune des collectivités qu'ils représentent ne signera avec l'Etat de contrat de maîtrise de la dépense de fonctionnement dans un plafond de hausse de 1,2 %.
Une question de principe pour Hervé Morin qui vante le modèle fédéral de certains de nos voisins. Le patron de la Normandie prend tout de même soin de préciser que toutes les régions sont dans les clous du 1,2 %.
Dominique Bussereau, lui, se garde d'emprunter ce terrain-là. Fidèle à sa ligne depuis des mois, il exige, en vain pour le moment, des contreparties de l'Etat. Il réclame davantage de subsides pour le financement des mineurs non-accompagnés dont le nombre ne cesse d'exploser, portant la facture à plus d'un milliards. Il demande aussi un coup de pouce sur le dossier des allocations individuelles de solidarité. « Il manquait 9 milliards l'an dernier, rappelle Dominique Bussereau. L'Etat nous promet royalement 250 millions pour l'an prochain. »
De son côté, le patron de l'AMF, François Baroin (LR), ne s'engage pas au nom des villes et des intercommunalités visées par les contrats financiers.
Les adhérentes de France Urbaine et de l'Assemblée des communautés de France sont, il faut dire, assez allantes. Cela n'empêche pas François Baroin d'appeler à ne pas signer ces documents.
L'ancien ministre des Finances dénonce un jeu de dupe de l'Etat. Contrairement à l'engagement du Gouvernement, « 22 000 communes » verront, selon François Baroin leurs dotations baisser cette année par le jeu des mécanismes de péréquation. Le patron de l'AMF reprend volontiers l'expression de « pacte léonin », popularisée par son numéro deux, André Laignel (PS). Les collectivités « intermédiaires », qui ont un budget entre 70 à 150 millions d'euros, auront du mal à tenir le taux de 1,2 %, prévient-il par ailleurs.
Conséquence, les trois grandes associations d'élus ont présenté ce 10 avril une « contre-circulaire », destinée selon Dominique Bussereau à tourner le dos aux oukases et au « patois technocratique » de Bercy. Toutes les requêtes précitées y sont rappelées. L'AMF, l'ADF et Régions de France réclament, en sus, la possibilité pour chaque collectivité de faire appel à un médiateur issu de « chambre régionale des comptes par exemple ».
Haro sur la réforme de l'apprentissage et de la formation
En communion avec ses homologues, Hervé Morin sort le lance-flamme contre la réforme de l'apprentissage et de la formation. Un plan qui « recentralise et privatise une compétence historique des régions ». Les chiffres avancés dans le document diffusé à la presse donnent le tournis.
« Les régions verront leurs moyens pour l'apprentissage passer de 1,6 milliards à 250 millions d'euros. La moitié des centres de formation des apprentis sont menacés de fermeture », peut-on lire. « Une concentration sans précédent de l'offre dans les grandes villes », fulmine Hervé Morin. Et le président de Régions de France de dénoncer, dans la même sillon, « l'idée baroque de fixer le prix de la formation au niveau national ».
Pour lui, l'Etat, sur ce dossier, a manqué à sa parole. « Contrairement aux engagements du premier ministre, le Gouvernement a renoncé à confier la formation et l'orientation aux régions. Nous avons passé des dizaines d'heures de réunion tard le soir, le week-end, pour rien », tempête le président de Régions de France.
Contrats de plan : des engagements non-tenus
L'inévitable Hervé Morin ne décolère pas : « Jamais l'exécution des contrats de plan Etat-région n'a été aussi médiocre sur la mobilité et en particulier sur le rail ». Un comble pour l'ancien secrétaire d'Etat aux transports Dominique Bussereau, au moment où le Gouvernement assure qu'il veut redynamiser le réseau.
Selon Régions de France, le taux de paiement de l'Etat, au regard de ses engagements, « était de moins de 25 % ». Des retards qui ont contraint les collectivités à « avancer de l'argent afin d'éviter que des projets ne soient bloqués ou prennent du retard. »
Les trois grandes associations d'élus vont maintenant saisir leurs mandantes pour qu'elles prennent des vœux alertant leurs administrés sur « la décentralisation en danger ». Des documents qui seront ensuite transmis à Emmanuel Macron et à Edouard Philippe, ainsi qu'aux parlementaires du cru.
Dans ces conditions, l'AMF, l'ADF et Régions de France participeront-elles à la prochaine session de la Conférence nationale des territoires, instance de dialogue Etat-collectivités programmée au début de l'été ? « C'est une question que nous allons nous poser », répond sobrement Hervé Morin.
D'ici-là, les élus devront plus que jamais mener la bataille de l'opinion. A une question d'un journaliste qui comparait la triplette de présidents d'associations d'élus au club des ronchons cher à Alain Paucard, François Baroin s'est montré particulièrement cinglant : « Nous ne sommes pas des pleureuses qui se drapent dans une vertu outragée. On ne nous mettra pas dans la case de la France d'avant, de ceux qui ne servent à rien, s'en mettent plein les poches et passent leur temps à faire des rond-points. »