Territoires : le gouvernement en opération reconquête
Après une première expérience dans le Lot à l'occasion de la Conférence nationale des territoires de décembre dernier, le Premier ministre transfère à nouveau son cabinet en région, du 2 au 4 mai 2018. Edouard Philippe, cette fois, jette son dévolu sur le Cher.
Un département dont le président Michel Autissier (LR) conteste la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires. L'édile a cosigné fin février une lettre à Emmanuel Macron dénonçant une double-peine pour des territoires « que l'Etat a oubliés dans ses grands projets d'infrastructures routières et ferroviaires ».
Depuis, des sénateurs de toute obédience politique ont présenté, le 19 avril 2018, un rapport tendant à réserver la limitation à 80 km/h aux routes les plus accidentogènes. Une proposition à laquelle Matignon oppose une fin de non-recevoir. Le cabinet du Premier ministre – Eric Jalon, le chef de pôle « Affaires intérieures » en tête -, est en effet directement à l'origine de la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires.
Vrai-faux maintien des dotations
Si le pouvoir souhaite, lors de sa délocalisation dans le Cher, mettre de l'huile dans les rouages avec les élus locaux, il ne veut pas pour autant lâcher du lest sur le plan financier.
« Pour la première fois, toutes les petites communes ont eu leurs dotations maintenues. Il ne faut pas raconter non plus des carabistouilles à nos concitoyens », avait vanté Emmanuel Macron, lors de son interview sur TF1 le 12 avril, destinée – déjà – à désamorcer la grogne de la France à l'écart des métropoles. Une sortie qui n'avait pas été du goût du numéro deux de l'Association des maires de France, le socialiste André Laignel.
C'est avec beaucoup de surprise que j'ai entendu hier @EmmanuelMacron déclarer que « toutes les petites communes rurales ont vu leurs dotations maintenues. Il ne faut pas raconter de #carabistouilles ». Je lui propose quelques éléments pour mettre à jour ses fiches...
— André Laignel (@AndreLaignel) · Issoudun, France
Si le volume de la Dotation globale de fonctionnement, explique l'AMF, se révèle en augmentation de 65 millions d'euros par rapport à 2017, 16 000 communes voient leur DGF diminuer cette année.
Offensive pour les centre-villes
Face à la grogne persistante des territoires, le Gouvernement met en avant son plan « Action Cœur de villes ». Concocté par le ministre de la Cohésion des Territoires Jacques Mézard, ce dispositif cible 222 communes. Les deux piliers de ce plan abondé à hauteur de 5 milliards d'euros ? Le commerce et l'habitat.
Mais pour les sénateurs, toujours eux, le compte n'y est pas. « Nous avons identifié 700 villes ayant des problèmes et nous y ajoutons les centres-bourgs », lancent-ils dans leur pacte national sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présenté le 19 avril dernier.
Auteurs d'une proposition de loi en ce sens, Martial Bourquin (PS) et Rémy Pointereau (LR) militent pour des taxes sur les superficies de parking et les livraisons au long cours. Le pacte entend aussi, dans le même sens, limiter les autorisations d'ouverture de supermarché.
Le droit à la différenciation en question
Les fronts, pour le gouvernement, ne manque pas. Même le droit à la différence des territoires, que le pouvoir souhaite voir davantage reconnu dans la loi fondamentale, ne suscite pas un enthousiasme excessif.
Si l'Association des maires de France ne ferme pas la porte à cette mesure, elle ne veut cependant pas la voir généralisée. « L'évolution constitutionnelle du droit à l'expérimentation ne doit pas remettre en cause le principe de non tutelle entre collectivités », juge-t-elle dans une prise de position rendue publique le 25 avril.
Vers une cour d'équité territoriale ?
Mais il est un interlocuteur pour qui l'essentiel est ailleurs, c'est Jean-Louis Borloo. Etat et collectivités doivent enfin assumer leurs responsabilités, estime l'ancien ministre. Dans son plan pour la politique de la ville, avancé le 26 avril, il suggère l'idée d'une cour d'équité territoriale. Cette instance, composée de magistrats de la Cour des Comptes, traquerait les discriminations territoriales. Elle pourrait condamner tout gestionnaire public local et national ayant manqué à son obligation de lutter contre les inégalités d'accès d'avant le service public.
Une instance sur laquelle le Gouvernement devrait se prononcer durant les prochaines semaines.