Energies renouvelables : la Cour des comptes montre que c'est le bazar !
Par Michel Gay.
Le rapport de la Cour des comptes publié en mars 2018 s'alarme en termes feutrés des dépenses publiques incontrôlées versées en soutien aux énergies renouvelables (EnR), et notamment aux éoliennes et panneaux photovoltaïques.
Elle dénonce l'incohérence (l'incompétence ? l'aveuglement idéologique ?) des promoteurs de cette politique énergétique dispendieuse.
A la lecture de ce rapport, le citoyen est en droit de se demander qui a bien pu décider et laisser se développer cette dérive financière extravagante et ruineuse à long terme pour la majorité des Français.
En substance, la Cour des comptes écrit que la politique de soutien aux EnR s'est parfois écartée ces dernières années de la rationalité économique et du bon usage des deniers publics.
Elle montre que les subventions aux EnR, notamment électriques, coûtent très chères (plusieurs milliards d'euros chaque année), qu'elles vont coûter de plus en plus chères mais qu'il est difficile d'en avoir une idée précise tant les organismes étatiques impliqués sont épars et ne semblent pas eux même le savoir.
En somme, c'est « table ouverte » aux frais de tous les contribuables.
La Cour des comptes écrit notamment :
Page 7 (P7) : « Malgré les efforts entrepris dans le déploiement des énergies renouvelables, la Cour constate, comme en 20131, un décalage persistant au regard des objectifs affichés. Elle note également que, faute d'avoir établi une stratégie claire et des dispositifs de soutien stables et cohérents, le tissu industriel français a peu profité du développement des EnR.
Une clarification des ambitions industrielles françaises en matière d'EnR s'impose donc.
P8 : Ce bilan industriel décevant doit être mis en regard des moyens considérables qui sont consacrés au développement des énergies renouvelables, en particulier aux EnR électriques.
En France, la somme des dépenses publiques de soutien aux EnR est estimée pour 2016 à 5,3 milliards d'euros (Md€). Cette mobilisation financière va connaître une progression forte : si la France réalise la trajectoire qu'elle s'est fixée, les dépenses relatives aux EnR électriques pourraient ainsi atteindre 7,5 Md€ en 2023.Les EnR électriques bénéficient de l'essentiel de ces dépenses publiques avec, en 2016, 4,4 Md€ contre 567 M€ pour les EnR thermiques.
Les soutiens octroyés par l'État se sont aussi avérés disproportionnés par rapport à la contribution de certaines filières aux objectifs de développement des EnR : pour le photovoltaïque par exemple, les garanties accordées avant 2011 représenteront 2 Md€ par an jusqu'en 2030 (soit 38,4 Md€ en cumulé) pour un volume de production équivalent à 0,7 % du mix électrique.
Ainsi, la pleine réalisation des appels d'offres de 2011 et 2013 sur l'éolien offshore coûterait aux finances publiques 2 Md€ par an pendant 20 ans (soit 40,7 Md€ en cumulé) pour un volume équivalent à 2 % de la production électrique.
Afin d'éclairer les décisions publiques prises à l'avenir, la Cour considère désormais indispensable de calculer et révéler le coût complet du mix énergétique programmé et les soutiens publics induits, et d'asseoir les décisions de programmation énergétique sur ces informations.
P21 : Les objectifs français en matière d'EnR électriques sont d'autant plus ambitieux que la France se distingue parmi ses voisins européens par la place qu'occupent déjà les sources d'énergies non carbonées dans son mix énergétique. La prépondérance de l'énergie de source nucléaire conduit en effet à ce que l'électricité française produite soit décarbonée à 98 % et que les émissions de gaz à effet de serre françaises du fait de la production d'énergie soient donc limitées comparativement aux autres pays de l'UE.
P22 : Telle qu'elle a été construite en 2016, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'a pas permis de rendre compatibles l'objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % du mix électrique à horizon 2025 et la montée en puissance simultanée des énergies renouvelables électriques.
P24 : Faute de cohérence, la crédibilité de l'intégration des EnR à la politique de l'énergie française s'est trouvée remise en cause par cet exercice de programmation conduit en 2016. Les acteurs du monde de l'énergie – même au sein des administrations intéressées – sont nombreux à ne pas avoir cru dans les objectifs et la trajectoire définis par la PPE. Ce faisant, cet outil a failli à l'objectif qu'il s'était donné, celui d'offrir un cadre prévisible et consolidé de l'évolution de la politique énergétique jusqu'en 2023.
La PPE doit également être objectivée par des considérations économiques et reposer sur une analyse des coûts des différentes filières de production d'énergie, pour pouvoir mieux objectiver les choix de politique de soutien mis en œuvre au regard des objectifs à atteindre.
P43 : Les soutiens publics sont nécessaires en raison de l'absence, à ce jour, de compétitivité des EnR. Les montants concernés sont très importants, en particulier s'agissant des EnR électriques, et sont appelés à croître significativement du fait des ambitions françaises.
Les engagements pris jusque fin 2017 représenteront 121 Md€ – en euros courants – entre 2018 et l'échéance des contrats (la plus tardive intervenant en 2046).
P47 : le poids des engagements antérieurs à 2011 aura encore pendant de longues années un impact majeur sur les dépenses de soutien. Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), les arrêtés antérieurs au moratoire de 2010 auront engendré un coût pour les finances publiques de 38,4 Md€, pour un productible annuel de 4 térawattheures (TWh), soit environ 0,7 % de la production électrique française. Cela représente un coût du soutien de l'ordre de 480 €/MWh2. Ces arrêtés pèseront encore à hauteur de 2 Md€ par an jusqu'en 2030, soit 30 % de l'ensemble des charges liées aux énergies renouvelables en 2018.
P50 : L'analyse du poids des décisions passées dans les charges futures conduit à s'interroger sur la place de l'évaluation préalable de l'impact sur les volumes de soutien des différents mix de production envisagés à court, moyen et long termes. Jusqu'à présent cette démarche n'a pas été au cœur de l'exercice de planification du mix énergique : la PPE se limite ainsi, pour l'évolution des dépenses, à un horizon relativement rapproché (2018-2023), alors que les soutiens engagés auront des répercussions sur les finances publiques pendant au moins 20 ans.
Le poids des dispositifs de soutien à la production d'électricité renouvelable ne cesse de croître. Ce montant est passé de 1,5 Md€ au titre des charges de 2011, à 4,4 Md€ au titre des charges de 2016, soit une multiplication par trois en l'espace de cinq ans.
D'après les estimations initiales réalisées dans le cadre de la PPE, ces charges devaient atteindre en 2023 entre 9,7 Md€ et 10,4 Md€ (fourchettes basse et haute).
P52 : Les impacts du mix retenu par la PPE en termes de besoin de soutien ne se limiteront pas aux cinq prochaines années : les soutiens engagés aujourd'hui auront des répercussions sur les finances publiques pendant au moins 20 ans. Il semble dès lors nécessaire d'étendre l'exercice de projection financière à des horizons beaucoup plus lointains que celui de la PPE (2023). Ces projections permettraient de réaliser des arbitrages énergétiques qui tiennent véritablement compte de la contrainte durable de moyens pesant sur les finances publiques.
P69 : La politique de soutien à la filière du solaire intégré au bâti (IAB), qui se voulait être une stratégie d'excellence technologique et d'innovation française, n'a quant à elle pas connu les résultats escomptés.
Dès sa mise en œuvre, la prime IAB a créé un fort appel d'air chez les producteurs qui a essentiellement profité aux entreprises existantes, la plupart allemandes. L'effet d'aubaine subi par le dispositif de soutien au bâti a eu pour conséquence une explosion des volumes financiers supportés par l'État.
L'IAB a ainsi créé des obligations d'achat pour l'État pour vingt ans, dont le montant total a été estimé par la Cour à 8,6 Md€ (dont 7,4 Md€ pour les engagements pris avant 2011). De nombreuses fraudes ont également été constatées dans l'attribution de la prime IAB et aucune évaluation de son efficacité économique ou énergétique n'a été établie.
Ces principes ne pourront être pleinement appliqués sans un cadre de gouvernance repensé. Le Parlement doit être mieux associé à la définition des objectifs de développement des énergies renouvelables (EnR) et des volumes financiers de soutien aux EnR. La définition de la programmation énergétique ne peut se faire que dans un cadre interministériel renforcé sous l'égide du Premier ministre, apportant ainsi la légitimité nécessaire à la prise de décisions stratégiques et garantissant l'alignement des ministères dans leur mise en œuvre. Ce cadre renouvelé permettra également de mieux asseoir les critères de succès de la politique conduite et de clarifier les ambitions associées à sa mise en œuvre.
Les recommandations de la cour des comptes
La Cour formule les recommandations suivantes :
– créer, à l'image du Conseil d'orientation des retraites (COR) et en remplacement d'autres instances existantes, un comité chargé d'éclairer les choix gouvernementaux relatifs à l'avenir de la politique de l'énergie ;
– mettre en place une instance de pilotage interministériel de la politique énergétique placée auprès du Premier ministre ».
Il reste à espérer que ce rapport circonstancié, précis et constructif qui dénonce les dysfonctionnements ruineux des soutiens aux EnR, notamment à l'éolien et au photovoltaïque, ne finira pas simplement au fond d'un placard comme son prédécesseur en 2013 qui n'a pas été suivi d'effet (ou peu).
Post-scriptum : Pour ceux qui n'ont pas le temps ou ne souhaitent pas lire les 117 pages du rapport mais qui veulent cependant en savoir davantage, une compilation plus complète d'extraits essentiellement centrés sur les EnR électriques est fournie dans l'annexe de 7 pages à cet article ici (les références et les sources figurent dans le rapport. Les caractères gras sont de l'auteur).
- Cour des comptes, rapport public thématique, la politique de développement des énergies renouvelables, juillet 2013.
- Pour mémoire, le prix de vente moyen de l'électricité sur le marché est d'environ 40€/MWh (Remarque de Michel Gay)