> D'un de mes correspondants et ami :
>
>
> Objet : Pas naïf à ce point-là!
>
> Bien dit ce que beaucoup pensent.
>
> Quel est le montant alloué par leurs coreligionnaires des pays du golf qui
> croulent sous les pétrodollars et contribuent à détruire la planète par
> leurs réalisations mégalomanes sans compter le soutien aux organisations
> jihadistes (Arabie Saoudite)?
>
>
>
>
> Avant de parler de la catastrophe au Pakistan, j'aimerais vous entretenir de
> cette merveilleuse machine à tuer qu'est le F-16. Vous savez ce qu'est un
> F-16? C'est un des avions de chasse les plus populaires du monde.
>
> Combien coûte un F-16?
>
> Autour de 40 millions l'unité.
>
> Bien sûr, pendant sa vie utile, l'appareil coûtera une fois et demie le prix
> d'achat en entretien, en réparations (et en lave-glace, c'est fou le prix du
> bidon de lave-glace pour ces joujoux).
>
> Donc, parlons de la catastrophe au Pakistan. Terrible. S'il ne s'agissait
> pas d'un pays musulman, on pourrait parler d'inondations de calibre
> biblique: 20 millions de sinistrés. Épouvantable.
>
> Et, depuis deux ou trois jours, on entend des voix s'élever contre le manque
> de générosité de l'Occident envers le Pakistan éprouvé. Au Canada, en
> France, en Grande-Bretagne: le public se fait tirer l'oreille. Dans La
> Presse, hier, ma collègue Marie-Claude Malboeuf rapportait qu'à peine 200
> 000$ avaient été récoltés pour le Pakistan par une coalition humanitaire.
> Dans les mêmes délais, après le séisme haïtien, on avait récolté 18 fois
> plus.
>
> Les ONG tapent du pied. S'impatientent. Crient à la catastrophe et au
> choléra. Le plus tragique, c'est qu'elles ont probablement raison.
>
> À l'échelle internationale, l'ONU n'a récolté que 40% des 460 millions
> requis pour l'aide d'urgence. Le vice-premier ministre britannique, Nick
> Clegg, a fustigé la communauté internationale pour sa pingrerie: «La réponse
> de la communauté internationale a été lamentable.»
>
> Mais je m'éloigne. Je vous parlais de F-16. Tout récemment, un pays s'est
> doté d'une flotte toute neuve d'une vingtaine de ces merveilleux tueurs de
> l'air.
>
> Quel pays, donc?
>
> Eh oui, le Pakistan.
>
> Avant d'aller plus loin, je vous préviens: c'est un naïf qui écrit cette
> chronique. Un naïf qui s'assume. Un naïf qui pose cette question: si le
> Pakistan avait tout récemment 1,4 milliard pour acheter des avions de chasse
> à Lockheed, pourquoi le Pakistan n'a-t-il pas 460 millions de dollars à
> consacrer à ses propres citoyens détrempés?
>
> Je demande pardon à la Croix-Rouge, à CARE, à Oxfam et aux autres ONG, mais
> je ne donnerai pas une cenne pour les efforts humanitaires au Pakistan.
>
> Je ne donnerai pas une cenne pour le Pakistan parce que le Pakistan n'a
> jamais de problème à acheter, ou à se faire financer, du matériel militaire.
>
> Je veux bien donner pour Haïti, petit pays qui n'a rien (hormis des
> dirigeants corrompus). Je veux bien donner à l'Afrique, c'est la moindre des
> choses.
>
> Je ne donnerai pas pour le Pakistan comme je ne donnerai pas pour les
> pêcheurs de La Nouvelle-Orléans qui sont privés d'un gagne-pain depuis la
> fuite de pétrole causée par BP dans le golfe du Mexique.
>
> Le chanteur Zachary Richard est sur le point d'enregistrer, avec plusieurs
> artistes québécois, un CD dont les profits seront distribués aux pêcheurs de
> La Nouvelle-Orléans. Il y aura ensuite un concert-bénéfice.
>
> C'est très bien, les concerts-bénéfice. C'est très bien, la charité
> musicale. Et je sympathise avec les pêcheurs de La Nouvelle-Orléans.
>
> Mais, et c'est encore un naïf qui parle, je me demande pourquoi je devrais
> donner un sou aux habitants du pays le plus riche de l'histoire de
> l'humanité, dont le gagne-pain a été saccagé par une giga-multinationale
> jouissant d'une capitalisation boursière de 120 milliards US au sein d'une
> des industries - l'énergie - les plus lucratives de la planète.
>
> Il me semble que les États-Unis d'Amérique, que BP, que l'industrie de
> l'énergie ont assez de fric pour dédommager les pêcheurs de La
> Nouvelle-Orléans et leurs familles et les descendants de leurs familles
> jusqu'en 2060, au moins.
>
> Mais revenons au Pakistan. Le 19 juillet, le New York Times a publié un
> papier absolument dévastateur sur la fiscalité dans ce pays. Une fiscalité
> de république de bananes, où les riches se sont arrangés pour ne pas payer
> d'impôts.
>
> Je ne parle pas de payer peu d'impôts. Je parle de ne pas en payer. Je parle
> d'un pays où 10 millions de personnes devraient payer de l'impôt, mais où
> seulement 2,5 millions en paient.
>
> Et tout cela est légal. Les riches se sont arrangés, dans ce pays, pour ne
> pas payer d'impôts. Le Times rapporte que la valeur moyenne - moyenne! - des
> parlementaires pakistanais est de... 900 000$. Le chef de l'opposition,
> Nawaz Sharif, un millionnaire, n'a par exemple pas payé d'impôts en 2005,
> 2006 et 2007.
>
> «C'est un système pour élitistes, pour l'élite et par l'élite, dit Riyaz
> Hussein Naqvi, fonctionnaire pakistanais à la retraite, qui a travaillé
> comme percepteur d'impôts pendant 38 ans. C'est un système biaisé où le
> pauvre subventionne le riche.»
>
> Ce qui n'était pas dans le Times, mais que vous saviez probablement déjà -
> je sais que vous dévorez les pages internationales des quotidiens -, c'est
> que le Pakistan possède l'arme nucléaire. En fait, des dizaines de missiles
> nucléaires.
>
> Donc, si je résume...
>
> Le Pakistan est une oligarchie qui permet aux riches de ne pas payer
> d'impôts. Le Pakistan a du fric pour acheter des F-16. Le Pakistan a du fric
> pour entretenir un arsenal atomique capable de détruire la moitié de la
> planète?
>
> Je ne suis pas naïf à ce point-là: le Pakistan a les moyens d'aider son
> peuple.
>
>
>
> L'agacé.