Selon le chef de l'Etat et son Premier ministre, la France va mieux. La reprise se consolide et le déficit extérieur se résorbe, témoignant des effets bénéfiques de la politique de l'offre. La dette se réduit. Le pouvoir d'achat augmente. La pauvreté recule. La courbe du chômage s'inversera en fin de mandat. Tel est l'argumentaire technocratique que le candidat putatif Hollande à la future élection présidentielle a commencé à déployer. Une analyse détaillée montre pourtant que la politique du gouvernement est étrangère à l'impact macroéconomique qu'elle est supposée avoir provoqué.

La croissance de 1,2% en 2015, au demeurant insuffisante pour inverser la courbe du chômage, n'est pas due aux bienfaits du CICE sur l'investissement. Elle fut tirée par des « facteurs hétérodoxes ». C'est la demande interne et externe qui a tiré la reprise, et non la politique de l'offre, tant vantée. Le pouvoir d'achat des ménages s'est accru par le seul biais de la baisse du prix de l'énergie et a soutenu la consommation. La baisse de l'euro, provoquée par la BCE, a dopé les exportations. Ces mêmes facteurs (dévaluation de l'euro et baisse de la facture pétrolière) expliquent que le déficit extérieur soit passé de 74,5 milliards à 45,6 milliards entre 2011 et 2015.

Le gouvernement se targue d'avoir respecté le sérieux budgétaire sans tomber dans l'austérité. Et pour cause, il a réduit les dépenses de l'Etat, de la sécurité sociale et les dotations des collectivités territoriales, tout en négociant auprès des institutions européennes le droit de déroger au pacte de stabilité durant toute la durée du quinquennat pour financer son pacte de responsabilité… Le faible impact de cette politique sur la croissance (celle-ci étant la condition nécessaire pour générer des recettes fiscales qui soient affectées au désendettement) explique que le taux d'endettement soit passé de 89,6% du PIB à 97,5% du PIB, entre 2012 et le deuxième trimestre 2015. Le déficit public (3,5% du PIB en 2015) et le taux d'endettement (95,1% du PIB au quatrième trimestre 2015) ne se sont pour leur part récemment réduit que grâce à la reprise (liée aux facteurs hétérodoxes susmentionnés) et grâce à la contraction des charges de la dette, résultant de la baisse des taux d'intérêt des titres souverains (consécutive à l'action de la BCE).

Côté social, le RSA a été revalorisé de 6,8% depuis 2012 et le nombre de personne vivant sous le seuil de pauvreté a sensiblement reculé en 2013 (14% de la population). Mais le taux de pauvreté a recommencé à remonter à 14,2% de la population en 2014, tandis que les inégalités continuent à se creuser.

Si la courbe du chômage est susceptible de s'inverser grâce à une croissance espérée à 1,5% en 2016 et grâce au placement programmé de 500 000 chômeurs en formation, le gouvernement se targue d'ores et déjà d'une baisse de 60000 chômeurs de catégorie A en mars. Cette baisse est en trompe l'œil. Le nombre de chômeurs de catégorie B et C, ayant eu une activité réduite pendant le mois (mais qui n'en sont pas moins tombés au chômage), est en hausse de 57 300. Si l'on ajoute la radiation des chômeurs découragés et ceux arrivés en fin de droit. La courbe du chômage ne s'inverse pas ! Les chômeurs de catégorie B et C basculeront d'ailleurs dès le mois suivant dans la catégorie A qui gonflera autant qu'elle s'était réduite. En raison de l'atonie de l'activité, provoquée par une demande insuffisante, la baisse du nombre de chômeurs de catégorie A est due à des créations d'emploi en CDD courts. 87 % des créations d'emplois sont en effet des CDD et, parmi eux, la moitié de ces créations d'emplois est composée de CDD de moins d'une semaine !

Enfin, le gouvernement vient d'annoncer des mesures de redistribution en faveur de certaines catégories et notamment une baisse d'impôts. En l'absence de la réforme fiscale d'ampleur promise au Bourget, celles-ci seront nécessairement marginales à côté des 40 milliards consacrés au redressement sans contreparties du taux de profit des entreprises. En tout cas, ces mesures fiscales ne concerneront pas les catégories les plus modestes, qui ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu. Ces catégories auraient par contre été concernée dans la loi de finance 2016 par l'amendement Ayrault instituant une CSG progressive (qui se serait matérialisée par une baisse du taux les concernant), mis au rencard avec la duplicité du conseil constitutionnel.

Malgré un bilan bien meilleur, Lionel Jospin avait été contraint de se retirer de la vie politique un certain 21 avril 2002, pour avoir défendu un programme qui n'était déjà plus socialiste…

 

Liêm Hoang Ngoc, fondateur NGS.